EuroScope : la chaîne sur l’Europe
EuroScope : la chaîne sur l’Europe
February 20, 2025 at 04:17 PM
**Réforme de la directive sur la responsabilité des produits défectueux : un cadre adapté à l’ère numérique et à l’économie circulaire** Face à la montée en puissance des **technologies numériques, de l’intelligence artificielle (IA), de l’Internet des objets (IoT) et des modèles économiques circulaires**, la directive européenne sur la responsabilité des produits défectueux de 1985 nécessitait une modernisation en profondeur. La nouvelle directive **(UE) 2024/2853*, publiée au Journal officiel le **18 novembre 2024** et entrée en vigueur le **9 décembre 2024*, introduit des **règles adaptées aux réalités du marché actuel** en intégrant les défis posés par **les produits connectés, les logiciels embarqués et les plateformes de commerce en ligne*. Son objectif : **garantir aux consommateurs un droit à indemnisation élargi** et assurer une **responsabilité claire des fabricants, importateurs et plateformes numériques**. Les **États membres ont jusqu’à décembre 2026** pour transposer cette directive dans leur droit national. --- ## **Un cadre juridique modernisé face aux défis du numérique et de l’économie circulaire** ### **1. Une définition élargie des produits défectueux** La directive introduit une **extension majeure de la notion de "produit"** pour couvrir : * **Les logiciels et applications**, qu’ils soient autonomes ou intégrés dans des produits physiques (ex. logiciels de gestion des freins d’un véhicule autonome). * **Les services numériques essentiels au fonctionnement d’un produit*, comme les **mises à jour logicielles** ou les **services cloud connectés à un appareil**. * **Les fichiers de fabrication numérique*, notamment ceux utilisés pour l’**impression 3D**. Cependant, la directive **exclut** du champ d’application : * Les **logiciels open-source gratuits** développés hors d’une activité commerciale. * Le **code source des logiciels**, afin de ne pas freiner l’innovation et l’interopérabilité. ### **2. Une meilleure prise en compte des nouvelles chaînes d’approvisionnement** L’émergence de modèles économiques décentralisés et de plateformes numériques a conduit à une refonte des responsabilités. Désormais, la directive instaure **une hiérarchie de responsabilité** : 1. **Le fabricant** reste le premier responsable des défauts de son produit. 2. **L’importateur et le représentant autorisé** sont responsables si le fabricant est situé hors de l’UE. 3. **Les plateformes numériques et services de distribution** (ex. Amazon, Alibaba) peuvent être tenues responsables si **aucun fabricant ou importateur identifiable** ne peut être poursuivi. 4. Toute entreprise effectuant une **modification substantielle d’un produit** après sa mise sur le marché peut être assimilée à un fabricant et être tenue responsable. ### **3. Une reconnaissance élargie des dommages indemnisables** La directive élargit la définition des dommages ouvrant droit à indemnisation. En plus des **préjudices corporels et matériels classiques**, elle inclut désormais : * **Les atteintes médicalement reconnues à la santé psychologique**. * **La destruction ou la corruption irréversible de données personnelles*, avec un seuil de **1 000 €** pour éviter les plaintes abusives. De plus, la période de responsabilité des fabricants est étendue à **25 ans** en cas de **dommages sanitaires à développement lent** (ex. cancers induits par des substances toxiques contenues dans un produit). --- ## **Un allègement de la charge de la preuve au bénéfice des victimes** ### **1. Facilitation des recours pour les consommateurs** Sous l’ancien régime, la victime devait prouver : * **L’existence d’un défaut du produit**. * **Le préjudice subi**. * **Le lien de causalité entre le défaut et le dommage**. La nouvelle directive simplifie ce processus en **introduisant plusieurs présomptions** : * Si le fabricant **ne fournit pas les informations nécessaires** sur le produit, une **présomption de défaut** est appliquée. * Si le produit **ne respecte pas des normes de sécurité obligatoires**, il est présumé défectueux. * Si le **produit présente un dysfonctionnement manifeste**, la victime n’a plus besoin de prouver le défaut. * En cas de complexité scientifique (ex. **IA opaque et boîte noire*), une **présomption de causalité** peut être établie. Les fabricants conservent cependant **le droit de contester ces présomptions**. ### **2. Équilibre entre responsabilité des fabricants et innovation** La directive maintient certaines **exonérations de responsabilité** pour les entreprises, notamment si : * **Elles n’ont pas mis le produit en circulation**. * **Le produit était conforme aux normes de sécurité en vigueur au moment de sa mise sur le marché**. * **Le défaut ne pouvait pas être détecté selon l’état des connaissances techniques du moment** (principe du "risque de développement", que les États membres peuvent toutefois choisir d’exclure). --- ## **Un impact majeur pour l’industrie et le commerce en ligne** ### **1. Les craintes du secteur numérique et industriel** Plusieurs organisations économiques, notamment **DigitalEurope, Orgalim et l’AmCham EU**, ont exprimé des préoccupations : * **Hausse des coûts d’assurance** pour les éditeurs de logiciels et les développeurs d’IA. * **Complexité juridique accrue**, notamment pour les plateformes de commerce en ligne. * Risque de **frein à l’innovation**, notamment pour les startups et PME. À l’inverse, **les organisations de consommateurs*, comme **BEUC*, estiment que cette réforme **comble enfin une lacune juridique majeure** et offre **une meilleure protection face aux produits connectés et à l’IA**. ### **2. Vers un alignement avec d’autres textes européens** Cette directive s’intègre dans un cadre réglementaire plus large, aux côtés de : * **Le Règlement sur l’intelligence artificielle (AI Act)**, qui encadre les usages des systèmes IA à haut risque. * **Le Cyber Resilience Act**, qui impose des normes strictes aux produits numériques en matière de cybersécurité. * **Le Digital Services Act (DSA)** et **le Digital Markets Act (DMA)**, qui régulent les plateformes en ligne. --- ## **Conclusion : Une réforme ambitieuse mais encore incertaine dans son application** La directive révisée constitue une avancée majeure pour l’adaptation du cadre juridique européen aux réalités du **marché numérique et de l’économie circulaire**. * **Elle améliore considérablement la protection des consommateurs**, notamment face aux technologies émergentes. * **Elle clarifie la responsabilité des acteurs économiques**, y compris pour les plateformes numériques et les logiciels embarqués. * **Elle garantit un droit à indemnisation plus large**, notamment pour les préjudices immatériels comme la corruption de données. Cependant, **les modalités d’application de cette directive restent à surveiller** : * **L’interprétation des tribunaux** sera déterminante, notamment sur les concepts de **modification substantielle et d’IA "boîte noire"**. * **Les États membres devront trancher sur certaines options**, comme l’exclusion ou non du "risque de développement". * **Les entreprises devront s’adapter rapidement** à ces nouvelles obligations, sous peine d’une insécurité juridique accrue. D’ici décembre 2026, **les États membres devront finaliser leur transposition*, avec un enjeu clé : **trouver un équilibre entre protection des consommateurs et compétitivité industrielle européenne**. 🔗 **Plus d’infos sur la procédure législative** : [Fiche de procédure du Parlement européen](https://oeil.secure.europarl.europa.eu/oeil/en/procedure-file?reference=2022/0302(COD)) **#responsabilitéproduits #ia #économiecirculaire #innovation #droitnumérique #ue**
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