
Le Méhari Post de Mohamed AG Ahmedou du MTRM
February 25, 2025 at 09:05 AM
Niger
Prix Mo Ibrahim : Mahmadou Issoufou, un récipiendaire problématique et fatal.
Il arrive qu'on retire un prix attribué ou une médaille décernée, parce que la personne qui semblait méritante a fini par s'en montrer indigne. Par exemple, la légion d'honneur française est retirée en cas de condamnation que ce soit pour un crime ou à une peine d'emprisonnement sans sursis notamment ou si l'on relève chez l'intéressé des actes contraires à l'honneur.
Pour tout prix, chaque distinction, il y a des critères d'attribution, il est prévu aussi des clauses et conditions dans lesquelles l'on pourrait perdre la récompense.
Le prix Mo Ibrahim ne fait pas exception à la règle. C'est pourquoi, le " cas Mahamadou Issoufou " intrigue et trouble plus d'un. Si l'ancien chef d'Etat a semblé éligible au prix, aujourd'hui, son comportement déviant n'est pas conforme à l'idéal et aux valeurs qui ont présidé à son instauration. Alors, pourquoi, Mo Ibrahim, tarde-t-il à sauver l'honneur et l'intégrité de sa prestigieuse couronne en la retirant à Mahamadou Issoufou qui, montre et démontre à la face de son pays et du monde qu'il n'en est plus digne ?
Il n'y aurait rien d'extraordinaire au retrait d'un prix à un récipiendaire qui l'a bafoué et souillé. La fondation, Mo Ibrahim a fondé son action sur un objectif cardinal : célébrer le leadership africain empreint de clairvoyance, soucieux de donner le bon exemple. Dans le fond, il a été fait le choix noble de promouvoir et encourager la bonne gouvernance afin que cela suscite une saine émulation et s'incruste dans les mœurs.
C'est dans cette optique que le prix Mo Ibrahim a été décerné à Mahamadou Issoufou pour le récompenser, fondamentalement, d'avoir favorisé une alternance pacifique et démocratique dans son pays, en cédant le pouvoir, à l'issue des deux mandats autorisés par la constitution. Depuis, beaucoup d'eau a coulé sous les ponts. Mahamadou Issoufou a cessé d'être un démocrate, ne peut plus être une référence en matière de bonne gouvernance en ayant choisi de commanditer un coup d'Etat contre un Président de la République élu au suffrage universel, en décidant d'avoir partie liée avec des putschistes, fossoyeurs de la Démocratie, de l'Etat de droit, coupables de graves violations des droits humains. Face à cette situation qui nuit à l'honneur et à la réputation de l'un des bénéficiaires du prix Mo Ibrahim, bien entendu, des voix s'élèvent pour demander des comptes. Mahamadou Issoufou qui contribue à enterrer la démocratie nigerienne, est impliqué dans la forfaiture militaire, apporte sa caution morale si ce n'est un soutien assumé aux dérives actuelles dans son pays, peut-il continuer à jouir du prestige de son prix, obtenu en 2020, dédié aux hommes intègres, de bonne moralité, cités en exemple ?
Les 15 et 20 février dernier, Mahamadou Issoufou, s'est rendu aux assises nationales dont il a assisté aux cérémonies d'ouverture et de clôture. Il a été témoin et sans doute aussi se fait acteur de journées sombres pour le Niger car les assises montées de toutes pièces ont acté la fin de toute vie démocratique dans ce pays, en même temps que la reconnaissance et la légitimation d'un pouvoir militaire anachronique et liberticide ont été enterrinés. Les idéaux et acquis inestimables de la conférence nationale de 1991 ont été jetés aux orties.
Mahamadou Issoufou, en s'affichant aux côtés des putchistes et en leur apportant son onction personnelle, a choisi d'être du mauvais côté de l'histoire, renonce volontairement à sa qualité de démocrate exigeant et digne. Tacitement, il a rendu son prix. Le lui retirer, formellement, revient à enfoncer une porte ouverte.
Si le gourou des putschistes se moque de sa réputation , la fondation, elle, aurait tort, de ne pas défendre la crédibilité et l'honneur de sa distinction.
Le rubicon vient d'être franchi : Mahamadou Issoufou, a participé à une rencontre qui s'est soldée par des résolutions contraires à l'aspiration démocratique et incompatibles avec un Etat de Droit, une gouvernance vertueuse : une transition de 5 ans de mandat, renouvelable et extensible à l'infini, la dissolution des partis politiques, une future constitution obscurantiste et rétrograde. Un homme qui se joint à des forces du mal et de l'obscurantisme, apatrides, anti-démocratiques , mérite de se retrouver dans un box d'accusés que d'être porté au pinacle par une institution respectable.
C'est une chose de recevoir un prix, c'en est une autre de continuer à le mériter. Mahamadou Issoufou a été distingué pour saluer sa sortie honorable. Mais, cela ne le dispense pas d'être fidèle aux valeurs démocratiques, de toujours défendre les bonnes pratiques. En s'écartant du droit chemin, il ne mérite plus respect, admiration ni reconnaissance quelconque.
La goutte d'eau qui fait déborder le vase est le soutien affiché à une consultation factice , que des personnalités de moindre envergure que l'ancien Président et plus libres de leurs engagements, n'ont pas voulu agréer. Mahamadou Issoufou ne voit donc pas qu'il se fait du mal et cause de graves préjudices à un pays qu'il a dirigé des années durant et qui lui a tout donné aussi. Pourtant, les faits interpellent, chaque conscience : une junte qui veut s'éterniser, pille le pays, spolie les droits et libertés, foule aux pieds la démocratie, retient prisonnier et continue de séquestrer, Mohamed Bazoum, élu du peuple nigerien, héros national, figure historique de 1991 à nos jours...
Alors que Mohamed Bazoum, est l'otage de la junte, son ami et frère, compagnon de lutte de longue date, Mahamadou Issoufou, se la coule douce auprès de ses geôliers dans l'insouciance totale et avec un certain cynisme. Que fait le prix Mo Ibrahim, de sa réputation de bon démocrate ? Comment peut-il garder un silence et une indifférence coupables face à la tyrannie et à l'oppression ? Mahamadou Issoufou, a-t-il encore un cœur, une conscience, le sens de l'honneur et du devoir ?
Peut-être que l'on s'est fait avoir par des apparences trompeuses et s'est laissé emporter par de faux gages. Le passé de Mahamadou Issoufou devrait inciter à de la prudence et de la méfiance avec lui. Certes il a eu l'élégance et la sagesse de quitter le pouvoir en 2021, mais son long règne ( 2011-2021), n'a pas été reluisant ni un long fleuve tranquille. Ses mandats ont été entachés de scrutins controversés. Issoufou a été élu en 2016 avec un score à la soviétique de 92 % à une élection dans laquelle le principal challenger, Hama Amadou, n'a pu faire campagne, car jeté en prison et interdit de toute activité politique. La répression a touché d'autres opposants déclarés au monarque.
Le départ, on le voit maintenant, à son corps défendant du pouvoir, n'aura été qu'un aurevoir apparent au lieu de l'adieu célébré avec faste et éclat. A peine, a-t-il tourné les talons, que le pays laissé fragile et chancellant, a été accaparé par une junte à sa dévotion. Un peu, comme pour faire savoir, qu'aprés lui, c'est lui ou alors c'est le chaos.
Mahamadou Issoufou, n'est pas ce leader qui veille sur les acquis ou se préoccupe de son héritage, mais c'est celui qui ne pense qu'à lui, privilégie sa personne et ses intérêts au détriment de la nation et des valeurs. Issoufou, n'a-t-il pas dévoilé sa vraie face et sa nature profonde pour faire illusions encore ?
La fondation, Mo Ibrahim a déjà fait la preuve et la démonstration de sa rigueur et de son attachement aux principes. Huit fois, depuis que le prix a été institué en 2007, qu'il n'a pas été décerné, parce qu'il n'y a pas eu de méritants. En août 2024, Issoufou a été sommé de condamner le coup d'Etat de juillet 2023 afin de renouveler l'engagement qui lui a valu son prix. Il s'était exécuté mais du bout des lèvres. Une condamnation de principe , sans conviction, qui est remise en cause par des actes comme la participation à des assises qui ont fait le procès de la Démocratie et scellent aussi son sort. Peut-on laisser passer la duplicité et l'hypocrisie ?
Issoufou, est sorti des rangs. Il ne peut plus siéger avec Chissano, Mogae ou Sirleaf, devenu pestiféré. On ne peut mélanger les torchons et les serviettes.
Peut-être que retirer un prix ne se fait pas comme ça, dans l'émotion et la précipitation. Mais, rester indifférent aussi face à tous les dérapages d'un lauréat pourrait avoir l'air d'une complaisance, voire, être assimilé à de la complicité.
Si Issoufou, conserve son prix, malgré son rôle néfaste dans son pays et son aliénation à une junte prédatrice, quel message aura-t-on envoyé à tous ceux ont confiance en la fondation Mo Ibrahim, placent leurs espoirs en elle ?
Le Niger est à l'agonie, par la faute notamment de Mahamadou Issoufou qui a dévié de son combat, a scellé un pacte avec le diable. Chaque jour que l'ancien Président jouit de son prix, le cœur des Nigeriens saigne, la conscience de ceux qui croient en la démocratie et tiennent à la dignité humaine est heurtée, la fondation Mo Ibrahim est prise à partie.
Mahamadou Issoufou, ne peut continuer à narguer la Fondation qui l'a honoré, à flouer les Nigeriens qui lui ont confié leur destin à un moment de la vie de leur pays.
Le prix Mo Ibrahim pour retrouver son prestige et son honorabilité ne peut plus compter parmi ses illustres récipiendaires un personnage banni sur la scène internationale, honni chez lui. Il n'y a pas de prix qu'on ne doit pas mériter et dont on ne doit pas préserver l'intégrité et le mythe.
Samir Moussa