
Le Méhari Post de Mohamed AG Ahmedou du MTRM
February 21, 2025 at 09:56 PM
« La situation de la population civile au Mali est devenue désormais insoutenable et s'est aggravée depuis le départ de la mission Onu Minusma en décembre 2023. » C'est ce qu'affirme Human Rights Watch (HRW) dans son dernier rapport, qui documente des dizaines de cas de violences commises par les jihadistes du Groupe de soutien à l'Islam et aux Musulmans (GSIM), branche sahélienne d'Al-Qaïda, et de l'État islamique au Sahel (EIS), mais aussi par les Forces armées maliennes (FAMa) et les mercenaires russes du groupe Wagner.
LORS D'UNE ATTAQUE remontant à jeudi dernier, au moins « 16 agriculteurs ont été tués dans le village de Saloba », dans la région centrale de Ségou. Au cours des derniers mois, de nombreuses localités du centre du Mali se sont résignées à signer des accords avec la Katiba Macina, affiliée au GSIM, pour pouvoir se déplacer ou cultiver les champs. Les habitants doivent respecter les règles des jihadistes : paiement de taxes, port du voile obligatoire pour les femmes, envoi de jeunes à enrôler dans les milices jihadistes. Les villages qui refusent de se soumettre sont régulièrement pris pour cible, comme ce fut le cas à Saloba.
La situation sécuritaire est devenue tellement difficile que dimanche dernier, des centaines de camionneurs de la zone de Gao ont fait grève pour protester contre « l'insécurité dans toute la région centrale ». Une référence à l'attaque subie la veille entre la ville de Gao et Ansongo par un convoi composé de 22 minibus, 6 autobus et 8 camions, qui a causé, selon la presse locale, « plusieurs dizaines de morts ».
LES CIVILS SONT DE PLUS EN PLUS SOUVENT victimes d'attaques également de la part des militaires des FAMa, épaulés par les mercenaires russes. Selon ce qu'a indiqué hier sur X Wassim Nasr, expert du Sahel, un convoi de militaires et de mercenaires a tué ce lundi « au moins 30 civils, dont des femmes et des enfants, alors qu'ils revenaient d'un mariage près de la frontière avec l'Algérie », lors d'une opération militaire contre les rebelles touaregs. Même sort, entre décembre et janvier, pour « 25 civils brutalement massacrés à Koro, 15 agriculteurs à Bouldé et 18 bergers touaregs dans la région de Tombouctou », selon les dénonciations de l'association pour les droits humains Kal Akal.
Ces tueries ont provoqué des réactions de protestation et d'indignation de la part de la société civile malienne, qui a dénoncé un modus operandi devenu tristement « habituel et reconnaissable » – appelé « méthode Wagner » – concernant les « rafles, exécutions sommaires et tortures infligées aux habitants des villages du centre et du nord du Mali ».
Les partis politiques – dissous l'année dernière – revendiquent depuis plusieurs mois l'incapacité du gouvernement militaire, dirigé par le colonel Assimi Goïta, à « contrer la menace jihadiste » et à « médier avec les mouvements indépendantistes touaregs de la zone septentrionale de l'Azawad », de nouveau en lutte contre Bamako. Le conflit entre les séparatistes du Front de libération de l'Azawad (FLA) et le gouvernement central a causé en quelques mois un exode de plus de 200 000 personnes fuyant vers la région désertique de Hodh Chargui, en Mauritanie, avec un signal d'alarme sur « les conditions difficiles et prohibitives des réfugiés », lancé mardi dernier par l'UNHCR.
LES CRITIQUES CONTRE L'ACTION de la junte militaire ont conduit à l'arrestation et à l'exil de nombreux responsables politiques, comme dans le cas de l'imam Mahmoud Dicko, ancien président du Haut Conseil islamique du Mali et très influent dans le pays, réfugié en Algérie et devenu l'un des principaux opposants au gouvernement pour avoir dénoncé une « transition militaire infinie ».
Selon les données de l'ONG Acled, en 2024, au moins « 4 000 personnes ont été tuées dans des violences armées, avec 790 attaques dans toutes les provinces du pays », y compris dans la région de la capitale, Bamako, considérée jusqu'à récemment comme une zone sûre.