Actualités Brûlantes du Sahel
Actualités Brûlantes du Sahel
February 10, 2025 at 08:30 AM
NIGER: L’Afghanistan pré-taliban du Sahel Chronique d’une débâcle en pointillé. La statistique ne ment pas. Nuit du 5 au 6 février 2025: Une incursion de l’Etat islamique au grand Sahara (Eigs) entraîne la destruction totale de la mairie de Diagourou, située au sud de Téra, région de Tillabéri. 03 février 2025: L’EIGS mène une embuscade meurtrière à quelques encablures de Bankilaré, région de Tillabéri, contre une patrouille mixte gendarmerie-garde. Le bilan total des pertes atteint 10 soldats tués, à égalité des 2 corps de sécurité. 5 gendarmes furent évacués à Niamey, la capitale. Les 5 gardes, en majorité Touaregs et Arabes, sont inhumées à Bankilaré. Les autorités n’expliquent pas le motif de la différence de traitement post-mortem. 1er février 2025: Un ressortissant chinois, travailleur de la China National Petroleum Corporation, est enlevé par des inconnus en armes, dans le périmètre de Faringa, à proximité du site pétrolier d’Agadem, région de Diffa. Pas de revendication. 28 janvier 2025: Le chef du groupement de Kel Tamerkest (notable Touareg), département de Bermo, région de Maradi, Niger, près de la frontière avec le Nigéria, annonce l’exécution sommaire, par l’armée du Burkina Faso, de 6 jeunes éleveurs, de retour d’une foire de vente de bétail au Niger. En plus du délit de faciès, l’argent, fruit de leur commerce, serait le motif de la tuerie. Le massacre se déroula près de Seytanga, dans la circonscription administrative de Dori. Plusieurs témoins assistaient à la scène. Liste exhaustive des victimes: Hamed Ousmane Rhissa, Ghadou Ag Ouka, Ahmoudou Ag Issa, Mossa Ag Abdoulaye, Ibrahime Ag Alhadi, Bahas Ag Hama. 21 janvier 2025: Nouvelle incursion des Lakurawas à Yeldou, commune de Karakara, région de Dosso. L’expédition ciblait un habitant nommé Baoua Kolonto, aussitôt abattu à son domicile. Un autre civil, blessé, sera évacué à l’hôpital du chef-lieu. Le renfort de gendarmerie arrive le lendemain. Les Lakurawas constituent un groupe terroriste très actif à la frontalière avec le Nigéria et présumé allié de l’EIGS. 20 janvier 2025: Attaque des Lakurawas à Bazazaga, commune d’Alela, département de Konni, région de Tahoua. Bilan minimal: 4 civils tués et 1 gravement blessé puis admis en soins intensifs à l’hôpital de Galmi. 20 janvier 2025: Exécution du chef de village de Malam Boulamari, entre Maïné Soroa et Chetimari, région de Diffa, par Islamic State's West Africa Province (ISWAP, dissidence de Boko Haram, allié de l’EIGS autour de la zone du Lac Tchad). Les auteurs de l’assassinat ont diffusé les images vidéo de leur forfait. 20 janvier 2025: À Téra, un infirmier, membre du bureau départemental du Syndicat Unique des Agents de Santé et d’Action Sociale (SUSAS) de Téra, a été enlevé par l’EIGS, à environ 25 km de la ville, toujours dans la région de Tillabéri. 19 janvier 2025: Le Groupe de Soutien à l’Islam et aux Musulmans (GSIM ex-AQMI) revendique, par communiqué, une série de raids contre des positions fixes et nomades de l’armée. Selon la source, l’explosion de deux mines détruisit 2 véhicules militaires, sur l’axe Torodi-Makalondi, région de Tillabéri. L’information sera corroborée par un bulletin officiel de l’armée, le même jour, au journal de la télévision publique. L’agression aurait également visé l’axe Say-Tamou et une zone proche de Niaktiré. Bilan officiel, controversé: 6 soldats blessés, 4 grièvement. Nuit du 18 au 19 janvier 2025: Des unités du GSIM attaquent le village de Bogodjoti, situé à environ 6 kilomètres au nord-ouest de Torodi, région de Tillabéri. Les assaillants incendient l'ensemble des salles de classe du village avant de se retirer en direction du nord-ouest. Le département de Say et la commune de Tamou (également de Tillabéri) payent le prix fort de l’agression jihadiste, dont le périmètre, mouvant ne cesse de s’étendre et de refluer, alternativement. La plupart des écoles y ont été brûlées, à l’exception de celles des chefs-lieux, que protège un dispositif de défense, pour l’instant dissuasif. À la fin de décembre 2024, les villages Dokima, Lougabanda, Djongoré et Seckère ne disposaient plus d’établissement d’enseignement moderne. 11 janvier 2025: Aux alentours de Torodi, l'ancien Directeur général de l'Office des Produits Vivriers du Niger (OPVN), Alassane Souleymane est enlevé, en fin de matinée, par des hommes armés non identifiés. L’information est corroborée par une communication interne à l’armée. La victime fut capturée dans son jardin, à l’intérieur du village de Savadjé, à 2 kilomètres à l'ouest de Kobagué, dans la commune urbaine de Torodi. Les ravisseurs se sont emparés de son véhicule un 4X4, de marque Toyota, modèle V8. 11 janvier 2025: Des témoins visuels confirment une nouvelle attaque d’inconnus en armes à Ayorou, région de Tillabéri. Les présumés jihadistes ont assassiné 4 personnes, toutes des déplacés internes qui ont fui l’insécurité persistante dans le département de Bankilaré. Les agresseurs ont pu ratisser tout le quartier Hondobon de la ville d’Ayorou et emporter le bétail. La présence d’une base militaire, pour protéger la ville, n’a pas atténué l’ardeur des assaillants. 11 janvier 2025: Eva Gretzmacher, ressortissante autrichienne, figure de l’action humanitaire, de la culture, de l’écologie et de l’autonomie des femmes, depuis 3 décennies dans la ville d’Agadez, est kidnappée, à domicile. Des sources concordantes désignent la responsabilité de l’EIGS mais l’acte n’est toujours pas revendiqué. 10 janvier 2025: Une attaque revendiquée, le lendemain, par le GSIM, visait une patrouille des forces régulières, sur l’axe Torodi-Mankalondi, région instable de Tillabéri. Selon le communiqué des assaillants, la charge explosive improvisée se solde par la destruction d’un véhicule militaire et la mort de ses passagers. Aucune source ne précise le bilan humain. 07 janvier 2025: Une attaque à l'Engin Explosif Improvisé (EEI) provoque la destruction d’un véhicule de l'armée, sur l'axe reliant Samira à Boulkabo, région de Tillabéri. Aucun bilan humain n’est disponible. L'acte de belligérance est revendiqué, selon un communiqué du GSIM, publié le lendemain. 06 janvier 2025: À Sakoira, région de Tillabéri (à 11 km du chef-lieu), une attaque de l’EIGS s’accompagne du cambriolage de l’agence de transfert d’argent Nita et de l’incendie des locaux de la mairie. Le bilan s’établit ainsi: 2 civils tués, des motos calcinées, 2 véhicules emportés. 04 janvier 2025: Les présumés Lakurawas exécutent 2 personnes, au village de Koudoukoulou, sis à 30 km de Dioundiou, région de Dosso. 29 décembre 2024: Un véhicule militaire explose sur une mine entre Makalondi et Niakatiré. Le GSIM revendique l’acte de sabotage, sans préciser le nombre de victimes. 25 décembre 2024: Un véhicule de l'armée explose, à son passage sur une mine, à l'ouest de la localité rurale de BlaJonga, région de Tillabéri. Le communiqué de revendication par le GSIM ne donne pas le détail du bilan humain. 24 décembre 2024: Attaque à Goumki, commune de Yelou, département de Gaya, région de Dosso. Bilan vérifié: 3 policiers tués. Non revendiqué mais la rumeur indexe les Lakurawas. 22 décembre 2024: Plusieurs EEI ciblaient le passage de convois de l’armée (4X4 et motos) dans la région de Tillabéri. Selon le GSIM, le raid entraîna la destruction de 2 véhicules militaires et de 6 motos. Le bilan des pertes humaines atteint, au moins, 6 gendarmes tués. 20 décembre 2024: À Karey-Gousou, espace de l’Anzourou, région de Tillabéri, l’EIGS attaque des unités de l’armée. Bilan: 4 soldats tués, 11 morts au total selon les habitants. 17 décembre 2024: 4 morts dans l'explosion d'une mine, à Tam, département de Mainé-Soroa, région de Diffa, sur un chantier de construction d'infrastructures hydrauliques. Le bilan consolidé est de 4 morts. Non revendiqué. 15 décembre 2024: Une patrouille de l’armée composée d'éléments du Groupe d’Action Rapides – Surveillance et Intervention au Sahel (GARSI) tombe dans une embuscade complexe tendue par le GSIM, près de Djamangou, commune de Tamou, région de Tillabéri. Bilan reconnu: au moins 6 soldats tués, destructions de 2 véhicules et 6 motos de l’armée. -14 décembre 2024: Un bulletin des opérations militaires publié sur le site du ministère de la Défense du Niger annonce, «des drames atroces », à Korokou (06 décembre, EIGS) et Libiri (12 décembre, GSIM), près de la frontière avec le Burkina Faso. Bilan officiel: 39 civils tués, dont « de nombreuses femmes et des enfants ». 13 décembre 2024: Le pipeline Niger-Bénin a de nouveau été ciblé par un sabotage à l’explosif, entre 7h et 7h30, aux environs des localités de Dioundou et Bela, région de Dosso. L'attaque a provoqué l'arrêt immédiat des opérations liées à l’exportation du pétrole brut vers le port de Semé au Bénin. Les investisseurs chinois s’inquiètent du manque à gagner et craignent pour la sécurité de leurs employés. La firme Wapco, l’un des leaders du transport des hydrocarbures dans le golfe de Guinée, déplore des pertes hautement nuisibles à ses activités au Niger. Non revendiqué. 11 décembre 2024: Une embuscade meurtrière de l’EIGS détruit un convoi de camions de marchandises à destination du Niger, région du Sahel, au nord du Burkina Faso. Selon l'organisation terroriste, l'attaque se déroulait entre les localités de Dori et Seytenga, près du village de Katchirga. Le bilan consolidé du communiqué de l’EIGS mentionne: 17 soldats de la compagnie para (forces spéciales) tués, 4 autres disparus, 6 chauffeurs de camions abattus, 5 véhicules militaires détruits, 3 capturés. 10 décembre 2024: Une katiba de l’EIGS fond sur une position de l’armée, à Chatoumane, située à 14 km de la ville de Téra, région de Tillabéri. Pendant qu’une patrouille de l’armée sillonne le marché, les terroristes encerclent le lieu-dit et ouvrent le feu, au hasard. Bilan provisoire contesté: 91 soldats tués, 10 selon la télévision publique. Une source sécuritaire occidentale certifie, à l’AFP, le chiffre de « 90 à 100 morts». La junte dément l'effectivité même de l’événement, dénonce des «affirmations infondées » et une «campagne d'intoxication ». Elle suspend le canal radio de la BBC pendant trois mois et porte plainte contre RFI, déjà interdite d’antenne au Niger. 06 décembre 2024: Un détachement militaire subit l’explosion d’une mine, le long de la route reliant Samira et Bulkabo, près de Tiawa, région de Tillabéri. Bilan controversé: 2 soldats tombés. Le GSIM revendique. 06 décembre 2024: Un violent accrochage oppose l’armée et des combattants terroristes de l'EIGS dans la zone de Téra, région de Tillabéri. Bilan reconnu par le commandement militaire : 43 soldats tués. 06 décembre 2024: Attaque à Tafouka, département de Konni, région de Tahoua, probablement par les Lakurawas. Bilan concordant: 4 soldats tués, 2 blessés graves et 1 civil exécuté. Les militaires stationnés à Tafouka se replient vers Konni sans engager le combat. Des bus, camions et véhicules personnels, surpris par le raid, rebroussèrent chemin. La leçon inavouable 1. Depuis le renversement du président élu Mohamed Bazoum et jusqu’aujourd’hui, le Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP, junte) justifiait, le coup d’Etat, au nom de la nécessité de redresser la situation sécuritaire et d’engager une meilleure stratégie d’éradication du terrorisme islamiste. Comme aux Mali et Burkina Faso voisins, une grande partie de la population y a cru, surtout grâce à l’efficacité de la désinformation défavorable à la présence de troupes et d’instructeurs occidentaux. Or, ayant expulsé les « impérialistes » et reconquis sa souveraineté, le Niger des militaires au pouvoir sombre, littéralement, dans une violence de masse, de moins en moins asymétrique. Ainsi le prouve la concomitance accrue des affrontements et leur éclatement sur la totalité du territoire. Pour l’instant, il semble difficile, d’isoler, sur la liste des agressions, la part de la rébellion séculière du Font Patriotique de Libération (FPL) qui continue d’exiger la libération de Mohamed Bazoum et la restauration de la légalité constitutionnelle. Les autres mouvements d’insurgés non-prosélytes ont fini, en apparence, par rallier le CNSP, évènement largement théâtralisé, en novembre 2024, devant la presse, à la faveur de cérémonies de remises d’un impressionnant arsenal. Maints observateurs les qualifièrent de montage. La plupart des éléments réputés repentis suivent une formation au sein de la Garde nationale. Compte tenu des précédentes tentatives d’intégration et de désarmement, la récidive est quasi-certaine. 2. Il importe de le rappeler, contrairement aux allégations de la réclame acquise à la junte, le pays, depuis la germination du courant rigoriste Izala dès le milieu des années 1970 et l’exode rural qui lui servait de substrat au début de la sécheresse, sombre dans le mimétisme wahhabite. Il y perd, une riche diversité, ses patronymes africains, des pans entiers de sa culture et quantité de repères historiques. Le constat s’étend, également, au nord du Nigeria limitrophe. Le jihadisme procède d’une lente aliénation, d’ailleurs à l’œuvre partout sur le Continent, à des degrés de maturation inégaux. Après plus de 40 années d’uniformisation des consciences et de dressage des esprits, le fruit vénéneux parvient au stade de la récolte. 3. Les katibas essuient des revers, à en croire le gouvernement qui peine, néanmoins, à produire les preuves de ses victoires, alors même que la propagande jihadiste ne se prive, à la moindre occasion, d’exhiber les images du butin de guerre et les vidéos d’adolescents, à l’assaut des positions ennemies. La virulence, l’intrépidité et la hausse exponentielle des hostilités et le rajeunissement continu des recrues du jihad témoignent plutôt d’une faculté structurelle à se renouveler. Parfois, les drones leurs infligent des pertes que le désir de mourir sur le sentier d’Allah compense assez vite. Par vagues, ils se lancent à l’offensive contre une armée nettement mieux équipée mais au moral en berne. Les candidats au sacrifice ultime tirent la supériorité de leur entrain d’une tension permanente vers le Paradis. Le fantasme morbide du martyre qui libère et élève, confère, aux combattants, une intrépidité et une constance sans commune mesure avec la posture défensive du camp d’en face. 4. Simple concours de circonstance, coïncidence ou inflexion géostratégique, à l’inverse de l’EIGS et de ISWAP, le GSIM paraît renoncer à la prise d’otage en contrepartie de rançons, troc pourtant à l’origine de la notoriété d’Alqaida au Maghreb islamique (AQMI) et premier filon de son financement. 5. Les jihadistes conduisent une guerre d’attrition et ne cherchent, encore, à occuper une ville. Patients et méthodiques, ils investissent la ruralité et la soumettent. Ils épuisent ainsi la résistance de l’armée et multiplient les initiatives de diversion. Jamais leur liberté de manœuvre n’était parvenue à un tel niveau de maillage territorial. Le harcèlement des détachements mobiles et la simultanéité des attaques attestent d’une tactique de l’usure, à long terme. Le refus de la trêve, même durant le mois sacré du Ramadan, prouve l’extrême nocivité de leur détermination. L’objectif consiste à préparer, par la terreur et l’affichage de l’invincibilité, le terrain d’une adhésion de la Umma, à la théocratie califale. L’actuel Afghanistan offre la devanture la plus conforme à l’utopie en marche au Niger. D’ailleurs, de facto, une fraction majoritaire de la population, en particulier les abonnés à la misère, affiche le fervent désir de Charia et idéalise la régression vers l’idéal messianique de l’Arabie au 7ème siècle, là où les monarchies du Golfe, productrices initiales du salafisme, se projettent désormais dans le consumérisme, l’intelligence artificielle et la conquête de l’espace. Il s’agit, ici, d’une contradiction endogène à beaucoup de pays africains et un certain tabou l’entoure. Les élites s’en détournent et s’abstiennent de la discuter, au profit d’une méta explication, des retards du Continent, par les seuls arguments de la rhétorique décoloniale. La réalité, elle, suit son cours propre, fort à rebours du slogan et des affects. Docteur Ousman Dicko Analyste Géopolitique, spécialiste du Sahel. 📢 Suivez les Actualités Brûlantes du Sahel! Restez informé des événements majeurs du Sahel avec deshc informations fiables et vérifiées. 👉 Abonnez-vous ici : https://www.facebook.com/share/p/1A8DHKKtkV/
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