
Ibrahima Maiga
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Au front Pendant trois jours, j’ai accompagné ces hommes sur des sentiers que la carte n’indique plus, là où la terre elle-même semble murmurer le nom de ceux qui n’en sont jamais revenus. Dès l’aube, la chaleur nous prenait à la gorge, puis s’amplifiait jusqu’au crépuscule, transformant chaque pas en un combat intérieur. On avançait le regard fixé sur l’horizon, sans autre boussole que la détermination. Les pistes étaient tantôt caillouteuses, tantôt noyées dans une poussière ocre, qui s’infiltrait dans les vêtements et collait à la peau. Par endroits, le sol se craquelait sous la chaleur, formant de profondes lézardes où la moindre entorse aurait pu se révéler fatale. Plus loin, c’était un plateau aride que nous franchissions, cerné par des rochers épars qui surgissaient des sables comme autant de gardiens muets. À chaque virage, la savane se muait en un labyrinthe de hautes herbes sèches, un dédale que le vent parcourait en sifflant, nous rappelant la précarité de nos vies à chaque raffale. Au milieu de ce décor hostile, j’ai vu la force de ces hommes. Je les ai vus presser le pas malgré des visages luisants de sueur, l’épuisement se lisant dans leurs yeux. Pourtant, aucun ne ralentissait, comme si l’idée même de faiblir était inconcevable. C’était une marche obstinée, portée par l’instinct de protéger ce qui leur est cher. Il n’y avait pas de discours grandiloquents : seulement des mains qui se tendaient pour aider un frère d’armes à grimper une dune, ou pour vérifier que chacun tenait encore debout. Il y avait ce murmure, cette parole d’encouragement lancée tout bas à ceux dont les jambes vacillaient. Quand venait la nuit, le décor se métamorphosait. On pouvait presque sentir le souffle de la terre se refroidir d’un coup, comme si le sol rendait à l’air toute la chaleur accumulée dans la journée. Sous un ciel truffé d’étoiles, les silhouettes se dessinaient à la lueur tremblante des lampes ou d’un feu de fortune. Le silence, à la fois apaisant et oppressant, laissait deviner chaque craquement de branche, chaque bruissement dans l’obscurité. L’oreille guettait le moindre signe, et le cœur s’accélérait au moindre soupçon de danger. Pourtant, dans cet univers de veille et de suspicion, la fraternité se révélait plus solide que n’importe quel rempart : une tape sur l’épaule, un regard complice, un sourire discret disaient mieux que des mots qu’on n’était pas seul face à la nuit. Le long du trajet, j’ai découvert des points d’eau presque asséchés, où la boue séchée trahissait ce qui fut jadis un torrent bondissant. On s’y arrêtait parfois pour y trouver un maigre filet d’eau, le puiser avec précaution et le partager en silence, conscients de sa rareté. À certains endroits, un vieil acacia solitaire offrait une ombre parcimonieuse. On s’y posait quelques instants, le temps d’un souffle, avant de reprendre la marche sur ce chemin d’incertitude. J’ai vu des regards échangés, lourds de sens. Des regards qui disaient : “Nous ne pouvons reculer.” C’était une promesse, tacite mais indestructible, entre chacun de ces combattants et la terre qu’ils défendaient. Un serment que rien, pas même la fatigue ni la peur, ne pouvait rompre. Dans leurs postures, dans leurs silences, s’exprimait la certitude qu’ils portaient l’honneur de leurs familles, la mémoire de leurs ancêtres et l’avenir de leurs enfants. On pourrait croire que la souffrance éteint la flamme de l’esprit, mais j’ai vu le contraire : plus l’épreuve s’intensifiait, plus leur volonté se raffermissait. Les heures les plus dures, quand la poussière aveuglait presque et que les lèvres craquelées s’entrouvraient à peine pour respirer, étaient celles où l’on sentait la détermination collective décupler. C’était comme si, face à l’adversité, chacun puisait la force qui lui manquait dans le courage de l’autre. Ensemble, ils avançaient coûte que coûte, unis par l’idée qu’aucune terre, même dévastée, ne méritait d’être abandonnée. À l’approche du troisième jour, les visages portaient déjà les marques de la route : cernes, joues creusées, poussière incrustée dans chaque pore. Pourtant, leurs yeux brillaient d’une lueur farouche, comme si chaque pas accomplissait un destin supérieur. Certains avaient à peine vingt ans, d’autres portaient déjà les rides de l’expérience, mais tous se tenaient comme s’ils ne faisaient qu’un seul corps, une même volonté prête à tout endurer. J’ai alors compris que ce courage n’est pas seulement une force individuelle ; c’est un souffle collectif qui balaie la crainte et la fatigue. On ne choisit pas toujours de se battre, mais quand la liberté, la dignité ou la survie d’un peuple sont en jeu, le combat devient un devoir ancré dans l’âme. Et ce devoir, je l’ai vu se graver dans ces hommes, au fil des pas, au fil des nuits, au fil d’un chemin qui semblait sans fin. En fermant les yeux, je revois encore ce sable rougeoyant, ces silhouettes sur la crête d’une dune, avançant vers l’inconnu. Je revois ce feu de camp vacillant qui rassemblait des visages fatigués mais déterminés, conférant à chacun une dignité presque sacrée. Je revois surtout cette flamme dans leurs regards, indélogeable, qui semblait dire : “Nous sommes là, et nous ne renoncerons jamais.” Cette expérience, je la transmets en espérant qu’elle touche chacun au plus profond de son être. Qu’elle rappelle que, parfois, une simple poignée d’hommes peut tenir tête au sort et le renverser. Qu’elle souffle aux cœurs épris de justice qu’il n’y a pas de pas trop lourd à faire, ni de nuit trop sombre à traverser, quand on se bat pour protéger ce qui nous est cher. Et si, en lisant ces mots, certains ressentent le feu qui brûle en moi, qu’ils sachent qu’il s’agit d’une flamme contagieuse. Au bout de la piste, derrière chaque dune, il y a toujours un soleil qui se lève. Et dans ce renouveau, la promesse que l’espoir ne s’éteint jamais lorsqu’il est porté par le courage. Ibrahima Maiga

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Appel aux patriotes qui soutiennent notre armée et nos VDP Ce soir, si tu es à Ouagadougou, prends juste cinq minutes de ton temps. Cinq minutes pour te tenir debout, au rond-point Capitaine Ibrahim Traoré, à 20h00. Cinq minutes pour regarder l’horizon et murmurer un “merci” à ceux qui, chaque jour, affrontent la mort pour que tu vives libre. Cinq minutes pour honorer nos FDS, ces hommes et femmes qui marchent dans l’ombre pour que la lumière demeure. Ce n’est pas grand-chose, mais pour eux, ça veut dire tout.