
Le Méhari Post de Mohamed AG Ahmedou du MTRM
June 7, 2025 at 03:19 PM
7 juin 2025 : Quatre ans de pouvoir militaire, quatre ans de pilotage à vue
Le 7 juin 2021, le colonel Assimi Goïta parachutait officiellement au sommet de l'État malien, consolidant un pouvoir conquis à la faveur de deux coups d'État en moins d’un an. En nommant Choguel Kokalla Maïga Premier ministre, l’ex-officier des forces spéciales tentait alors de concilier promesse de rupture et continuité du système. Quatre ans plus tard, que reste-t-il de cette prétendue refondation ? Rien, sinon les cendres d’un pays désorienté, appauvri, et isolé, avec à sa tête un régime dont la seule boussole est la conservation du pouvoir.
Choguel Maïga : la marionnette devenue encombrante
D’abord caricaturé en griot populiste, Choguel Maïga avait pourtant su, à ses débuts, capter les frustrations populaires. Tribun infatigable des plateaux télé, il a incarné une rhétorique anti-française jubilatoire pour une opinion lassée de la Françafrique. Mais rapidement, ce vernis de patriote a craqué : la transition n’était pas une rectification encore moins une refondation, mais une reconduction. Choguel n’était qu’un fusible, utile pour galvaniser les foules pendant que les colonels s’employaient à verrouiller le pouvoir.
Son éviction de fait en novembre 2024, sans honneur ni bilan, illustre la méthode Goïta : l’usage cynique des hommes et des institutions, puis leur relégation dans l’oubli. Choguel fut abandonné en plein vol, comme on jette un manuel de vol en plein crash.
Le pouvoir Goïta : entre militarisation et opacité
Depuis quatre ans, le Mali vit sous un régime autoritaire qui ne dit pas son nom. Les apparences institutionnelles ont été maintenues, mais leur substance s’est effondrée. Les partis politiques sont suspendus, la société civile intimidée, les journalistes censurés ou corrompus, les syndicats domestiqués. Le Conseil national de transition (CNT) n’est qu’une chambre d’écho sans pouvoir réel. La justice est aux ordres. Les contrats militaires et sécuritaires sont opaques, souvent attribués sans appel d’offres, à des sociétés russes, turques ou émiraties.
L’armée, censée être le bras armé de la nation, s’est muée en un parti unique de fait. Elle ne rend de comptes à personne et fait taire les critiques au nom d’une prétendue « souveraineté retrouvée » qui n’est que façade. Ce que le peuple malien endure aujourd’hui, ce n’est pas la souveraineté, mais le règne du soupçon, du mensonge et du clientélisme.
Échec sécuritaire et chaos territorial
Le discours officiel voudrait faire croire que la situation sécuritaire s’améliore. Faux. Depuis le départ de Barkhane et la montée en puissance des mercenaires de Wagner, les groupes djihadistes ont étendu leur emprise sur de vastes portions du territoire. Le centre et le nord du Mali échappent toujours au contrôle de l’État et Bamako est encerclé par le JNIM. Les massacres de civils se poursuivent. Les FAMa, malgré quelques victoires ponctuelles mises en scène par la propagande d'État, manquent de moyens logistiques, d’encadrement moral et d’ancrage populaire.
La partition du pays est plus avancée que jamais, bien que dissimulée sous le vernis d’un nationalisme de façade. Le désengagement de Wagner après la mort de Prigojine, l’échec du dialogue avec certains groupes armés, et la rupture de l’Accord d’Alger ont laissé le régime nu face à ses propres contradictions.
Une économie exsangue et une jeunesse sacrifiée
Le mal est aussi économique. Quatre ans de sanctions, d’isolement, de mauvaise gouvernance et de discours creux ont laminé l’économie malienne. L’inflation est galopante et le chômage explose. Les jeunes fuient le pays par milliers, les entrepreneurs sont démotivés, les hôpitaux en ruine. L’État n’investit plus, il gère. Il survit. Il réprime.
La promesse d’un Mali nouveau a viré au cauchemar d’un Mali en survie. Les « Assimi boys » ont confisqué le rêve démocratique pour bâtir un pouvoir de rente et de propagande. Ce n’est pas une transition, c’est une mise sous tutelle.
L’après-Choguel, ou le pilotage à vue
Depuis novembre 2024, date à laquelle Choguel a été discrètement écarté, le pays semble fonctionner sans cap. Le Conseil des ministres est devenu un théâtre de marionnettes militaro-technocratiques, chacun attendant les consignes du General-président, lui-même replié dans un silence inquiétant. Les décisions tombent sans logique, les priorités changent chaque semaine, et personne ne peut dire aujourd’hui ce que sera le Mali dans un an. C’est le règne du flou, de l’improvisation et du « pilotage à vue », pour reprendre l’expression désormais populaire.
Quatre ans après : et maintenant ?
Quatre ans après la prise de pouvoir d’Assimi Goïta, il est temps d’affronter la réalité : le Mali est en chute libre. La transition a échoué, l’État est affaibli, la population désabusée. Il ne s’agit plus de savoir si ce régime peut réussir, mais combien de temps encore le pays pourra tenir sous cette chape de plomb sans imploser.
Un sursaut est possible. Mais il ne viendra ni des casernes, ni des discours souverainistes creux. Il viendra d’une société civile éveillée, d’un peuple qui refuse la résignation, et de leaders capables de parler vrai.
Le 7 juin 2021, Goïta prenait le pouvoir. Le 7 juin 2025, les Maliens doivent reprendre le leur.
Par Sambou Sissoko.
