
Pwezi Libète
February 22, 2025 at 11:07 PM
Le National / Éditorial
Frankétienne ou l’horreur du «kokoratism»
Écrit par : Gary VICTOR, 22/02/25
On a l’occasion de le redire maintenant à la disparition de ce grand homme de lettres, de ce flamboyant artiste qu’est Frankétienne.
Frankétienne était un mégalomane. Un génial mégalomane.
Frankétienne voyait tout en grand. Il voulait se mettre à l’échelle de l’Univers. Il voulait chevaucher la grande spirale des étoiles. Son écriture reflétait cette brûlante volonté et cette folie essentielle qui ont permis à certains hommes de réaliser des exploits, des œuvres, qui laissent encore pantoises des générations.
Frankétienne avait donc horreur du petit, horreur du kokoratism.
Il avait en horreur ces hommes et ces femmes qui ont construit ce pays qui n’a rien à voir avec le grand rêve des fondateurs.
Frankétienne était de la vision christophienne.
Il voulait être le meilleur, le plus grand partout. Il rêvait certainement de construire une autre citadelle qui ferait pâlir d’envie Henri Christophe. Il rêvait du Prix Nobel. Il voulait que l’Histoire retienne son nom. Il devait rêver d’une statue de lui qu’on verrait depuis l’espace et qui défierait le temps.
Mais le drame de Frankétienne, c’est qu’il a vu son pays détruit par un ramassis de petits, une nuée de crétins et de kokorat, qui ne représenteront même pas un pet aux yeux de l’Histoire.
Il a vu, atterré, ce qu’il appelait le zwit, partout. Il disait toujours « Nou wè tout bagay an zwit. »
Ils portent costume, cravate, uniformes avec galons et étoiles, ils ont diplômes universitaires, et ils voient tout en zwit. Ils sont petits. Nuls. Crétins. Ils parlent des bandits à sapat, mais les bandits à sapat ne sont qu’une excroissance d’eux, de leur nullité, de leur méchanceté, de leur ignorance.
Une nation fait souvent des pas de géants avec un dirigeant un peu mégalomane. Christophe a vu grand. Plus près de nous, Balaguer a vu grand.
Nous, nous sommes dans le zwit, dans le kokoratism, un autre mot qu’affectionnait Frankétienne.
La démesure de Frankétienne reflète sa peine, sa souffrance, sa rage d’être dans cette société du zwit, du petit. Il a voulu constamment échapper à la gravité du kokoratism et pour cela il est devenu une fusée porteuse capable d’élever son esprit au-dessus de notre mascarade. Ainsi, il se réfugiait dans les étoiles, se laissant porter par les courants cosmiques, naviguant au gré de sa plume, de ses pinceaux, avec les mots comme seul carburant.
Frankétienne ira plaider devant le tribunal des ancêtres, présidé par Jean-Jacques Dessalines contre tous ceux qui ont souillé ainsi cette terre de leur immonde médiocrité, de leur sanglante méchanceté et leur crasseuse petitesse.
Gen kou moun ki pral kase anvan lontan !
La plaidoirie de Frankétienne ébranlera le tribunal des ancêtres !
Gary Victor
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