Actualités Brûlantes du Sahel
Actualités Brûlantes du Sahel
February 10, 2025 at 03:10 PM
Niger: Pourquoi des assises nationales dans une transition déjà en marche, écrite et décidée à l'avance? La junte nigerienne, alors qu'on attend d'elle l'organisation d'élections pour rendre le pouvoir usurpé, à défaut de rendre justice au Président renversé en le rétablissant dans ses fonctions, veut gagner du temps en projetant d'organiser des assises populistes du 15 au 19 février prochain. De la poudre aux yeux. L'on veut faire croire que c'est une étape nécessaire pour déterminer l'avenir politique du Niger sous le joug d'un cartel d'officiers apatrides dirigé par le Général Abderrahmane Tiani. En vérité, à y voir de près, l'exercice est une manœuvre de diversion qui ressemble davantage à un tour de passe-passe dans un scénario écrit d'avance qu'à un véritable cadre de concertation, voire, une consultation populaire. Le synopsis de la mise en scène en cours de réalisation n'a rien d'original et n'a de secrets pour personne. La démarche n'est ni plus ni moins que du pur mimétisme parce que d'autres États, le Mali et le Burkina alliés du Niger dans la nébuleuse AES, mais aussi la Guinée, sont déjà passés par la case Assises. Chaque fois, il s'est agi de discussions de façade, de débats bien orientés, dans une orchestration à peine voilée pour parvenir à des conclusions préméditées dont on se sert comme prétextes par la suite pour prolonger dans un premier temps indéfiniment la transition, ensuite, poser les jalons d'une confiscation flagrante du pouvoir. Entre temps, on aura pris soin par la corruption, l'intimidation, la répression de tuer la Démocratie et tous ses pendants, en muselant les libertés, anéantissant les partis politiques, neutralisant les leaders d'opinion, bref, on se sera donné tout le temps et les moyens d'instaurer une dictature en étouffant toute résistance, en matant toute velléité de révoltes. Une junte égale à une autre: Les juntes se suivent et se ressemblent. Aucune n'est différente de l'autre, n'est meilleure à l'autre. Elles sont de même père et de même mère. Toutes posent les mêmes actes qui jurent avec le Droit, la Démocratie et la morale: dissolution des institutions démocratiques, suspension des constitutions nationales, censure des médias, la chasse aux sorcières, répression méticuleuse et impitoyable contre les voix dissonnantes et les dissidences, rhétorique souveraniste pour rallier l'opinion à leur cause douteuse afin d'avoir tous les arguments de se maintenir, indûment, au pouvoir. Les assises nationales sont la parade trouvée, le levier, par excellence, pour prétendre bénéficier de l'onction populaire, avant de dérouler l'agenda et d'exprimer l'intention d'appropriation du pouvoir qui commence par des transitions sans fin ni feuille de route claire et précise, encore moins sincère. Le Mali a ouvert le bal en 2021 en organisant une consultation taillée sur mesure qui a permis de décréter 5 ans de transition, un quinquennat, l'équivalent d'un mandat présidentiel, dans de nombreux pays à travers le monde. Le Burkina a emboîté le pas, en 2024, en octroyant cinq années de transition sans doute extensibles au capitaine Ibrahim Traorè. En Guinée, le conseil national de la transition a retenu 36 mois de transition sur les 39 qui lui avaient été soumis après une synthèse des différentes propositions sur la durée de la transition. La CEDEAO a conclu avec la junte 24 mois dans le cadre d'un "compromis dynamique" après plus d'un an déjà écoulé. Près de 4 années après le début du processus, les élections pour un retour à l'ordre constitutionnel sont reportées d'une année à l'autre, sine die. Tout porte à croire que le bout du tunnel est encore loin. Maintenant, c'est au tour du Niger de rallier le groupe des putschistes qui vivent en dilettante, en organisant aussi son folklore national. Bien sûr, aucun suspense ni surprises possibles. Les conclusions attendues seront conformes à celles des pays pionniers: des motions de soutien à la junte, des recommandations pour faire perdurer la transition en invoquant l'impérieuse nécessité de la "Refondation" de l'Etat qui ne peut se faire à la hâte ni dans la précipitation. Prolongation de la transition: A l'instar du Mali, du Burkina, de la Guinée, à "l'unanimité", l'on dira que la transition doit se poursuivre dans l'intérêt du pays pour assurer la "stabilité, consolider les acquis ", et préparer sereinement des élections inclusives. Il sera recommandé 3 ou 5 années de transition afin de mener des "réformes profondes" , de jeter les bases d'un développement durable, de bâtir des institutions solides. En définitive, le retour à l'ordre constitutionnel devra se faire progressivement, en bon ordre, avec méthode et dans un effort de patience forcée. La junte, guinéenne, a assumé que les élections ne sont pas sa préoccupation principale, en déclinant ses priorités. Dans l'ordre: le social, l'économie, enfin, le politique, c'est-à-dire, les élections, se retrouvent au bas de l'échelle. Elle n'est pas pressée de rétablir l'ordre constitutionnel et ne fait plus mystère de son intention de conserver par tous les moyens, le pouvoir, conquis par les armes. Ses paires du Mali, du Burkina et bientôt du Niger entendent faire comme elle. Il n'y a plus l'ombre d'aucun doute. Éligibilité du chef de la junte et verrouillage politique. La junte guinéenne attend l'adoption d'une nouvelle constitution pour présenter la candidature du Général Mamadi Doumbouya à l'élection présidentielle. En attendant, on la suscite et promeut en ce moment dans une campagne effrénée et tous azimuts. La charte de la transition, en vigueur, interdit à tous les acteurs de la transition et à lui-même de s'engager dans la compétition électorale. Le chef de la junte a déclaré et réitéré à de maintes reprises la main sur le cœur et le livre saint devant son peuple qu'il s'interdit d'être juge et partie. Il ne semble plus disposé à respecter son serment ni la parole donnée. Il se dit lié par la charte et non pas par la future constitution, il s'appuie sur la volonté présumée du "peuple" pour renier les engagements personnels et préalablement, pris. Au Burkina et au Mali, point besoin d'attendre une nouvelle constitution pour pouvoir briguer la magistrature suprême. Les dispositions de la charte qui ne le permettaient pas ont été abrogées. Assimi Goita, au Mali, Ibrahim Traorè, au Burkina sont désormais éligibles, sauf accident ou revirement de situation. La tendance générale, après les coups d'Etat perpétrés, est de se présenter à des élections pour se légitimer et se rendre fréquentables, comme si des simulacres de scrutins, pourraient absoudre de tous les crimes ou tromper à propos de la duplicité d'accéder au pouvoir par les armes et de chercher à le conserver dans les urnes. Un discours souveraniste pour vivre en autarcie: Les prochaines assises au Niger reprendront à leur compte pour s'en faire l'écho la doctrine et l'idéologie souveranistes en vogue dans les pays dits de l'AES. Il sera question de revenir sur le bien-fondé et l'opportunité de rompre avec les puissances coloniales impérialistes. Dans la foulée, l'indépendance et la souveraineté "reconquises" seront réaffirmées, bruyamment. Bien sûr, la coopération, économique et militaire avec les États amis et partenaires de l'AES dans l'esprit de la fédération, de la confédération, selon, sera exaltée et magnifiée. Tout propos qui n'ira pas dans le sens des thèses officielles sera considéré comme subversif et inspiré par l'occident ou les traîtres à la nation. "Tentative de déstabilisation " et "complot " charrient les déclarations et prises de position publiques des juntes affolées et fébriles. Comme au Mali, au Burkina et en Guinée, les conclusions des assises seront présentées comme l'expression populaire. On tentera de faire admettre que chacune des recommandations est l'emanation de la volonté du peuple souverain du Niger. Les médias de service public se chargeront de marteler que le "peuple a parlé ", "a tranché", il doit être entendu, écouté et suvi car seule sa volonté compte et s'impose à tous. Or, on devine déjà qu'il n'y aura pas d'engouement pour les assises qui réuniront des personnes triées sur le volet comptées pour faire et dire ce que la junte aura décidé en amont qu'elle veut faire porter par un peuple sorti tout droit de son imagination. On a déjà un avant-goût de la mascarade en préparation. Plusieurs personnalités citées dans le décret no 2025-086/P/CNSP/MI/ SP/AT comme membres de la commission nationale chargée de la conduite des travaux n'ont pas été consultées ni informées de leur nomination avant la publication de l'acte. Il n'y a donc pas de transparence. Et déjà, l'on peut se poser des questions à propos de l'intégrité d'un processus dans lequel les personnes impliquées n'ont été associées à rien et n'auront pas certainement leur mot à dire, tout étant ficelé et arrêté d'avance. Une transition sans fin ni perspectives: Les assises programées ne visent nullement à obtenir un consensus national ni à mettre en œuvre une transition inclusive, mais, consistent à légitimer la junte et à consolider son pouvoir. Le peuple nigerien qui n'en est pas à sa première transition, l'histoire du niger ponctuée de coups d'Etats, n'est pas dupe. Il sait que la junte use de manœuvres dilatoires et de malice pour garder le pouvoir le plus longtemps possible. Pourtant, chaque fois que des régimes militaires ont voulu s'accrocher au pouvoir et flouer le peuple, ils ont été emportés. En reproduissant les mêmes erreurs que les régimes civils qu'ils renversent, si non, en se montrant pire qu'eux, ils creusent leurs propres tombes. L'illusion de la souveraineté recouvrée ou d'une nouvelle indépendance nationale ne dédouane pas de l'effondrement économique, de l'isolement diplomatique et de la débandade sécuritaire. En conclusion, les assises nationales du Niger ne sont pas un exercice démocratique, ne répondent pas à un souci de consulter le pays à propos de son avenir. C'est un moyen de baliser la voie et de créer les conditions d'une transition interminable qui permettra de consolider un pouvoir militaire pur et dur pendant que le pays continuera à faire le deuil de sa Démocratie et à s'enfoncer dans l'abîme. Toutes les juntes pêchent par un excès de confiance et la boulimie du pouvoir. C'est cela qui les perdra et fera tomber aussi, inéluctablement. Samir Moussa 📢 Suivez les Actualités Brûlantes du Sahel! Restez informé des événements majeurs du Sahel avec deshc informations fiables et vérifiées. 👉 Abonnez-vous ici : https://www.facebook.com/share/p/1A8DHKKtkV/
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