
Abdou Pagoui
May 29, 2025 at 11:40 AM
đ„âȘïžEknewan : Autopsie dâun massacre
Lâattaque du 25 mai 2025 contre le camp militaire dâEknewan en plus dâĂȘtre un drame humain, est le rĂ©vĂ©lateur dâune faillite stratĂ©gique qui gangrĂšne lâarmĂ©e nigĂ©rienne depuis le 26 juillet 2023. 58 soldats nigĂ©riens valeureux sont tombĂ©s ce jour-lĂ , dont le commandant de la position. Une tragĂ©die qui interpelle : comment en est-on arrivĂ© lĂ ? Pourquoi nos forces sont-elles systĂ©matiquement prises au piĂšge ? Et surtout, pourquoi personne nâa rien fait malgrĂ© les signaux dâalerte rĂ©pĂ©tĂ©s ?
Car cette fois-ci, lâEIGS a frappĂ© fort et avec mĂ©thode : lâattaque a Ă©tĂ© lancĂ©e Ă lâaide de drones kamikazes, une premiĂšre dans la rĂ©gion. Les terroristes ont envoyĂ© des messages de menace dix jours avant lâattaque, via la frĂ©quence radio de la position. Ils ont survolĂ© la base avec des drones tactiques pendant plusieurs jours, pris des photos, Ă©valuĂ© les faiblesses du dispositif, et, le comble, ils ont annoncĂ© leur arrivĂ©e la veille mĂȘme de lâassaut, toujours Ă travers la frĂ©quence radio de la position. Pourtant, la hiĂ©rarchie est restĂ©e sourde. Pire encore, elle a snobĂ© les alertes des hommes sur le terrain, les accusant mĂȘme de « peureux ».
En poussant lâanalyse plus loin de cette attaque, il apparaĂźt quâil yâa eu des failles structurelles bĂ©antes. Comme le confient plusieurs experts militaires, câest tout un problĂšme de concept qui mine nos forces. Nos bases sont isolĂ©es, sans possibilitĂ© de recevoir des renforts rapidement. Les forces spĂ©ciales, censĂ©es ĂȘtre notre fer de lance, sont aujourdâhui mal employĂ©es, diluĂ©es dans des tĂąches banales qui nâont plus rien dâĂ©litiste. Elles se retrouvent Ă tenir des positions fixes, comme de simples unitĂ©s dâinfanterie, dans des bases vulnĂ©rables, au lieu dâĂȘtre dĂ©ployĂ©es pour des actions offensives ciblĂ©es, des opĂ©rations de renseignement, ou des frappes de prĂ©cision. Le concept mĂȘme de forces spĂ©ciales est mal compris et mal exploitĂ© par le commandement : on les disperse dans des dĂ©tachements sans objectif clair, on les expose inutilement, et on les prive de moyens techniques et logistiques adaptĂ©s Ă leur rĂŽle. RĂ©sultat : des unitĂ©s dâĂ©lite dĂ©moralisĂ©es, qui perdent leur spĂ©cificitĂ© et leur efficacitĂ©. Les hommes nâont plus le moral, lâennemi a pris lâascendant psychologique, et les FDS nâont ni le matĂ©riel ni le soutien nĂ©cessaires pour riposter efficacement.
Lâexemple dâEknewan est effarant : les vĂ©hicules des FAN, en bon Ă©tat, avaient quittĂ© la position quelques jours avant lâattaque. Les autres vehicules en mauvais Ă©tat sans carburant suffisant, nâont pas permis aux soldats de se replier en sĂ©curitĂ©. Ceux qui ont tentĂ© de rĂ©sister ont Ă©tĂ© dĂ©cimĂ©s. Ă Egarek, une autre base Ă 50 kilomĂštres de Tillia, le mĂȘme scĂ©nario se rĂ©pĂšte : survols quotidiens de drones ennemis, prises de photos, harcĂšlement constant, mais cette fois-ci, les Ă©lĂ©ments de la Garde nationale ont pu Ă©viter le pire. DĂšs quâils ont constatĂ© le survol des drones de reconnaissance de lâEIGS, ils ont pris la dĂ©cision de se replier vers Tillia. Ă lâarrivĂ©e des terroristes, la base Ă©tait vide. Les hommes ont Ă©chappĂ© de justesse Ă une attaque dâenvergure.
On laisse pourrir la situation, on ferme les yeux, et on compte les morts. Il est urgent de dire les choses telles quâelles sont : cette attaque est la consĂ©quence directe dâun commandement dĂ©faillant. Les gĂ©nĂ©raux Tiani, Mody, Toumba et Barmou ont transformĂ© la hiĂ©rarchie militaire en une machine rouillĂ©e, incapable de protĂ©ger ses hommes, mais toujours prompte Ă encaisser et Ă accumuler des privilĂšges. Le systĂšme est Ă bout de souffle, et le pire, câest que rien ne bouge. Pas dâaudit, pas de remise en question, pas de « conseil de commandement » pour repenser notre stratĂ©gie. Aujourdâhui, câest Eknewan qui paie le prix. Demain, ce sera une autre base. Et Ă chaque fois, ce sont nos soldats qui tombent, pendant que ceux qui devraient les protĂ©ger se gavent et se taisent.
JusquâĂ quand allons-nous accepter cela ? Combien de drames faudra-t-il pour ouvrir les yeux ? Eknewan doit ĂȘtre un Ă©lectrochoc. Si rien ne change, cette tragĂ©die se rĂ©pĂ©tera. Et lâhistoire retiendra que nous avons laissĂ© mourir nos hommes dans lâindiffĂ©rence, faute de courage et de vision.
Hamid Amadou N'gadé

đ
đą
đ
đ
đ
ââïž
đ
12