
Africa Conflict Monitor
February 25, 2025 at 10:59 AM
🇨🇩 Guerre contre le M23 : le plan des chefs militaires de l'EAC pour la sortie de crise
Les chefs d'état-major de l'East African Community étaient réunis le 21 février à Nairobi pour discuter de la situation sécuritaire dans l'est de la RDC. Ils envisagent le déploiement de nouvelles forces et même un "statut spécial" pour les villes de Goma et de Bukavu.
Le président rwandais, Paul Kagame, au sommet extraordinaire conjoint entre les chefs d'État de la SADC et de l'EAC à Dar es-Salam, le 8 février 2025. ©️ Ericky Boniphace/AFP
Africa Intelligence a eu accès au compte rendu de la réunion des chefs d'état-major des pays membres de l'East African Community (EAC), qui s'est tenue le 21 février à Nairobi à propos de la crise sécuritaire dans l'est de la RDC. Ce document, estampillé "confidentiel", pose les jalons de la réunion prévue ce 24 février avec leurs homologues de la Southern African Development Community (SADC). Celle-ci vise à discuter des modalités de l'objectif fixé lors du sommet conjoint EAC-SADC, le 8 février à Dar es-Salaam, pour obtenir un cessez-le-feu immédiat et la cessation des hostilités dans les provinces orientales de la RDC.
S'il demeure un travail préparatoire, le contenu de la réunion du 21 février à Nairobi apporte un éclairage sur la manière dont ses protagonistes envisagent une sortie de crise. Celle-ci passe par une convergence des processus de Nairobi et de Luanda, actée lors du sommet EAC-SADC du 8 février, bien que chacun ait un objectif différent.
Celui de Nairobi, mené sous l'égide de l'EAC, était destiné à engager des consultations entre l'État congolais et les groupes armés locaux – à l'exception du M23, qui en avait été exclu – afin que ceux-ci adhèrent au programme de désarmement, démobilisation, relèvement communautaire et stabilisation (PDDRCS). Le processus de Luanda avait été lancé sous la médiation du président angolais, João Lourenço, mandaté par l'Union africaine (UA) afin de favoriser le dialogue entre la RDC et le Rwanda, accusé de soutenir le M23.
Réouverture des aéroports
La fusion des deux processus, qui doit se faire sous l'autorité d'un secrétariat conjoint, est censée permettre, à court terme, de rétablir le contact avec l'ensemble des parties au conflit, y compris le M23 et le Rwanda, afin de les engager à un arrêt des hostilités. Pour y parvenir, les chefs d'état-major de l'EAC proposent de s'appuyer sur le seul instrument existant et jugé opérationnel dans la zone : le Mécanisme conjoint de vérification élargie (MCVE). Celui-ci avait été mis en place en 2012 par la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL). Bien qu'il ait montré ses limites ces dernières années, les membres de la réunion envisagent de renforcer ses capacités. Tout en dépêchant à Goma et Bukavu une équipe EAC-SADC composée d'experts militaires et gouvernementaux pour évaluer la situation.
Autre priorité affichée lors de la réunion : la réouverture des aéroports de Goma et de Bukavu, dont la fermeture perturbe l'acheminement de l'aide humanitaire. Les membres de l'EAC ont notamment recommandé de lever l'interdiction des vols prévus à cet effet, et d'envisager de faire appel à la mission onusienne en RDC (Monusco) pour prendre en charge la gestion des aéroports. Les Nations unies sont également appelées à renforcer le mandat et les capacités de la Monusco pour participer aux efforts de sécurisation dans le Nord-Kivu et le Sud-Kivu, malgré son retrait l'an dernier de cette province à la demande du gouvernement congolais.
À long terme, les chefs militaires de l'EAC recommandent le déploiement d'une force hybride associant l'EAC, la SADC et l'UA afin de sécuriser les zones sous occupation du M23. Cette nouvelle force remplacerait celle de l'EAC, qui avait plié bagage fin 2023. Son déploiement s'accompagnerait de négociations en vue de restaurer l'autorité du gouvernement de Kinshasa dans les zones affectées par la guerre. Selon les termes du compte rendu de la réunion, les pourparlers pourraient déboucher, à terme, sur l'octroi d'un "statut spécial", dont les modalités ne sont pas définies, pour les villes de Goma et de Bukavu. Un scénario pourtant réfuté publiquement avec force par le président congolais, Félix Tshisekedi.
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