
Actualités Brûlantes du Sahel
February 21, 2025 at 04:06 PM
Niger:
Assises nationales.
Circulez, rien à voir, ni contraintes de temps ni obligations de résultats!
La junte nigerienne est trop prévisible. Comme si nous étions dans sa tête et ses petits papiers, nous avions anticipé les recommandations de la mise en scène projetée pour légitimer la junte, baptisée pompeusement assises nationales. Des stipendiés mobilisés à la queue leu leu pour conférer à des putchistes une oction populaire garantie seulement par les urnes et surtout pour proclamer et enterriner une Présidence à vie, voilà l'offre des prédateurs à la tête du Niger. Une bande de malfaiteurs qui, pince sans rires, s'érigent en représentants du peuple au nom duquel ils prétendent parler et pour le compte duquel ils ont l'outrecuidance de vouloir décider. Voilà le programme déroulé.
De la forfaiture militaire du coup d'Etat à l'usurpation manifeste de l'expression populaire, il n'y a qu'un petit pas que la coalition des renégats vient de franchir à la face du monde et devant l'histoire. Imposture, quand tu nous tiens. En tout cas, tout ce qui avait été annoncé et prévu par nous a eu lieu comme dans une répétition générale. Les conclusions surréalistes des assises maléfiques que le Niger a abritées sous une junte obsédée par le pouvoir scellent le sort de la démocratie, pour l'instant et tendent, insidieusement, à enterrer la République. Le scénario catastrophe tant redouté s'est déroulé à la stupéfaction générale. On se demande que reste-t-il encore du Niger, de son histoire? Quel avenir peut-il espérer sous le joug de scélérats engagés dans une entreprise diabolique de démolition des acquis de nombreuses années de luttes et de sacrifices extrêmes?
Tout ça pour ça! A peine installé au pouvoir après son sinistre coup d'Etat de juillet 2023, que les esprits éclairés et avertis avaient pressenti comme une mise à mort programmée de la démocratie nigerienne florissante, que le CNSP a lancé l'idée farfelue d'assises pour, selon lui, définir son agenda et fixer le cap de la période de transition ouverte. Ce n'est que 19 mois après que la promesse a été tenue par des militaires qui, depuis le début, cherchent à gagner du temps, n'arrêtent pas de louvoyer et de jouer avec les nerfs des Nigeriens. Du 15 au 20 février 2025, comme prévu, les arrivistes et apatrides du Niger se sont retrouvés en petit comité restreint, entre quatre murs, pour se substituer au peuple et déterminer ce qu'il veut ou ne voudrait pas. On se fait dialecticien en reprenant une vieille rengaine : "Refonder le Niger". En quoi, par qui? Pour arriver à quoi?
Il n'y a rien de nouveau sous le soleil encore moins de révolutionnaire. Du déjà entendu et vu! C'était ça aussi après le coup d'Etat de Baré en 1996, l'origine. Là se trouvent aussi l’origine et la raison de l'échec tragique notamment du slogan du "Tazartché" cher à Tandia Mamadou. Ces parenthèses douloureuses ne semblent pas avoir servi de leçons. On remet ça encore sur la table après de longues années. Un pied de nez à tous les Nigeriens, une insulte à l'intelligence et à la mémoire collective. La junte cherche à remuer le couteau dans la plaie, dépourvue de projets, incapable de se réinventer et d'offrir au Niger une quelconque espérance. La bêtise est arrivée au pouvoir, l'amateurisme s'est invité au sommet de l'Etat.
Les assises qui viennent de se dérouler n'ont aucun caractère de légitimité et les recommandations qui en ont découlé sont en déphasage avec le pays réel et les aspirations de la majorité silencieuse. C'est le prolongement funeste du coup d'Etat, une nouvelle trahison du peuple nigerien. C'est à la fois un acte de parjure public et une grande incongruité historique. Le Niger est en droit de proclamer un deuil national car il vient d'être tué une seconde fois après avoir été poignardé au cœur de sa démocratie en juillet 2023.
On avait flairé la manipulation et s'attendait à un complot savamment ourdi contre l'Etat de Droit, la Démocratie, la République, les bons usages et les pratiques saines. Nous y voilà! Il y'avait des signes avant-coureurs évidents de la mascarade en cours de préparation. Le ton avait été donné dès la mise en place de la commission d'organisation. Les membres, ont été triés sur le volet, désignés, d'office, sans consultations ni discussions préalables. On n'a requis le consentement de personne. Tous ont été mis devant un fait accompli.
Le CNSP a fait tout à sa discrétion, à sa dimension, selon son bon vouloir et sur la base de ses seuls calculs et intérêts mesquins. L'équipe constituée devrait être corvéable et taillable à merci, servir de boîte à lettre, de caisse de résonance à une junte dirigiste et tyrannique. Aucune lattitude de faire des propositions ou de tenir la dragée haute aux maîtres du pays, en revanche, une obligation non négociable de leur obéir au doigt et à l'œil. D'aucuns comme cet ancien premier ministre rélégué au rang de second vice-président sous l'autorité d'un chef de village promu Président des assises, ont eu la dignité de se démettre. D'autres aussi, ont emboîté le pas, comme l'ordre des avocats ou encore des associations de lutte contre la corruption. Les uns et les autres ont claqué la porte parce qu'ils n'ont pas voulu servir de faire-valoir à la junte, ont refusé de prendre part à un simulacre de consultations populaires. Il n'était pas question pour les dissidents de s'associer à une entreprise crapuleuse qui pourrait nuire à leur réputation et les condamner devant l'opinion et la postérité.
Tous ceux qui se sont prêtés au jeu pervers des putschistes en rendront compte devant le peuple et l'histoire. Aucune personne responsable, digne et patriote ne peut siéger dans une assemblée de mercenaires, constituée par une junte dépravée qui n'a pas reçu mandat du peuple ni ne jouit de sa confiance pour présider aux destinées de l'Etat. Si la conférence nationale souveraine de 1991 a eu le mérite historique de créer le cadre ayant permis aux forces vives de tracer les sillons de la démocratie nigerienne de toutes ces années, les fameuses assises de 2025 n'auront été qu'un théâtre d'ombres où le CNSP a dicté ses quatre volontés et imposé tous ses desiderata.
Le gouverneur militaire de Niamey, très tôt, avait planté le décor et fixé l'orientation des débats dominés par la pensée unique et le monolothisme abject. Il a fait un violent réquisitoire contre le modèle démocratique et s'en est pris dans la foulée, vertement aux élites, en particulier, politiques. Ce général zélé, voix de son maître, a cru devoir invectiver tous ceux qui ne misent pas sur le miracle militaire et ne croient pas non plus au coup d'Etat comme l'alternative à la Démocratie, voire, n'en font pas une panacée. Un exegèse de sciences politiques comme s'il était de ce domaine où il brille autant qu'un âne en astrophysique. Il peut se consoler d'être un populiste hors pair qui espère, rageusement, rallier à sa cause douteuse le peuple tout en lui alienant une classe politique clouée au pilori.
Les hommes politiques ont été traités de "corrompus, de tricheurs, de voleurs "par un gouverneur enivré par son strapontin indû, car sa place en ce temps de guerre en tant qu'officier est au front que dans un bureau. Sans doute, ne s'est-il pas rendu compte que ses mots conviennent mieux à ses pairs putschistes et lui, parce que ce sont eux qui ont abandonné leurs devoirs de soldats pour les privilèges du pouvoir pour lesquels ils vendent leur âme au diable, retiennent le peuple, prisonnier. Le gouverneur démagogue jusqu'à la caricature veut coûte que coûte justifier les interventions intempestives et incongrues de l'armée, qu'il qualifie de "gardienne du temple", sur la scène politique.
L'armée nigerienne est plutôt, surtout maintenant, la source de tous les malheurs des Nigeriens. Un jour peut-être, faudra-t-il l'exorciser de tous ses démons. En attendant, en parlant comme il le fait dans un langage démagogique, de fausse séduction, le gouverneur s'oublie et verse dans la politique policienne sans être conscient, peu lucide. C'est comme Monsieur Jourdain, faisant de la prose sans le savoir. Aucun des putschistes n'a les pieds sur terre: tous se comportent comme des chiens enragés. Ceux qui les suivent et soutiennent ne sont pas plus raisonnables. Tous, des fous!
Le mot d'ordre et l'objectif partagé, nourris à la sève du CNSP, est de créer les conditions et d'aménager tout pour que la junte garde le pouvoir ad vitam aertnam, sans concessions ni perspectives d'alternance. Autant décréter une monarchie militaire. On projette une transition de 5 à 15 ans, ensuite, on retient un mandat de 5 ans renouvelable en fonction de l'évolution de la situation sécuritaire ou en tenant compte de l'agenda de l'AES, bref, un argument sera trouvé chaque fois que le besoin se fera sentir pour ne pas rendre le pouvoir usurpé. Pour reprendre des paroles d'une chanson très populaire de l'icône malienne Salif Keita, les militaires se sont passés le mot d'ordre "nous, pas, bouger, pas moyen bouger". Dans ces conditions de confiscation assumée du pouvoir, évoquer l'organisation même aléatoire d'élections ou un retour à l'ordre constitutionnel très hypothétique, n'est que hypocrisie et duperie. C'est inadmissible que le monde libre et civilisé s'accomode encore de reliques autoritaires et se plie à l’oppression militaire.
Les armées qui, aujourd'hui, sont les tombeaux des peuples et de la Démocratie sont des avatars de celles heritées de la colonisation. A cette époque, les soldats n'étaient pas formés pour protéger les peuples contre d'éventuels et potentiels ennemis, mais, pour mater les velléités de soulèvement et de rébellion des populations indigènes. C'est de là que vient le goût de la violence, provient aussi l'élan de répression contre les populations civiles des armées africaines, post-coloniales. L'avènement des indépendances nationales a conféré un statut particulier aux armées qui se nourrissent d'un sentiment de supériorité et continuent d'exercer leur pouvoir de coercition d'antan. Toutes les occasions sont bonnes pour écraser les populations civiles et faire une démonstration de force musclée.
Le gouverneur et les têtes d'affiche du CNSP héritent des travers et abus des armées coloniales, ont été tous à l'école où l'on apprend à obéir et exécuter les sales besognes qu'ils n'ont été formés à servir l'Etat et ses institutions dans la loyauté et l'exemplarité. Ils considèrent la constitution dont ils ignorent la sacralité comme un "chiffon", le pouvoir civil comme une aberration qui doit être corrigée par un coup d'Etat, chaque fois que c'est possible. Comment attendre de pareils individus qu'ils se conforment aux exigences de la Démocratie et se plient à la vertu républicaine?
Les militaires dont relève la sécurité nationale, la défense de la patrie invoquent l'insécurité pour s'emparer du pouvoir. S'il y'a insécurité, qui est donc coupable? Après avoir failli à leur mission régalienne, les militaires se permettent de créer l'instabilité politique et institutionnelle en retournant leurs armes contre le peuple pour assouvir leur soif inextinguible de pouvoir. Maintenant, il n'y a pas de démocratie comme socle de l'Etat et la sécurité promise est un leurre. Le terrorisme se propage, des pans entiers du territoire national, échappent au contrôle de l'Etat, la souveraineté clamée, est un vain mot, tant elle a du mal à s'exercer dans un pays devenu ingouvernable, transformé en un mouroir. Pourquoi, les assises, ont fait l'impasse sur cette triste réalité?
Au lieu de faire le procès de la Démocratie ou de délivrer un chèque en blanc aux militaires pour se pérenniser au pouvoir en liquidant le Niger, les représentants auto-proclamés du peuple auraient dû se poser les bonnes questions: Pourquoi, l'armée perd toutes les batailles face aux djihadistes, qui se rendent maîtres du pays? La junte, a-t-elle fait mieux que Mohamed Bazoum renversé par elle? Le remède ne s'avère-t-il pas pire que le mal? Bien sûr, les réponses ne seront pas à l'avantage de putchistes qui chaque jour montrent leurs limites et étalent leurs carrences.
Le gouverneur militaire n'est pas seul à faire de la démagogie et à verser dans le populisme. Des civils servils, nostalgiques des années de plomb, ont marché dans ses pas sans vergogne. Idi Omar, Nouhou Arzika, Mme Bibata Barry, ou le "souverainiste" Abder Oumarou, qui n'ont pas d'assise électorale, animent des associations faméliques et insignifiantes, ont pris le malin plaisir de faire parler d'eux, à l'occasion de chaque coup d'Etat, en allant dans la précipitation et le déshonneur à la soupe. Leurs frustrations et rancœurs personnelles les poussent aux pires compromissions. Pêcheurs en eaux troubles, ils cherchent juste à tirer leurs marons du feu. Ils ont osé faire des propositions délirantes et criminelles: une transition de 5 ans, infiniment, renouvelable, les putschistes éligibles aux mandats électifs, la dissolution des partis politiques, une charte limitant leur nombre à l'avenir, une assemblée réduite sans le moindre souci de représentativité. Le satanique syndicaliste Mounkaila, lui rêve carrément de sanctifier et institutionnaliser le pouvoir militaire.
Ces renégats qui ont prospéré sous la junte de Baré transformé par eux en un potentat malgré sa placidité, n'éprouvent aucune gène à remettre le couvert en se jetant à corps perdu dans les bras d'une nouvelle junte. "Moi, d'abord, la patrie après" est le lot commun. Comme si le crime mérite récompense, il a été proposé d'élever le Général fêlon à la dignité de Général d'armée. Cerise, sur le gâteau, on entend le déclarer aussi Président de la République, afin qu'il se sente dans la peau d'un élu du peuple et de Dieu aussi. Il est prévu une prestation de serment à cette occasion certainement sur les armes, car il n'y a pas eu encore de constitution.
Ce n'est pas tout. Il a été recommandé une mesure d'amnistie en faveur des putschistes de 2023 une reconnaissance claire que le coup d'Etat demeure un crime imprescriptible. Pour faire bonne mesure, d'anciens mutins que Tiani continue de maintenir en prison auraient été graciés. La junte en tout se montre sélective et discriminante. Par exemple, elle s'acharne à juger les supposés "crimes économiques" des prédécesseurs du régime PNDS, en se gardant bien de toucher aux alliés et soutiens qui en sont issus. Enfin, l'on s'engage à doter le Niger d'une constitution "adaptée à ses valeurs socio-culturelles", qui reconnaîtrait l'islam comme religion majoritaire, privilegiérait l'hyper-présidence avec une durée de mandat pouvant aller jusqu'à...10 ans!
La junte est résolue à entraîner le Niger dans l'abîme et l'obscurantisme après des années de printemps démocratique et de modernité.
Que feront les forces vives?
Par le passé, notamment, face à Baré, en 1991 aussi, il y'a eu un effort de lutte, une farouche résistance qui ont permis de vaincre la tyrannie et l'oppression. Il en a été de même face au tazartché qui devrait permettre au président Tandia Mamadou de briguer un troisième mandat en violation de la constitution. En sera-t-il de même cette fois encore que le pays est menacé dans ses fondements et voué au déclin?
Les Démocrates et Républicains, restent vigilants et sont loin de s'avouer vaincus. Malgré toutes les crises en cours et les dérives des putchistes, le Niger n'est pas "irrécupérable". Des officiers patriotes et Républicains qui cohabitent avec les brebis galeuses, restent à l'affût. Le Président Mohamed Bazoum, retenu contre sa volonté par les putschistes mais qui n'a rien perdu de sa pugnacité, n'arrête pas de le marteler : "les acquis obtenus de haute lutte seront sauvegardés".
Le Niger se trouve à la croisée des chemins, les Nigeriens sont appelés au chevet de leur patrie que certains de leurs compatriotes civils et militaires veulent mettre sous coupe réglée. Ils doivent tous méditer ces paroles de Louis Gauthier : "on ne libère pas un peuple, un peuple se libère lui-même. Tant qu'il s'érige des images de sa liberté, il se crée de nouvelles chaînes ".
Samir Moussa
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