PLANÈTE UNIVERS AVEC JS
February 15, 2025 at 09:07 PM
Le 16 février 1992, des milliers des Kinois descendaient dans la rue pour une marche pacifique dénommée «marche de l’espoir»,a l’appel d’une association catholique laïque. Ils revendiquaient la réouverture de la Conférence Nationale Souveraine (CNS), fermée le 19 janvier 1992 par le premier ministre Nguz-a-Karl-i-Bond.
Ce forum national, ouvert le 7 février 1991 à Kinshasa, avait pour objectif «de faire une évaluation sans complaisance de la situation politique du pays, avec tolérance et justice afin de baliser le chemin de la démocratie et du changement social ».
Mais dans un message radiotélévisé, le premier ministre Ngunz fermera la CNS, expliquant sa décision par les faits que les travaux de la conférence coûtaient trop cher, la province du Kasaï Oriental surreprésentée parmi les conférenciers (14%) et que la CNS outrepassait ses compétences (source ou lien).
Quelques semaines suffirent aux intellectuels catholiques pour décider de l’organisation de cette marche du 16 février pour exiger l’ouverture de ce forum dont les résolutions devraient revêtir un caractère souverain et donc contraignant pour le régime de l’époque.
La manifestation qui réussit à mobiliser des milliers des chrétiens catholiques, protestants et orthodoxes dans différents coins de la capitale du Zaïre, le nom du pays en ce temps-là, fut finalement réprimée dans le sang par l’armée. Les sources officielles avaient à l’époque évoqué le nombre de 13 morts, plusieurs sources non officielles avaient fait état des centaines des morts.
Direction le palais du peuple
«Cette marche était celle de l’espoir pour tous les peuples zaïrois. Les autorités avaient ordonné la fermeture de la Conférence nationale souveraine qui était notre seule espoir pour le changement, pour la démocratie au Zaïre (Actuel RDC) », rappelle Augustin Kayenge, témoin de la marche du 16 février 1992.
Ce fervent catholique, la soixantaine révolue, a participé à la marche du 16 février avec les paroissiens de l’Eglise St Gabriel deYolo-Sud, dans la commune de Kalamu. Avec un regard nostalgique, il se souvient encore à quelques détails près de ce qu’il a vécu ce jour-là.
«Ce dimanche-là, du 16 février 1992, notre curé, de la paroisse St Gabriel, nous avait rappelé les consignes pour réussir cette procession qui devait nous conduire jusqu’au palais du peuple. Nous ne devrions pas insulter, ni jeter des pierres aux militaires », raconte-t-il.
D’après lui, chaque manifestant avait reçu l’instruction de prendre une bougie, un rameau ou un chapelet, des symboles pourtémoigner de sa foi et du sens de non-violence que les organisateurs voulaient conférer à cette manifestation.
«Nous nous attendions certes à des jets de gaz lacrymogènes car nous savions que notre marche n’était soutenue ni par les pères de l’église, ni autorisée par le pouvoir en place », poursuit-il. «Mais ce à quoi on ne s’attendait pas, c’est des tirs à balles réelles», dit-il dans un soupir.
Partis de Yolo-Sud vers 9h00 heures locales, des centaines des paroissiens a l’instar d’Augustin Kayenge prirent l’avenue Kimwenza pour le Palais du peuple.
« A l’approche de l’intersection de l'avenue Kimwenza et l'avenue Kapela qui sépare les deux quartiers Yolo-Sud et Yolo-Nord, nous serons rejoints par plusieurs manifestants de la Société civile et de l'UDPS (Union pour la Démocratie et le Progrès Social). C’est là que les choses se sont gâtées.
C’est là que nous avons été surpris par les premiers tirs. Et c’était la débandade. Ils sortaient de partout ces militaires. Notre curé, l’abbé Lazard qui n’est plus de ce monde, était à la tête de la procession. Il sera poursuivi et interpellé plus loin avec certains diacres et d’autres fidèles qui l’avaient aidé à s’échapper.
Je faisais partie des dizaines d’autres qui ont poursuivi avec difficulté la procession jusqu’à St Joseph de Matonge, car les militaires étaient plus intéressés au peloton qui accompagnait le curé et pas à nous. On se faufilait dans les rues de Yolo-Nord et de Kauka pour enfin arriver à la paroisse St Joseph de Matonge. Mais nous n’avions pas pu aller plus loin. C’est là que je me suis rendu compte de la tournure macabre qu’avait pris cette marche pourtant voulu pacifique. J’ai appris des autres frères qui ont réussi à atteindre St Joseph qu’il y avait des morts dans les différentes têtes des manifestations dans les 24 Communes de Kinshasa », rapporte-t-il.