
FOCODE Magazine
May 21, 2025 at 03:59 PM
https://x.com/FOCODE_/status/1925217844263874963
Burundi 2025 : les urnes sous contrôle, la démocratie sous verrou, alerte EurAc
#focodemagazine | 21 mai 2025
À quelques semaines des élections législatives, communales et sénatoriales, le Burundi entre dans une séquence électorale verrouillée de bout en bout. Dans un rapport publié le 19 mai 2025, le Réseau européen pour l’Afrique centrale (EurAc) dénonce un processus marqué par des réformes ciblées, des pratiques d’intimidation, une exclusion financière et une absence totale de transparence. Intitulé « Sur la route des élections burundaises : entre bruits de bottes et effondrement économique », le document dresse le portrait d’un système électoral construit pour conforter le pouvoir en place et neutraliser ses concurrents.
🔴Réformes électorales : un cadre légal à géométrie politique
Entre juin et décembre 2024, le code électoral a été modifié à trois reprises. Des révisions successives, adoptées à quelques mois des scrutins, sans débat national.
« Le code électoral a été modifié à trois reprises entre juin et décembre 2024, de manière trop fréquente, discrétionnaire, entraînant l’instauration d’un processus électoral profondément inéquitable », précise le rapport.
L’un des décrets présidentiels adoptés en décembre interdit à un ancien dirigeant de parti de se présenter comme candidat indépendant avant un délai de deux ans. Ce changement, souligne EurAc, vise directement Agathon Rwasa, figure centrale de l’opposition, évincé de la direction du CNL en mars 2024.
« Le décret présidentiel n°100/187 du 7 décembre 2024 semble avoir été écrit afin d’écarter Agathon Rwasa de la course électorale de 2025 », affirme le rapport.
🔴 Inscriptions électorales : un climat de peur
Selon EurAc, le processus d’enregistrement des électeurs a été mené dans un contexte généralisé d’intimidation. Des témoignages crédibles rapportent que les Imbonerakure, ligue de jeunesse du CNDD-FDD, ont contraint les citoyens à s’inscrire sous peine de perdre l’accès à des services ou à la liberté de mouvement.
« Le processus d’enregistrement des électeurs a été marqué par le recours à des actes d’intimidations par l’État et des représentants du parti au pouvoir […]. Cette stratégie de mobilisation par la force participe à créer un climat de peur et d’intimidation », analyse le rapport.
Ce recours à la contrainte, souligne EurAc, n’a pas pour seul but de mobiliser : il s’agit aussi de gonfler artificiellement la participation électorale, pour donner une apparence de légitimité.
« Elle vise notamment à afficher un taux de participation très élevé […] pour présenter les vainqueurs comme bénéficiant d’une large légitimité populaire », explique le rapport.
🔴Redécoupage administratif : une cartographie taillée sur mesure
Le 16 mars 2023, une réforme territoriale a réduit de manière drastique le nombre de communes (de 119 à 42) et de provinces (de 18 à 5). Si le gouvernement a défendu une logique d'efficacité, EurAc insiste sur le caractère non participatif et contesté de cette réforme.
« Cette législation a suscité des critiques en raison de ses objectifs contestés et de l’absence d’un processus de consultation inclusif […]. Elle a un impact direct sur la représentation et les besoins des populations locales », souligne le rapport.
Le redécoupage, poursuit EurAc, a affaibli les bastions électoraux de l’opposition, en particulier ceux du CNL, en les fusionnant avec des zones favorables au pouvoir.
« De nombreux observateurs soupçonnent que ce redécoupage a été effectué dans le but de diminuer la zone d’influence électorale des mouvements concurrents du CNDD-FDD », rapporte l’étude.
Cautions électorales : une barrière économique au pluralisme
Les nouvelles règles imposent des cautions élevées et restrictives, rendant quasi impossible la participation de candidats indépendants ou issus de petits partis :
200 000 FBu (68 USD) pour les communales,
2 millions FBu (680 USD) pour les législatives,
100 millions FBu (34 000 USD) pour la présidentielle.
« Ces montants de caution peuvent, de manière insidieuse, rendre l’exercice du droit à l’éligibilité encore plus difficile pour les non-membres du parti au pouvoir », note le rapport.
EurAc ajoute que dans un environnement économique déjà dominé par les cercles du pouvoir, cette condition financière équivaut à un filtre partisan.
🔴Élections sous huis clos
Le rapport rappelle que l’Union européenne, les Nations unies et l’Union africaine n’ont pas été invitées à déployer des missions d’observation. Cette exclusion n’est pas nouvelle, mais elle s’ajoute à une dynamique de fermeture déjà documentée lors des scrutins précédents.
« L’UE n’a pas été invitée à observer les élections de 2025 et il n’y a aucune garantie que les organisations africaines continentales et régionales puissent déployer des missions », souligne EurAc.
En l’absence d’observation indépendante internationale, seule la Conférence des évêques catholiques du Burundi (CECAB) prévoit un suivi limité au niveau local.
🔴Opposition : participer pour ne pas disparaître
Face à ce contexte hostile, la coalition Burundi Bwa Bose a choisi de présenter des listes, rompant ainsi avec les stratégies de boycott du passé. Une décision de pragmatisme, pas d’adhésion, selon le rapport.
« Cette décision vise également à garantir une certaine visibilité politique tout en sécurisant des fonds liés aux indemnités d’élus », relève EurAc.
🔴Un processus verrouillé, un avenir incertain
Au terme de son analyse, le rapport d’EurAc ne laisse que peu de place au doute : le processus électoral a été construit pour neutraliser toute alternative. Il contrevient aux bonnes pratiques internationales, notamment celles établies par la Commission de Venise et la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance.
« Le code électoral du Burundi pour la période 2024–2025 a été soigneusement façonné pour restreindre les possibilités de concurrence politique et consolider la domination du parti au pouvoir », conclut le rapport.
🔴Elections sans choix, démocratie sans souffle
Le rapport d’EurAc, publié ce 19 mai 2025, décrit un paysage électoral verrouillé, balisé, orchestré. Le Burundi s’apprête à voter, mais dans des conditions où le choix est vidé de sa substance.
« Les élections de 2025 risquent d’entériner un pouvoir sans contrepoids, dans un silence international toujours plus pesant », avertit EurAc.
Veuillez trouver l'intégralité du rapport via le lien ci -après : https://eurac-network.org/sites/default/files/2025_eurac_rapport_burundi_fr_final_web.pdf
#focodemagazine | Gordien Niyungeko