
EuroScope : la chaîne sur l’Europe
February 17, 2025 at 05:12 PM
**L’ÉMISSION DE L’EURO NUMÉRIQUE : UN ENJEU POLITIQUE ET STRATÉGIQUE POUR L’UNION EUROPÉENNE**
L’initiative de la Banque centrale européenne (**BCE*) visant à créer un **euro numérique** suscite un vif débat au sein des institutions de l’Union européenne. Dans son rapport annuel sur les activités de la BCE, adopté le **11 février 2025*, le **Parlement européen** appelle à ce que la décision finale d’introduire ou non cette **monnaie numérique de banque centrale (MNBC)** relève d’une **décision politique** partagée entre la BCE et les **législateurs de l’Union** (Parlement et Conseil de l’UE). Cette exigence reflète la conviction des eurodéputés selon laquelle une telle innovation aurait un impact majeur sur un large éventail de domaines, allant de la **protection de la vie privée** et de la **stabilité financière** à la **protection des consommateurs*, en passant par l’**innovation** et la **concurrence** sur le marché des paiements.
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**1. Un euro numérique sous surveillance législative**
Le rapport du Parlement européen met en évidence la **nature éminemment politique** du projet d’euro numérique. Si la BCE reste maîtresse de la politique monétaire, la création d’une MNBC publique touche à des enjeux qui dépassent le strict périmètre monétaire. D’après les eurodéputés, un euro numérique devrait être l’occasion d’**offrir une réelle valeur ajoutée** aux citoyens, dans la mesure où il pourrait:
• **Renforcer la résilience et l’accessibilité des systèmes de paiement** dans la zone euro, en assurant un second canal de paiement en complément de l’argent liquide.
• **Stimuler l’innovation** sur le marché des paiements numériques, en fournissant aux acteurs privés une plateforme publique facilitant le développement de nouvelles solutions.
• **Favoriser l’inclusion financière**, grâce à un accès hors ligne pour les populations qui disposent d’une connectivité limitée ou n’ont pas accès aux services bancaires traditionnels.
Les eurodéputés rappellent cependant que la BCE ne doit pas être l’unique décisionnaire, car l’émission d’une monnaie numérique est susceptible de modifier l’équilibre global du secteur financier européen. Ainsi, la position du Parlement est claire: il revient aux **co-législateurs de l’UE** de trancher au vu des conséquences sociales et économiques de ce projet.
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**2. Des débats législatifs toujours en cours**
Le paquet législatif sur l’euro numérique, présenté par la Commission européenne en **juin 2023*, fait actuellement l’objet de **discussions** au Parlement européen et au Conseil de l’UE. Plusieurs points clés sont examinés:
• **La protection de la vie privée et des données personnelles*: le Parlement insiste pour que l’euro numérique soit conçu dans le respect le plus strict du **RGPD** et offre un niveau de confidentialité au moins équivalent aux méthodes de paiement actuelles.
• **La préservation de l’argent liquide*: la BCE, par la voix de Christine Lagarde, assure que l’euro numérique ne **remplacera pas** les espèces. Le Parlement estime toutefois indispensable de garantir dans la loi la **disponibilité et l’accessibilité** du cash à long terme.
• **Les modalités d’émission et de détention*: afin d’éviter un déplacement massif des dépôts bancaires vers la BCE en période de stress financier, l’instauration de **plafonds de détention** fait partie des pistes à l’étude. Le secteur bancaire s’inquiète en effet du risque de retraits massifs pouvant fragiliser la distribution de crédit.
• **Le modèle économique*: la mise à disposition de l’euro numérique devra être **gratuite pour les usagers**, mais les banques et autres intermédiaires réclament un modèle de compensation équilibré pour couvrir leurs coûts d’infrastructure et d’implémentation.
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**3. L’ambition de préserver l’autonomie et la stabilité financières**
L’instauration d’un euro numérique touche à la **souveraineté monétaire** de l’Union. Pour Christine Lagarde, présidente de la BCE, cette MNBC garantirait la **nature publique** des paiements à l’ère numérique. Elle souligne également que:
• **Les systèmes de paiement privés** (portefeuilles numériques, fintech, solutions bancaires) demeureraient au cœur de la concurrence, mais bénéficieraient d’une **infrastructure partagée** sécurisée et supervisée par la BCE.
• L’euro numérique, dans sa forme «personnalisable», serait un **outil de résilience**, notamment face aux cyberrisques, grâce à des dispositifs de sécurité renforcés au niveau de l’Eurosystème.
• Il constituerait enfin un **levier de modernisation** de la zone euro, soutenant l’adoption rapide de nouvelles technologies (paiements automatisés, contrats intelligents, etc.), dans l’optique de conforter la **compétitivité** de l’Union face à d’autres grandes puissances économiques ou à de potentielles «monnaies stables» issues du secteur privé ou d’acteurs extérieurs.
Le Parlement souhaite néanmoins **minimiser les effets déstabilisateurs** pour les banques commerciales. Selon ses membres, les dépôts privés ne doivent pas être absorbés massivement par un compte ouvert directement à la BCE, au risque de provoquer des difficultés de liquidité pour certaines banques de détail. La prudence reste donc de mise, et les **pistes d’encadrement** (limitation de la quantité d’euro numérique que chaque citoyen peut détenir, mécanismes hors ligne à usage limité, etc.) sont au cœur des discussions.
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**4. Les enjeux de la prise de décision démocratique**
Le rapport parlementaire souligne que l’émission de l’euro numérique ne saurait se cantonner à un choix purement technique. Le **Conseil des gouverneurs de la BCE** a, certes, la compétence de définir la politique monétaire, mais cette MNBC comporte:
• Des **implications politiques** profondes, par exemple sur la **structure de la concurrence** dans les paiements de détail ou sur les libertés individuelles (anonymat des transactions, collecte des données, etc.).
• Des **répercussions potentielles** sur l’ensemble du système financier européen, en particulier sur le **financement de l’économie réelle** et sur l’évolution du rôle des banques en tant qu’intermédiaires de crédit.
• Un **impact sociétal** : si l’euro numérique est perçu comme un outil exclusif de la BCE, sans véritable contrôle démocratique, il pourrait susciter la méfiance d’une partie de la population; or, sans l’adhésion des citoyens, le lancement d’une MNBC risque de ne pas atteindre ses objectifs.
Selon le Parlement, la **décision d’émettre** un euro numérique doit donc être prise **conjointement** par la BCE et les **législateurs de l’Union*. Les débats interinstitutionnels en cours permettront de clarifier à la fois les fondements juridiques et les **modalités opérationnelles** de cette décision.
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**5. Perspectives et prochaines étapes**
• **Processus législatif*: Le Parlement européen et le Conseil de l’UE devront arrêter leur position respective sur la proposition de règlement concernant l’euro numérique avant d’entamer les **négociations interinstitutionnelles*. Les discussions porteront en particulier sur les **limites de détention** (afin de prévenir la fuite des dépôts), le **niveau de confidentialité**, l’**ancrage légal** de l’argent liquide et la **période de transition** permettant aux citoyens et aux acteurs bancaires de s’adapter.
• **Calendrier prévisionnel*: Alors que les travaux techniques de la BCE se poursuivent (la Banque centrale ayant déjà publié plusieurs rapports d’étape), l’entrée en vigueur d’un cadre législatif pourrait prendre encore plusieurs mois. Certains eurodéputés considèrent qu’il serait préférable d’attendre la **mise en place** complète de mécanismes de protection et d’accompagnement avant d’autoriser le lancement effectif de l’euro numérique.
• **Implication citoyenne*: Des consultations publiques menées par la BCE ont révélé tantôt un intérêt, tantôt un scepticisme envers l’euro numérique. Le Parlement insiste pour une **communication plus vaste** et une pédagogie auprès des citoyens, afin de démontrer la **valeur ajoutée** que ce projet pourrait leur apporter.
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**Conclusion**
L’éventuel déploiement de l’**euro numérique** concentre les attentions de la BCE, du Parlement européen et du Conseil de l’UE. Il s’agit d’un **projet stratégique** pour l’avenir de la monnaie unique et, plus largement, pour la **souveraineté** et la **compétitivité** de l’Union sur la scène mondiale. Christine Lagarde et la BCE rappellent que ce nouvel instrument ne visera ni à **remplacer** l’argent liquide ni à désavantager les acteurs privés, mais plutôt à offrir un **canal de paiement** additionnel, résilient et innovant.
Le Parlement, pour sa part, exige que la **décision finale** soit prise en concertation avec les **législateurs européens*, de manière à **encadrer démocratiquement** les enjeux liés à la stabilité financière, à la protection des données et à la liberté de choix des citoyens. Au cœur de cette démarche se trouve la nécessité de **prouver l’utilité concrète** de l’euro numérique pour les consommateurs, qui devraient percevoir sans ambiguïté les bénéfices réels d’un tel dispositif. La suite des **discussions législatives** et des **concertations techniques** avec les institutions et les acteurs de la place financière dira si, et sous quelles conditions, l’euro numérique verra le jour dans l’Union.
**Lien vers le rapport du Parlement européen**: [Rapport annuel 2024 sur la BCE (11 février 2025)](https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/TA-10-2025-0011_FR.pdf)
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