Le Méhari Post de Mohamed AG Ahmedou du MTRM
Le Méhari Post de Mohamed AG Ahmedou du MTRM
June 8, 2025 at 08:35 AM
La junte tient Kati et Koulouba, les djihadistes (JNIM/EIGS) tiennent le reste Il y a des vérités que l’on étouffe à coups de communiqués triomphalistes, de discours creux sur la "souveraineté retrouvée", et de vidéos mises en scène pour les réseaux sociaux. Pourtant, la réalité est brutale, implacable : le Mali est en train de tomber. Non d’un coup d’État, non d’un assaut frontal, mais d’un effondrement lent, méthodique, presque silencieux. Il est temps d’en finir avec l’autocongratulation d’un pouvoir qui gouverne en vase clos, pendant que l’ennemi redessine les frontières de fait du pays. La junte tient Koulouba. Le JNIM et l'EIGS, eux, tiennent les routes, les villages, les esprits. La capitale est un mirage ; le territoire, un champ de ruines invisibles. Le syndrome Kaboul : Bamako ne tombera pas, elle se vide Bamako ne sera pas prise. Elle sera contournée, isolée, vidée de sa substance. Comme Kaboul en 2021. Là aussi, les experts affirmaient que la capitale était solide. Là aussi, on croyait à la propagande d’un pouvoir qui ne contrôlait plus que les murs autour de lui. Ce n’est pas le JNIM qui gagnera militairement : c’est l’État malien qui s’éteindra politiquement. Les routes stratégiques sont devenues des couloirs de la peur. Kayes n’est plus accessible sans escorte. Sikasso est régulièrement attaquée sur ses axes. Mopti est un champ de mines. Et dans le Centre, la reconquête est un mot creux. Les convois doivent être protégés par hélicoptères, et dans certaines localités, les préfets, s’ils existent encore, vivent reclus sous la garde de gendarmes démoralisés. Le mythe Wagner : la sécurité des forts, pas celle du pays La grande diversion du moment, c’est le départ de Wagner. On agite la disparition du paravent russe comme si elle allait changer la donne. Soyons sérieux. Wagner n’a jamais sécurisé le Mali. Il a sécurisé Koulouba et Kati, les résidences, les lieux de pouvoir, la junte elle-même. Moura est tombée avec Wagner. Dioura, tout autant. Les massacres dans le Centre se sont poursuivis sous leurs yeux et parfois avec leur complicité. Ce n’est pas l’absence de Wagner qui fait sombrer le Mali. C’est la vacuité stratégique d’un pouvoir qui confond les vidéos de propagande avec une doctrine militaire. La sécurité n’est pas une vitrine ; elle est un réseau de souveraineté territoriale. Or, ce réseau est rompu. Une armée qui combat, un pouvoir qui se protège Le plus grand scandale de cette transition n’est pas son illégitimité électorale. C’est son cynisme militaire. L’armée malienne est mobilisée, oui. Elle se bat, oui. Mais elle est utilisée comme un bouclier humain pour la survie d’un régime, non comme un outil pour restaurer l’État. Combien de soldats sont envoyés dans le Centre ou le Nord sans appui aérien, sans ravitaillement fiable, sans renseignement crédible ? Combien meurent dans l’anonymat d’un silence organisé ? Combien voient leur bravoure détournée au service d’une communication politique qui maquille les reculs en « repositionnements stratégiques » ? L’armée malienne mérite mieux que cette manipulation. Elle mérite un leadership qui la respecte, qui la protège, qui la valorise dans la vérité, pas dans le mensonge. Bamako, îlot de béton dans un pays fantôme Pendant ce temps, à Bamako, on continue de vivre comme si de rien n’était. Les bars sont pleins. Les plateaux télé ressassent la "fierté retrouvée". Les ministres paradent dans des conférences de l’AES, pendant que leurs enfants poursuivent leurs études à Istanbul ou à Paris. Le coton pourrit dans les campagnes, mais les hashtags "Mali souverain" fleurissent sur les réseaux sociaux. Bamako est devenu un décor de cinéma républicain. Une ville sous cloche, protégée, branchée, bruyante, narcissique. Mais à quelques kilomètres, dans le Mali réel, les écoles ont fermé, les centres de santé sont abandonnés, les juges ont fui. Là-bas, ce n’est plus l’État qui gouverne, c’est l’arbitraire des armes. La terreur fait loi. L’effondrement intellectuel : silence des élites, lâcheté des penseurs Où sont passées les grandes plumes maliennes ? Où sont les professeurs, les juristes, les sociologues ? Où sont les voix critiques qui osaient, jadis, défier les régimes ? Aujourd’hui, ils se taisent, ou ils rationalisent l’échec. Ils chantent la souveraineté pendant que le pays se désagrège. Ils invoquent le panafricanisme pour justifier leur aveuglement. Leur silence est une complicité. Leur confort est une trahison. Car pendant qu’ils organisent des colloques sur la décolonisation mentale, les villages s’autodécolonisent en rejoignant l’ordre du JNIM. Parce que lui, au moins, est présent. Il impose l’ordre, la loi, aussi cruelle soit-elle, là où l’État n’est plus qu’un souvenir. L’heure de vérité : Bamako n’a pas besoin de tomber. Elle est déjà prise. Le jour viendra, peut-être plus vite qu’on ne le croit, où la route du ravitaillement sera coupée. Où un gouverneur disparaîtra sans laisser de trace. Où une région basculera entièrement, sans combat, faute d’État. Ce jour-là, ceux qui se moquent des alertes lucides comprendront qu’ils ont applaudi leur propre impuissance. La guerre n’est pas à venir. Elle est là. Et elle est en train d’être perdue. Non par manque d’armes, mais par absence de vérité. Pas par défaite militaire, mais par désertion politique. On n’aime pas un pays en niant sa chute Ce n’est pas une trahison de dire que le Mali va mal. C’est un devoir patriotique. Un devoir de lucidité, un devoir de responsabilité. Ceux qui applaudissent aujourd’hui la "transition" sans projet, sans résultats, sans perspective, seront demain les fossoyeurs de la nation qu’ils prétendaient défendre. On ne reconstruit pas un pays avec des illusions. On ne gagne pas une guerre avec des slogans. Il faut nommer le vide. Il faut affronter le désastre. Il faut cesser de jouer à la République quand il ne reste que les ruines de l’État. Le Mali ne tombera pas d’un coup. Il se décompose. Lentement. Tragiquement. En silence. Et le pire, c’est que ce silence est organisé. Il est temps de hurler. Sambou Sissoko
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