
LLV LE MAG
June 11, 2025 at 08:50 AM
*UN PROPOS QUI TOMBE À PROPOS : Le MRC ou le mirage d’une alternance messianique et incohérente au Cameroun*
Le Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC) est-il encore un parti politique ou n’est-il plus qu’un prétexte idéologique au service d’un homme ? Autrefois porteur d’espoir, ce mouvement se révèle aujourd’hui comme une force d’incohérence, d’exclusion, et de paralysie stratégique.
En cultivant le culte de la personnalité autour de Maurice Kamto, en marginalisant toutes les voix dissonantes et en sacrifiant toute cohérence politique sur l’autel de l’opportunisme électoral, le MRC s’est mué en une machine à recycler la frustration collective pour mieux l’instrumentaliser.
*I. Une base militante convertie à une foi aveugle*
L’un des échecs majeurs du MRC réside dans sa capacité à produire non pas des citoyens engagés, mais des militants-zélateurs, des croyants politiques pour qui toute remise en question est une trahison.
Célestin Djamen, ancien cadre du parti, ne mâche pas ses mots :
_*« J’ai l’impression qu’on est en train de vivre une période de somnambulisme politique. Quand vous oubliez l’histoire, vous êtes condamnés à la revivre douloureusement. »*_
Il dénonce l’absence de cohérence, et l’aptitude sidérante des militants à acclamer des positions contradictoires de leur leader :
_*« Kamto dit un jour que la politique de la chaise vide ne paie jamais, et trois semaines plus tard, il boycotte les élections. Les mêmes applaudissent dans les deux cas. »*_
Selon lui, cela traduit une crise psychologique profonde chez les partisans du parti, comparable à un syndrome de double personnalité :
_*« Il y a chez ces militants une espèce de dissociation. Applaudir une chose et son contraire sans broncher, c’est inquiétant. »*_
*II. Une ligne politique confuse et une stratégie suicidaire*
En 2020, le MRC choisit de boycotter les élections municipales et législatives. Officiellement pour protester contre la crise anglophone et un code électoral injuste. En réalité, un retrait tactique mal pensé qui prive aujourd’hui le parti de toute représentation officielle.
Le même Maurice Kamto qui refusait « la politique de la chaise vide » en janvier 2019, la pratique avec ardeur trois semaines plus tard. Ironie du sort, il se retrouve aujourd’hui confronté à un véritable casse-tête : sans élus issus d’un scrutin officiel, sa candidature pour 2025 pourrait dépendre de parrainages, un parcours semé d’embûches dans un contexte de pressions politiques.
Armand Noutack, lui aussi ancien militant, ironise ;
_*« Pendant que Kamto affirme que le MRC a des élus (on se demande comment), Ekanga, lui, se vante du boycott qui aurait éliminé les traîtres. Alors, d’où viennent les élus ? De Jupiter ? »*_
Et d’ajouter avec acidité :
_*« Le seul qui doit faire carrière au MRC, c’est Maurice Kamto ? Depuis 2013, il échoue à chaque élection, mais refuse qu’un autre incarne une alternative. »*_
*III. Une purge méthodique des esprits libres*
En trois ans, le MRC a méthodiquement évacué toute figure montante ou simplement critique. L’exclusion est devenue un outil de gestion. Citons parmi les anciens membres du directoire mis à l’écart ou partis d’eux-mêmes :
* Me Michèle Ndoki, aujourd’hui exclu pour avoir osé se porter candidate à la présidence du parti.
* Paul Éric Kingué, ancien allié de choix, devenu plus tard détracteur... Paix a son âme.
* Célestin Djamen, aujourd’hui président de l’APAR.
* Valère Bessala, Armand Noutack entre autres figures sacrifiées sur l’autel de la loyauté aveugle.
Michèle Ndoki évoque avec gravité la nature des dérives internes :
_*« Expérience affligeante », « acharnement », « limites de la politique politicienne », « vagues de démissions ».*_
Le MRC a remplacé la pluralité par la verticalité. Une seule voix compte. Toutes les autres sont reléguées, étouffées, ou diabolisées.
*IV. Kamto : un messie sans vision, une alternance sans plan*
Maurice Kamto aurait pu devenir une figure de transition démocratique. Mais il a préféré incarner une forme d’infaillibilité politique où tout désaccord est interprété comme une trahison.
Il parle de renaissance, mais pratique l’excommunication. Il évoque l’avenir, mais reste l’otage d’un récit de victime, sans stratégie de conquête concrète. Il se positionne comme le seul recours, là où le pays a besoin d’un projet, pas d’un prophète.
Ce culte de l’échec recyclé en héroïsme n’est pas une stratégie : c’est une impasse. Un piège pour le peuple et un tremplin pour les adversaires du changement.
Tout n'est cependant pas perdu... Le MRC se trouve à la croisée des chemins. Il peut soit devenir une force inclusive, capable de se renouveler et de proposer une véritable alternative, soit continuer à dériver dans le brouillard de ses incohérences et de ses exclusions internes.
Comme le résume Armand Noutack :
*_« On ne peut pas être aussi égoïste et espérer s’en sortir facilement. »_*
En refusant l’ouverture, en fuyant la cohérence et en criminalisant la contradiction, le MRC est en train de ruiner ce qu’il avait de plus précieux : la légitimité de son espoir.
*Dr Paulin Donfack*
*Essayiste politique, libre penseur*