Un autre Général s'éteint en détention… Général Sikatenda Shabani. L'histoire de la RD Congo continue tristement de s'écrire avec ces militaires de l'ancienne époque qui meurent en prison, loin du champ de bataille mais toujours prisonniers des logiques du pouvoir. C'est le cas du Général Sikatenda Shabani, décédé en détention ce matin. En novembre 2024, il avait été interpellé aux côtés du Général Mutepeke. Depuis, il était détenu sans que les véritables raisons de son arrestation ne soient officiellement dévoilées. Il faisait partie de cette série de Généraux issus de l'ère Kabila, soupçonnés par certains de "connivence avec l’ennemi". Sikatenda fut un compagnon de la première heure de Mzee Laurent-Désiré Kabila. Dans les années 70, il faisait partie du cercle très restreint de ceux qui avaient accès à ce qu'on appelait à l’époque le "Pic de la Révolution", le sanctuaire du maquis de Kabila dans la forêt Kisengela ("Hewa Bora"), dans le Lulenge, en territoire de Fizi. Lorsque le régime Mobutu lance ses opérations militaires de grande envergure à la fin des années 70, Mzee Kabila doit quitter Kisengela pour la Tanzanie. Sikatenda, fidèle parmi les fidèles, suit son chef et s'installe d'abord au camp de réfugiés zaïrois de Kigwa, avant de s'établir à Kigoma. Lorsque Kabila revient en octobre 1996 avec la rébellion de l'AFDL, Sikatenda est à ses côtés. Il jouera notamment un rôle déterminant, aux côtés du Général Lwecha (un autre Mubembe), dans les négociations avec les combattants baBembe, qui refusaient initialement de céder le passage vers Kalemie aux troupes de l'AFDL. Après la prise de Kinshasa en mai 1997, Mzee LD Kabila crée la DEMIAP (Détection Militaire des Activités Anti-Patrie) pour remplacer l'ancien SARM de Mobutu. C'est Sikatenda qui en devient le tout premier commandant de la DEMIAP, poste stratégique qu’il occupera jusqu’au déclenchement de la guerre du RCD en août 1998. Entre 1998 et 2002, il coordonnera, avec le Général Lwecha, les mouvements Maï-Maï dans l'est du pays. Durant la transition politique de 2003-2006, et même jusque vers 2009, il sera affecté à l'État-Major Général des FARDC. C'est au cours de cette période que j'ai eu l'occasion de le croiser à Kilembwe, son terroir natal, alors que j'y travaillais comme Administrateur-Financier de la base de l'ONG française AMI (Aide Médicale Internationale). Il venait souvent séjourner dans son fief et passait de temps à autre à notre bureau recharger son téléphone Thuraya. Des souvenirs marquants demeurent encore des périodes de tension et de terreur que lui et ses hommes faisaient peser sur la petite cité à chacun de leurs passages. Envoyé à la retraite vers 2012-2013, il vivait à Kinshasa, avec quelques déplacements occasionnels dans l'est, notamment à Uvira et Fizi. C'est à Kinshasa qu'il a d'ailleurs été arrêté, emprisonné, et c'est de cette prison qu’il vient de rendre son dernier souffle ce matin. Pumzika kwa amani, Jemadari! https://x.com/benbabunga/status/1930200589725466945?s=48