
FOCODE Magazine
June 9, 2025 at 04:27 PM
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đŽ â TĂ©moignage dâun membre du CNDD-FDD ayant participĂ© aux opĂ©rations de dĂ©pouillement Ă Bujumbura
Dans la nuit du mercredi Ă jeudi (4 au 5 juin 2025), nous avions partagĂ© le tĂ©moignage dâun cadre du CNDD-FDD, qui affirmait que des fraudes Ă©lectorales massives Ă©taient programmĂ©es dĂšs cette nuit-lĂ jusquâĂ la fin du dĂ©pouillement. Tous les Ă©lĂ©ments quâil avait annoncĂ©s se sont confirmĂ©s.
Aujourdâhui, il nous a transmis une seconde dĂ©claration, relatant cette fois son implication directe dans les opĂ©rations de manipulation des rĂ©sultats.
Nous rappelons quâil avait dĂ©jĂ affirmĂ© que 70 % des membres du CNDD-FDD, y compris certains responsables de lâĂtat, avaient lâintention de voter pour dâautres partis, mais quâun dispositif avait Ă©tĂ© mis en place pour rendre ce changement impossible.
Nous avons retranscrit son tĂ©moignage en retirant les Ă©lĂ©ments pouvant lâexposer directement. Voici dâabord un rappel des grandes lignes de la fraude quâil avait annoncĂ©es, suivi de ce quâil a effectivement vĂ©cu.
đŽ Rappel : comment la fraude Ă©lectorale avait Ă©tĂ© prĂ©parĂ©e
« Je vous salue. Comme je vous lâavais dit, je suis membre du CNDD-FDD et jâĂ©tais impliquĂ© dans la supervision des opĂ©rations Ă©lectorales. Ce mercredi soir, je vous avais dĂ©crit la maniĂšre dont les fraudes avaient Ă©tĂ© planifiĂ©es. Je pense que tout ce que je vous avais annoncĂ© a Ă©tĂ© observĂ© par nombre dâentre vous. Permettez-moi dâen rappeler briĂšvement les points principaux :
1⣠Les membres des bureaux de vote devaient obligatoirement ĂȘtre affiliĂ©s au CNDD-FDD, afin de faciliter les opĂ©rations de fraude. Je suis convaincu que les Ă©lecteurs ont constatĂ©, dans de nombreux cas, que les Imbonerakure Ă©taient en charge des bureaux de vote.
2âŁLes membres des bureaux et les mandataires du CNDD-FDD ont commencĂ© Ă voter dĂšs 3 heures du matin. Ils ont rempli les documents nĂ©cessaires, puis bourrĂ© les urnes Ă lâavance. Beaucoup ont sans doute constatĂ© que les urnes semblaient dĂ©jĂ pleines au moment dâouvrir le scrutin.
3âŁIl Ă©tait strictement interdit de montrer aux Ă©lecteurs que les urnes Ă©taient vides avant lâouverture du vote. Ă ma connaissance, dans aucun bureau, les citoyens nâont Ă©tĂ© tĂ©moins de lâĂ©tat vide des urnes avant le dĂ©but du scrutin.
4âŁLes membres du CNDD-FDD ont Ă©tĂ© appelĂ©s Ă voter trĂšs tĂŽt, afin que les Ă©lecteurs des autres partis arrivent et trouvent des urnes dĂ©jĂ remplies, sans pouvoir comprendre ce qui sâĂ©tait passĂ©. Je pense quâun peu partout, dĂšs 6 heures du matin, les opĂ©rations Ă©taient dĂ©jĂ bien entamĂ©es.
5âŁDes mandataires de partis dâopposition ont Ă©tĂ© achetĂ©s afin quâils acceptent de signer les procĂšs-verbaux ou de valider le dĂ©pouillement avant mĂȘme quâil ne commence rĂ©ellement.
6âŁLe dĂ©pouillement a Ă©tĂ© confiĂ© Ă des agents spĂ©cifiquement formĂ©s par le parti, qui lisaient systĂ©matiquement les bulletins en faveur dâautres candidats comme sâils Ă©taient en faveur du CNDD-FDD. Ils empĂȘchaient Ă©galement les autres mandataires de vĂ©rifier la correspondance entre les bulletins lus et les bulletins comptabilisĂ©s. Cela a Ă©tĂ© vu dans de nombreux centres.
7⣠Le vote Ă haute voix, le vote Ă la place des citoyens et la surveillance intrusive ont Ă©tĂ© gĂ©nĂ©ralisĂ©s, y compris parce que le rĂ©gime ne faisait plus confiance Ă ses propres membres. LĂ encore, câest une rĂ©alitĂ© que beaucoup ont constatĂ©e.
8âŁLâarmĂ©e et la police ont Ă©tĂ© mobilisĂ©es pour bloquer lâaccĂšs des "indĂ©sirables" aux bureaux de vote avant lâheure, et pour intimider quiconque posait trop de questions, en les accusant de vouloir saboter le processus Ă©lectoral. »
đŽ TĂ©moignage du jour du scrutin
« Je souhaite maintenant partager avec vous ce que jâai personnellement vu de mes propres yeux. Je ne suis pas restĂ© la nuit dans un bureau de vote, mais je me suis prĂ©sentĂ© trĂšs tĂŽt. Jâai surtout travaillĂ© Ă (...), mais jâai Ă©galement pu circuler dans dâautres bureaux de vote.
Je suis arrivĂ© dans un bureau de vote avant 5h du matin. Les urnes Ă©taient dĂ©jĂ en cours de remplissage. Un mandataire de lâUPRONA est arrivĂ© aprĂšs 6h. Nous lui avons interdit lâentrĂ©e en prĂ©textant quâil Ă©tait en retard. Il a tentĂ© Ă trois reprises de pĂ©nĂ©trer, disant mĂȘme avoir parlĂ© avec des responsables. Finalement, nous avons appelĂ© les policiers, qui lui ont clairement fait comprendre que sâil insistait, il serait arrĂȘtĂ©.
Nous avions un observateur de lâĂglise catholique, arrivĂ© trĂšs en retard, qui nâa pas vu grand-chose. Mais Ă la fin, il nous a aidĂ©s Ă trafiquer les rĂ©sultats.
DĂšs mon arrivĂ©e, jâai votĂ©. Bien que je sois un militant bien connu du CNDD-FDD, on mâa remis un bulletin dĂ©jĂ rempli et un stylo. On avait donc dĂ©jĂ votĂ© pour moi ; je nâavais quâĂ plier le bulletin et le mettre dans lâurne. Aucune encre ne mâa Ă©tĂ© appliquĂ©e sur le doigt.
Jâavais promis de voter pour un candidat dâun autre parti, et je me sentais redevable envers lui, mĂȘme si on avait dĂ©jĂ votĂ© Ă ma place. Quelques heures plus tard, je suis revenu voter Ă nouveau. On mâa de nouveau remis un bulletin dĂ©jĂ rempli. Plus tard encore, jâai votĂ© une troisiĂšme fois. Cette fois, on mâa laissĂ© faire moi-mĂȘme : on mâa donnĂ© cinq bulletins, je suis allĂ© les remplir Ă lâĂ©cart. Câest lĂ que jâai pu donner ma voix Ă celui que jâavais promis de soutenir.
Ce type de votes multiples ne concernait que moi uniquement. Tous ceux qui étaient avec moi en ont profité.
Tous les membres du bureau de vote Ă©taient affiliĂ©s au CNDD-FDD. Le parti disposait Ă©galement de deux mandataires par bureau, chacun payĂ© 30 000 Fbu. Le secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral RĂ©vĂ©rien Ndikuriyo avait affirmĂ© que le CNDD-FDD avait dĂ©ployĂ© 14 000 mandataires dans tout le pays. En plus de ces deux mandataires officiels, il y avait parfois jusquâĂ vingt Imbonerakure dans un mĂȘme bureau. Ils surveillaient les gens, leur dictaient leur vote, et accompagnaient certains jusque dans lâisoloir.
Autre fait marquant : certains des candidats CNDD-FDD aux postes de conseillers communaux étaient présents pour superviser les élections, notamment les suppléants, moins connus . Placés parmi les observateurs, ils facilitaient la fraude, devenant à la fois accusateurs et juges.
Dans notre secteur, majoritairement composĂ© de personnes instruites, lorsquâun Ă©lecteur manifestement cultivĂ© se prĂ©sentait, nous le laissions voter sans interfĂ©rences . En revanche, lorsquâil sâagissait dâun citoyen dâapparence plus simple, nous lui remettions un bulletin dĂ©jĂ rempli. Certains, ayant perçu la supercherie, dĂ©pliaient partiellement le bulletin afin de le rendre nul.
Nous avons fermĂ© le bureau Ă 15h. Aucun retardataire nâa Ă©tĂ© autorisĂ© Ă voter. AprĂšs la clĂŽture, nous avons recommencĂ© Ă voter nous-mĂȘmes. Nous avons rempli tous les bulletins restants. Ă notre grande surprise, mĂȘme lâobservateur catholique a demandĂ© des bulletins. Il les a remplis lui aussi, mĂȘme si nous ne savons pas pour qui il a votĂ©.
đŽ Le dĂ©pouillement
"Le dĂ©pouillement nâa pas Ă©tĂ© difficile pour nous, car personne ne nous gĂȘnait. Une personne lisait les bulletins, une autre les vĂ©rifiait, et une troisiĂšme inscrivait les rĂ©sultats au tableau.
De trĂšs nombreux bulletins en faveur de lâUPRONA et de Mkombozi ont Ă©tĂ© comptabilisĂ©s comme des votes CNDD-FDD. Dans ce bureau, CNL et la Coalition Burundi Bwa Bose ont obtenu trĂšs peu de voix. Les bulletins que nous avons dĂ©tournĂ©s appartenaient Ă lâUPRONA et Ă Mkombozi.
Nous avons parfois trouvĂ© des paquets de 10 bulletins pliĂ©s ensemble. Nous les avons tous comptabilisĂ©s, mĂȘme si cela montrait que certains avaient votĂ© plusieurs fois sans prĂ©caution. Moi, lorsque jâai votĂ© cinq fois, jâai pris soin de bien les plier individuellement. Mais trouver dix bulletins pliĂ©s ensemble Ă©tait vraiment flagrant.
à la fin du dépouillement, nous avons rencontré deux problÚmes :
1. Le total des bulletins comptabilisĂ©s dĂ©passait largement le nombre dâĂ©lecteurs inscrits et le seuil autorisĂ©. Nous avons alors dĂ©cidĂ© de rĂ©duire le nombre de bulletins blancs et nuls.
2. Nous avions attribuĂ© environ 92 % des voix au CNDD-FDD, mais la consigne Ă©tait de lui en accorder 99 %. Cela nous a posĂ© problĂšme. Nous avons tentĂ© de rectifier, sans succĂšs. Finalement, nous avons laissĂ© les choses en lâĂ©tat, en nous disant que le CECI saurait comment corriger cela.
Dans certaines zones comme Nyakabiga, cela a Ă©tĂ© encore plus difficile. Nous y avons envoyĂ© des renforts pour "corriger" les rĂ©sultats et hausser les scores du CNDD-FDD. Ils ont essayĂ©, mais lĂ non plus, ils nâont pas pu atteindre les 99 %. "
đŽ Les consĂ©quences pourraient ĂȘtre trĂšs graves
"Jâai vu que certains sâinterrogent sur la lenteur de la publication des rĂ©sultats. Il faut savoir quâaprĂšs le dĂ©pouillement dans les bureaux de vote, un travail beaucoup plus important se fait au niveau des CECI. Câest Ă ce niveau que les rĂ©sultats sont vĂ©ritablement "ajustĂ©s" pour correspondre aux instructions du parti.
Jâai entendu RĂ©vĂ©rien Ndikuriyo dire que quiconque viendrait dĂ©noncer les fraudes avec des procĂšs-verbaux venus du quartier Buyenzi serait arrĂȘtĂ©. MĂȘme si une personne dispose dâun bon document F2, il arrive que ce mĂȘme document ait Ă©tĂ© modifiĂ© au niveau des CECI. Celui qui brandirait le vrai procĂšs-verbal pourrait ĂȘtre accusĂ© dâavoir utilisĂ© un faux venu de Buyenzi.
En rĂ©alitĂ©, câest le parti qui dĂ©cide : "lâUPRONA aura tel nombre de dĂ©putĂ©s", "tel autre parti aura ceci ou cela". Pour que cela fonctionne, il faut nĂ©cessairement retoucher les chiffres. Et câest ce Ă quoi ils sâemploient en ce moment."
Nous disposons dâinformations extrĂȘmement inquiĂ©tantes. MĂȘme si Ndayishimiye semble satisfait dâavoir reçu la victoire, il ignore quâun piĂšge a peut-ĂȘtre Ă©tĂ© tendu contre lui. Sâil nây prend garde, il pourrait en subir des consĂ©quences inattendues (...).
đŽ Ce tĂ©moin nous a Ă©galement confiĂ© des Ă©lĂ©ments dâune extrĂȘme gravitĂ© que, par prudence, nous choisissons de ne pas publier pour lâinstant. Si les faits quâil Ă©voque venaient Ă se produire, nous pourrons alors attester quâil nous en avait avertis.
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