
Le Méhari Post de Mohamed AG Ahmedou du MTRM
June 8, 2025 at 09:11 PM
GOÏTA, le Président qui a peur de son propre peuple !
Depuis quand un Président malien a-t-il cessé d’être un homme de la rue ? Depuis quand la fonction suprême dans ce pays de chaleur humaine s’est-elle confinée dans les murs d’un palais fortifié glacial, comme si le peuple représentait une menace plutôt qu’une source de légitimité ? Depuis quand l’image d’un chef d’État souriant, saluant, se mêlant à la foule, a-t-elle été remplacée par celle d’un militaire crispé, invisible, n’apparaissant que dans des salons dorés de Pékin ou sous les lustres soviétiques du Kremlin ?
Assimi Goïta, Colonel devenu Président à la faveur de deux coups d’État successifs, gouverne comme un soldat retranché. Il dirige un pays aux réalités sociales bouillonnantes, aux drames multiples, aux urgences pressantes, comme on dirige une caserne : silence, discipline, clôture. Le contact humain ? Absent. La chaleur populaire ? Ignorée. La proximité physique ? Evitée. Le Mali d’Assimi Goïta est un Mali sans Président dans les mosquées, sans Président dans les marchés, sans Président dans les champs, sans Président dans les familles endeuillées. Un Mali sans Président tout court.
Un peuple de palabre et de chair
Le Mali, faut-il le rappeler, n’est pas une nation abstraite. C’est une société fondée sur le lien direct, le verbe partagé, la main tendue, le regard franc. C’est un pays de vestibules, d’assemblées familiales, de palabres sous les arbres à palabres, de prières collectives et de veillées communautaires. C’est un pays où le chef est d’abord celui qu’on peut interpeller, saluer, interpeller à nouveau, et même engueuler parfois.
Dans ce pays-là, le Président n’est pas une icône lointaine. Il est un fils du pays qui marche parmi les siens. Il est censé incarner la figure du père de famille étendu à l’échelle nationale : présent, accessible, proche.
Le Général Moussa Traoré, malgré les critiques sur son autoritarisme, ne s’était jamais coupé de cette réalité. Chaque année, il sillonnait les cercles et les arrondissements. Il allait voir, entendre, toucher. Il n’envoyait pas des ministres. Il se déplaçait. Il affrontait les complaintes, les prières, les colères.
Alpha Oumar Konaré, l’universitaire, n’en était pas moins profondément enraciné. Il savait que gouverner le Mali nécessitait d’aller écouter les anciens dans leurs vestibules, de s’asseoir avec les jeunes dans les grins, de converser avec les marabouts, de négocier avec les syndicats et les leaders communautaires. Sa République était fondée sur la circulation constante entre le haut et le bas.
ATT, pour sa part, avait fait de la proximité une méthode de gouvernance. Il pouvait se retrouver dans une école, dans un dispensaire, dans une concession, sans caméra, sans protocole. Il touchait les gens, il parlait avec eux. Il était "l’ami des enfants", mais aussi celui des mères, des cultivateurs, des blessés.
IBK, malgré ses dérives monarchiques, n’a jamais rompu avec cette culture de la chaleur sociale. On le voyait partout. Il venait partager le thé dans une famille endeuillée. Il improvisait des discours dans les mosquées. Il aimait la scène, mais la scène populaire, pas celle des salons diplomatiques.
Le paradoxe Assimi : un Président qui fuit son peuple
Assimi Goïta, lui, est un Président fantôme. Une ombre silencieuse. Depuis son accession au pouvoir, jamais il ne s’est risqué à un bain de foule réel. Jamais il n’a foulé le sol d’un marché populaire, jamais il ne s’est assis parmi des femmes rurales, jamais il n’a partagé un repas avec les déplacés internes, jamais il n’a marché dans la poussière rouge de Bamako aux côtés des soldats. Il gouverne en retrait. En haut. Derrière des murs.
Il est pourtant né ici. Il connaît ce peuple. Mais c’est comme s’il avait peur de lui. Comme si la force militaire suffisait à remplacer le lien politique. Comme s’il pensait qu’en signant quelques partenariats sécuritaires avec la Russie ou la Chine, il s’achetait un blanc-seing définitif auprès de ses concitoyens. C’est là son erreur la plus fondamentale : croire que la légitimité populaire se décrète, alors qu’elle se construit.
Le comble ? Quand on le voit enfin en public, c’est rarement sur le sol malien. C’est dans les salons rouges de Moscou, en train de serrer la main de Vladimir Poutine. Ou dans un forum économique de Pékin, entouré d’autocrates. Là, il sourit. Là, il parle. Là, il se sent en sécurité. Mais dès qu’il revient au Mali, il se terre. Il redevient silencieux, presque effacé.
Gouverner, c’est descendre de cheval
Un Président ne peut pas être un militaire en poste permanent. Gouverner un pays comme le Mali, ce n’est pas commander. Ce n’est pas imposer le silence. Ce n’est pas gérer par communiqués lus au journal télévisé. Gouverner le Mali, c’est assumer la chaleur du contact. C’est entrer dans les tragédies comme dans les fêtes. C’est pleurer avec les mères de soldats tués. C’est rire avec les élèves qui réussissent leur examen. C’est manger dans une marmite commune, prier dans une mosquée de village, écouter les doléances dans une langue locale.
Assimi Goïta a confondu pouvoir et isolement. Il a cru que la peur était une méthode de gouvernement. Il a transformé Koulouba en bunker. Il a fait du silence sa stratégie. Mais ce silence n’est pas force : il est faiblesse. Il est rupture. Il est trahison du lien sacré entre le peuple et son dirigeant.
Même en temps de guerre, même dans les périodes les plus tendues, un Président malien doit être visible, tangible, accessible. Il doit sentir la poussière, entendre les cris, voir les blessures. Ce n’est pas une option : c’est une obligation morale.
Un pouvoir sans affect
Le pouvoir d’Assimi Goïta est sans affect. Il est sans récit. Il est sans geste humain. C’est un pouvoir froid. Calculé. Robotisé. Même ses rares discours sont lus comme des bulletins militaires. Pas d’humour. Pas d’anecdote. Pas de compassion. Pas de colère saine. Rien.
Le peuple malien ne réclame pas la perfection. Il réclame l’humanité. Il réclame que l’homme fort accepte d’être aussi un homme vulnérable. Qu’il accepte de pleurer en public. De douter. De dialoguer. De se tromper et de reconnaître ses erreurs.
Un chef d’État qui ne parle pas à son peuple, qui ne l’écoute pas, qui ne le touche pas, finit par ne plus le représenter. Il devient une fiction. Une illusion. Un hologramme.
Assimi Goïta est en train de devenir cet hologramme.
Une présidence par procuration. À défaut de contact avec les Maliens, le Général -président se rapproche des Russes, des Chinois, des Turcs, des Émiratis. Il signe des accords. Il prend des photos. Il célèbre des partenariats. Mais le peuple ne voit jamais les bénéfices. Ni dans la sécurité. Ni dans l’électricité. Ni dans le pain.
Il gouverne à travers des intermédiaires. Ce sont ses ministres qui vont au contact. Ce sont ses conseillers qui parlent. Ce sont ses généraux qui rassurent. Mais le peuple ne veut pas de substitut. Il veut voir le visage de son Président. Il veut lui parler. Le contredire. Le bénir. Le juger. C’est cela la démocratie, même dans un régime militaire.
En refusant cette relation directe, Assimi Goïta crée une distance dangereuse. Il entretient la méfiance. Il alimente les rumeurs. Il affaiblit son propre pouvoir. Car un pouvoir sans affection est un pouvoir fragile. Et un Président sans peuple est un homme seul.
Vers un effacement politique ?
Aujourd’hui, la question n’est plus de savoir si Assimi Goïta est un bon ou un mauvais dirigeant. La question est plus grave : est-il encore un dirigeant réel ? Est-il encore connecté à ceux au nom desquels il gouverne ? Peut-on encore parler d’une relation politique entre lui et la société malienne ?
Le danger, c’est que le pays s’habitue à cette absence. Qu’on s’habitue à n’avoir qu’un Président de façade, pendant que d’autres prennent les décisions, dans l’ombre. Le danger, c’est que cette présidence-bunker devienne la norme. Et qu’un jour, plus personne ne s’en émeuve.
Ce jour-là, le peuple malien aura perdu plus qu’un Président. Il aura perdu l’idée même qu’un chef d’État doit rendre des comptes, apparaître, s’exposer, aimer.
Pour un président debout, parmi les siens
Le Mali n’est pas une base militaire. Ce n’est pas un théâtre d’opérations. Ce n’est pas un dossier diplomatique. C’est un pays. Un pays vivant, vibrant, exigeant. Un pays qui a besoin de voir son Président marcher dans la rue. Pas par populisme. Par respect.
Assimi Goïta doit sortir. Sortir de son palais. Sortir de son silence. Sortir de son costume de soldat retranché. Le peuple malien ne demande pas l’impossible. Il demande un Président debout, parmi les siens. Pas un fantôme sous surveillance.
À trop gouverner sans peuple, on finit toujours par gouverner contre lui.
Par Sambou Sissoko.

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