
EuroScope : la chaîne sur l’Europe
March 1, 2025 at 03:28 PM
*LE RÔLE DE L’EURO NUMÉRIQUE DANS LES PAIEMENTS NUMÉRIQUES ET LA FINANCE*
Le **28 février 2025**, **Piero Cipollone*, membre du directoire de la **BCE** est revenu sur les raisons pour lesquelles l’Europe doit impérativement développer un **euro numérique** et consolider son rôle dans les **paiements digitaux** et la **finance*. Cette prise de position prolonge les remarques formulées lors de la **Crypto Asset Lab Conference** du 17 janvier 2025. La perspective de la BCE est claire : dans un contexte de **transition numérique** rapide, l’Europe doit éviter de dépendre uniquement de solutions non européennes, protéger son **autonomie stratégique** et maintenir la **position mondiale de l’euro**.
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**1. Le contexte : réduire l’écart de productivité avec les États-Unis**
* Les analyses montrent que la **différence de productivité** UE-États-Unis s’explique principalement par les **secteurs de la technologie et de la finance**.
* Selon Mario Draghi, sans les **secteurs numériques et financiers**, cet écart disparaîtrait quasiment.
* L’Europe doit donc miser sur la **finance numérique** et les **paiements digitaux** pour stimuler l’**innovation**, la **compétitivité** et répondre à la **digitalisation** des usages.
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**2. Pourquoi un euro numérique est-il stratégique ?**
* **Préserver la souveraineté monétaire** : sans forme numérique de la monnaie de banque centrale, l’euro risque de perdre de son importance dans un monde où les transactions se digitalisent (paiements, smart contracts, actifs tokenisés, etc.).
* **Répondre à la baisse de l’utilisation des espèces** : en zone euro, la part des paiements en espèces (en valeur) est passée sous celle des **transactions par carte**. De plus, 12 % des entreprises refusent déjà l’argent liquide.
* **Renforcer l’autonomie de l’UE** : 13 des 20 pays de la zone euro n’ont pas de système domestique de cartes et s’appuient sur des acteurs non européens pour les paiements. Deux tiers des transactions par carte se règlent via des réseaux internationaux.
* **Limiter la dépendance géopolitique** : dans un environnement instable, l’absence de solutions européennes robustes accroît la vulnérabilité aux perturbations venues d’autres régions du monde.
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**3. Avantages pour consommateurs et commerçants**
* **Universalité et gratuité de base** : l’euro numérique, ayant cours légal, serait accepté par tous les commerçants qui acceptent déjà les paiements électroniques et serait gratuit pour les usages fondamentaux (faible volume de transactions).
* **Concurrence accrue** : l’introduction d’un nouveau canal public de paiement créerait une pression à la baisse sur les frais de transaction, lesquels ont presque doublé entre 2018 et 2022 pour les commerçants en Europe.
* **Innovation et intégration** : les fournisseurs européens de services de paiement pourraient déployer plus facilement leurs solutions à l’échelle paneuropéenne grâce à une **infrastructure commune**.
* **Sécurité** : en étant adossé à la **banque centrale**, l’euro numérique offrirait un niveau de confiance élevé pour les transactions numériques quotidiennes.
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**4. Un cadre légal pour stimuler le marché**
* La **Commission européenne** a proposé un règlement conférant à l’euro numérique un **statut de monnaie ayant cours légal**, ce qui garantirait son acceptation par tous les acteurs.
* L’objectif est de **créer un écosystème paneuropéen** : en alignant les standards techniques et en favorisant l’interopérabilité, la BCE vise à lever les freins à l’émergence de services innovants et à mettre fin à la fragmentation nationale.
* Les banques et fintechs conserveraient un rôle central, en participant à la distribution de l’euro numérique, à la gestion de la relation client et à la mise sur le marché de produits à valeur ajoutée (paiements programmables, identités numériques, etc.).
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**5. Vers un marché des actifs numériques et un usage de la DLT au niveau wholesale**
* **Côté wholesale**, la BCE et les banques centrales de la zone euro (Eurosystème) offrent déjà des solutions de règlement en monnaie banque centrale via TARGET (T2 pour les paiements interbancaires, T2S pour les règlements-titres).
* Les **nouvelles technologies** comme la **blockchain** (ou DLT) peuvent faciliter la tokenisation d’actifs et l’instantanéité des transactions (24h/24, 7j/7), réduisant les coûts opérationnels et les risques de règlement.
* La BCE a mené en 2024 des expérimentations à grande échelle avec 60 institutions, permettant l’émission et le règlement de plus de **1,6 milliard d’euros** de transactions en mode test sur des plateformes DLT.
* Les prochaines étapes consistent à **rendre possible** le règlement en monnaie banque centrale sur DLT (par exemple via un **European shared ledger*) tout en assurant une **interopérabilité** entre plateformes.
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**6. Les défis à relever**
* **Concrétiser l’acceptation universelle** : pour que l’euro numérique soit réellement “cash-like”, il faut garantir une adoption massive par les commerçants et un usage simple pour les citoyens.
* **Gérer la transition** : maintenir en parallèle les espèces (pour l’inclusion et la résilience) et proposer des infrastructures adaptées aux nouvelles technologies.
* **Encadrer la vie privée** : les débats autour de la protection des données et de la confidentialité des paiements sont cruciaux pour la confiance du public.
* **Équilibrer la cohabitation** : l’euro numérique devra s’intégrer dans un écosystème où coexistent la monnaie scripturale des banques commerciales, les stablecoins privés, et potentiellement d’autres devises numériques.
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**Conclusion**
Piero Cipollone souligne l’importance de ne pas **passer à côté de la révolution numérique** en matière financière. Un **euro numérique** permettrait de :
* Conserver une **monnaie publique** dans le champ digital,
* Accroître la **résilience** et l’**autonomie stratégique** de l’UE,
* Favoriser la **concurrence** et la **standardisation** des paiements,
* Bâtir un **écosystème d’actifs numériques** solidement ancré dans la monnaie banque centrale.
Le succès du projet exigera une **collaboration étroite** entre la BCE, les institutions financières, les commerçants et les États membres, afin de développer une **infrastructure fiable*, de définir un **cadre réglementaire** clair et de **convaincre** les usagers de l’utilité de l’euro numérique.
Lire l’intervention de Piero Cipollone : **[Lien](https://www.ecb.europa.eu/press/inter/date/2025/html/ecb.in250228~7c25c90e4d.en.html)**
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