
Actualités Brûlantes du Sahel
February 22, 2025 at 10:44 AM
FESPACO 2025 :
Une Célébration Émouvante du Cinéma Africain et un Hommage à Souleymane Cissé .
Ouagadougou, le 22 février 2025 – Le 29e Festival Panafricain du Cinéma et de la Télévision de Ouagadougou (FESPACO), qui s’ouvre aujourd’hui sous le thème « Cinéma africain et identités culturelles », est marqué par une émotion profonde. Alors que le monde du 7e art rend hommage à Souleymane Cissé, légende malienne du cinéma africain décédée le 19 février 2025, ce festival demeure une vitrine incontournable de la richesse, de la résilience et des défis du cinéma africain. Cette édition, qui se tient du 22 février au 1er mars 2025, célèbre non seulement les talents émergents, mais aussi l’héritage des pionniers qui ont façonné cet art sur le continent.
Souleymane Cissé : Un Géant S’éteint à l’Aube du FESPACO
Souleymane Cissé, né en 1940 à Bamako, était une figure monumentale du cinéma africain, désigné pour présider le jury des longs métrages de cette édition 2025. Son décès, survenu à trois jours de l’ouverture du festival, a plongé le monde cinématographique dans le deuil. Lauréat de deux Étalons d’Or de Yennenga au FESPACO – en 1978 pour Baara et en 1980 pour Finye – Cissé a marqué l’histoire avec Yeelen (1987), qui remporta le Prix du Jury à Cannes, devenant l’un des films africains les plus emblématiques. Ce chef-d’œuvre, mêlant mysticisme et critique sociale, fut réalisé dans des conditions précaires : Cissé dut hypothéquer sa maison pour financer le projet, illustrant les sacrifices constants des cinéastes africains face au manque de ressources. Son engagement pour un cinéma authentique, souvent en tension avec les autorités maliennes (comme pour Baara, dénonçant les inégalités), fait de lui un symbole de résistance culturelle.
La Richesse du Cinéma Africain : Héritage et Renouveau
Le cinéma africain, célébré au FESPACO depuis 1969, est une mosaïque de récits ancrés dans les réalités du continent, mêlant tradition, modernité et universalité. Ses pionniers ont jeté les bases d’une industrie unique, souvent contre vents et marées.
Les Pionniers du Cinéma Africain
• Ousmane Sembène (Sénégal, 1923-2007), surnommé le « père du cinéma africain », a révolutionné l’art avec La Noire de… (1966, Prix Jean Vigo), Xala (1975) et Moolaadé (2004). Lauréat de l’Étalon d’Or en 1969 pour Mandabi, il utilisait le cinéma comme un outil d’éducation pour les masses, bravant la censure (comme pour Ceddo, interdit au Sénégal en 1977).
• Djibril Diop Mambéty (Sénégal, 1945-1998), avec Touki Bouki (1973, Étalon d’Or 1973) et Hyènes (1992), a offert une vision poétique et expérimentale, critiquant le néocolonialisme et le capitalisme.
• Idrissa Ouédraogo (Burkina Faso, 1954-2018), lauréat de l’Étalon d’Or en 1991 pour Tilai (également Grand Prix du Jury à Cannes 1990), a capturé la beauté et les drames du Sahel dans Yaaba (1989).
• Gaston Kaboré (Burkina Faso, né en 1950), récompensé par l’Étalon d’Or en 1987 pour Wend Kuuni, explore les traditions orales et la spiritualité africaine.
• Youssef Chahine (Égypte, 1926-2008), figure du cinéma arabe et africain, a remporté l’Étalon d’Or en 1997 pour Le Destin, tout en brillant à Venise et Cannes avec L’Émigré (1994, malgré la censure en Égypte).
• Sarah Maldoror (France/Angola, 1929-2020), pionnière féminine, a reçu l’Étalon d’Or en 1983 pour Sambizanga, un cri contre la colonisation portugaise.
• Safi Faye (Sénégal, 1943-2023), première femme africaine à réaliser un long-métrage, Kaddu Beykat (1975, Étalon d’Or 1976), a documenté la vie rurale avec une approche ethnographique.
Ces géants, souvent confrontés à la censure et au sous-financement, ont fait du cinéma africain un espace de résistance politique et culturelle.
Une Nouvelle Génération Dynamique
Aujourd’hui, des talents émergents redéfinissent le cinéma africain :
• Mati Diop (Sénégal, Atlantique, 2019), première femme africaine à remporter le Grand Prix à Cannes, explore les récits migratoires.
• Apolline Traoré (Burkina Faso, Sira, 2023), finaliste au FESPACO 2025, met en lumière la résilience féminine.
• Abderrahmane Sissako (Mali, Timbuktu, 2014), Étalon d’Or 2015, a remporté le César en 2015, devenant le premier Africain à recevoir ce prix français.
• Ladj Ly (Mali/France, Les Misérables, 2019) et Philippe Lacôte (Côte d’Ivoire, La Nuit des Rois, 2020) enrichissent le cinéma africain avec des récits urbains et poétiques.
L’essor des plateformes comme Netflix (Queen Sono, Blood & Water) ouvre de nouvelles perspectives, permettant aux récits africains d’atteindre un public mondial.
Les Défis du Cinéma Africain : Un Combat Persistant
Malgré sa richesse, le cinéma africain fait face à d’immenses obstacles, souvent mis en lumière lors du FESPACO.
Un Financement Précaire
Contrairement aux industries hollywoodiennes ou asiatiques, le cinéma africain souffre d’un manque chronique de ressources. Les budgets, souvent inférieurs à 100 000 dollars par film, sont financés par des coproductions européennes ou des campagnes participatives. Ousmane Sembène, par exemple, dépendait de fonds français pour La Noire de…, tandis que Souleymane Cissé a hypothéqué sa maison pour Yeelen. Cette dépendance peut limiter la liberté artistique, imposant parfois des narratifs conformes aux attentes des bailleurs.
La Censure et les Pressions Politiques
De nombreux films africains sont censurés pour leur contenu critique. Ceddo de Sembène fut interdit au Sénégal en 1977 sous prétexte d’une « faute d’orthographe », masquant une volonté d’étouffer sa critique de l’islamisation forcée. Mahamat-Saleh Haroun (Daratt, 2006) a failli voir son œuvre interdite au Tchad pour son traitement des séquelles de la guerre civile. Plus récemment, des films abordant les droits LGBTQ+ ou les abus gouvernementaux ont été bannis dans plusieurs pays, bien qu’ils trouvent refuge dans des festivals comme le FESPACO ou Cannes.
Manque d’Infrastructures et Visibilité
Le continent manque d’infrastructures techniques et de salles de cinéma permanentes, comme le souligne un rapport UNESCO récent. Le FESPACO, bien que vital, dépend du soutien extérieur (UNESCO, UE, Africalia) pour exister, et les films africains peinent à atteindre un public mondial, limités par une distribution locale et internationale insuffisante.
FESPACO 2025 : Une Plateforme Panafricaine
Créé en 1969 à Ouagadougou, le FESPACO est le plus grand festival de cinéma africain, attirant 15 000 à 100 000 spectateurs par édition. Cette année, 235 films issus de 48 pays africains et de la diaspora sont en compétition, reflétant la diversité du continent. Le festival, qui débute au Stade du 4-Août, met en avant des œuvres comme Sira d’Apolline Traoré, tout en honorant les pionniers via son prix phare, l’Étalon d’Or de Yennenga, nommé d’après la princesse légendaire fondatrice de l’empire mossi.
Les Lauréats de l’Étalon d’Or de Yennenga
Depuis 1969, le prix récompense le film africain le plus représentatif des réalités du continent :
• 1969 : Mandabi (Ousmane Sembène, Sénégal)
• 1973 : Touki Bouki (Djibril Diop Mambéty, Sénégal)
• 1976 : Kaddu Beykat (Safi Faye, Sénégal)
• 1978 : Baara (Souleymane Cissé, Mali)
• 1980 : Finye (Souleymane Cissé, Mali)
• 1983 : Sambizanga (Sarah Maldoror, Angola/France)
• 1987 : Wend Kuuni (Gaston Kaboré, Burkina Faso)
• 1991 : Tilai (Idrissa Ouédraogo, Burkina Faso)
• 1993 : Sarraounia (Med Hondo, Mauritanie/France)
• 1995 : Guimba (Cheikh Oumar Sissoko, Mali)
• 1997 : Le Destin (Youssef Chahine, Égypte)
• 1999 : Pièces d’identités (Mweze Ngangura, RD Congo)
• 2001 : Ali Zaoua (Nabil Ayouch, Maroc)
• 2003 : Heremakono (Abderrahmane Sissako, Mali)
• 2005 : Drum (Zola Maseko, Afrique du Sud)
• 2007 : Ezra (Newton I. Aduaka, Nigeria)
• 2009 : Teza (Haile Gerima, Éthiopie)
• 2011 : Pumzi (Wanuri Kahiu, Kenya)
• 2013 : Grigris (Mahamat-Saleh Haroun, Tchad)
• 2015 : Timbuktu (Abderrahmane Sissako, Mali)
• 2017 : Félicité (Alain Gomis, Sénégal/France)
• 2019 : The Mercy of the Jungle (Joël Karekezi, Rwanda)
• 2021 : La Ligne (Ursula Biemann, Suisse, pour un film sur l’Afrique)
• 2023 : Omen (Balufu Bakupa-Kanyinda, RD Congo)
Autres Prix et Lauréats Notables
Le FESPACO décerne également le Prix Oumarou Ganda (meilleur premier film) et le Prix Paul Robeson (meilleur film de la diaspora africaine). Parmi les lauréats récents : Rafiki de Wanuri Kahiu (Kenya, 2019, Prix Paul Robeson) et Desrances d’Apolline Traoré (Burkina Faso, 2019, mention spéciale).
Succès Internationaux et Participations aux Festivals Mondiaux
Le cinéma africain brille aussi à l’international :
• Yeelen de Souleymane Cissé (Prix du Jury, Cannes 1987).
• Tilai d’Idrissa Ouédraogo (Grand Prix du Jury, Cannes 1990).
• Atlantique de Mati Diop (Grand Prix, Cannes 2019).
• Timbuktu d’Abderrahmane Sissako (César 2015, France).
• Les Misérables de Ladj Ly (Grand Prix du Jury, Cannes 2019).
Le FESPACO promeut ces œuvres dans des festivals comme Cannes, Venise, Berlin et Toronto, mais la distribution mondiale reste un défi, avec une dépendance aux coproductions et une visibilité limitée en dehors des circuits festivaliers.
Conclusion : Entre Mémoire et Avenir
Le FESPACO 2025, sous le signe de l’hommage à Souleymane Cissé, célèbre un cinéma africain riche en talents, mais encore entravé par des défis structurels. Entre les pionniers comme Sembène, Mambéty et Ouédraogo, et les nouvelles voix comme Diop et Sissako, le 7e art africain continue de s’épanouir, porté par la résilience de ses créateurs. Malgré le manque de financements, la censure et l’absence d’infrastructures, le FESPACO reste un phare d’espoir, prouvant que le cinéma africain a encore de belles pages à écrire.
Samir Moussa
🙏
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