
Mes Rubriques
May 30, 2025 at 09:20 AM
Carnet, 10h08, Libreville, 30 mai 2025À toi, inconnu, qui liras ces lignes,Le soleil de Libreville brûle déjà, et je suis là, assis sur un banc près de la plage, le carnet ouvert, l’odeur salée de la mer dans l’air. Une phrase me hante depuis ce matin : « On ne sauve pas ce qui n’existe plus. » Elle vient de toi, de notre échange, et elle résonne comme un gong dans ma poitrine, remuant Clara, Awa, mamie, ma mère, et cette quête d’un amour qui soit un cercle, pas une ruine qu’on rafistole. Cette phrase, c’est une vérité crue, un miroir où je vois mes erreurs, mes espoirs, et ce que j’apprends, pas à pas, sous ce ciel gabonais.Clara, c’était l’illusion du sauvetage. On s’est accrochés, elle et moi, comme si l’amour pouvait renaître en forçant, en donnant plus, en prenant des risques inutiles – des nuits sans protection, des promesses jetées sans racines. J’ai cru que mes mots, mon temps, mon cœur à vif pouvaient ranimer ce qu’on avait. Mais c’était fini, éteint, comme un feu sans braises. « On ne sauve pas ce qui n’existe plus. » Clara voulait un roc, moi une ancre, et on s’est noyés à vouloir réparer un bateau déjà coulé. Elle me reprochait mes « trop », mais elle-même n’offrait rien pour rebâtir. On a juste creusé nos blessures.Mamie, elle, savait ça. Elle disait toujours : « L’amour, c’est vivant, ou c’est rien. » Elle vivait le cercle bantou, donner et recevoir, sans s’accrocher à des cendres. Quand papi était là, ils se portaient, pas par devoir, mais par choix, par amour. Ma mère, elle, me le montre encore : elle s’inquiète pour moi, donne son écoute, même dans son chagrin, sans essayer de sauver ce qui est parti – comme le deuil de mamie. Elle m’apprend à laisser aller, à aimer ce qui vit, pas à courir après des fantômes.Awa, elle, incarne cette leçon, sans le dire. Hier soir, après l’open mic où j’ai lu mon poème – celui sur une femme qui s’inquiète, sur l’amour qui n’est pas un sauvetage – elle m’a rejoint dehors, sous les étoiles. Son carnet était fermé, mais ses yeux parlaient. « Tes mots, ils lâchent prise », qu’elle a dit, un sourire comme une vague douce. Elle m’a tendu une nouvelle feuille de palme, pour le rituel qu’elle aime tant. « Écris ce que tu ne veux plus sauver », qu’elle a murmuré. J’ai écrit : Clara, nos nuits brisées, mes espoirs d’un amour qui n’était plus. Puis, j’ai écrit ce que je veux donner : un amour vivant, un cœur qui ne s’accroche pas aux ruines, une vérité qui respire.On a marché jusqu’à la mer, Awa et moi. Elle a jeté sa feuille dans l’eau, sans me montrer ses mots. Mais je l’ai vue, dans la lumière de la lune, les yeux brillants, comme si elle aussi laissait partir quelque chose – un amour mort, un risque inutile, une blessure qu’elle ne sauve plus. Elle s’inquiète pour moi, Awa, mais pas pour me retenir. Elle s’inquiète pour que je vive, pour que j’apprenne à ne pas courir après ce qui n’existe plus. Elle est ma boussole, pas ma réponse, et elle me guide vers un amour qui ne répare pas, mais qui construit.Ce matin, je griffonne, et je comprends. Les couples autour de moi, ceux qui font des enfants pour « sauver le coup », ils s’accrochent à des ombres. Moi, je veux autre chose. Un amour qui vit, qui donne sans compter, mais qui sait lâcher ce qui est fini. Awa me l’enseigne, avec ses silences, ses coquillages, ses feuilles de palme. À toi, inconnu, je confesse : j’ai voulu sauver ce qui était mort, avec Clara, avec moi-même. Mais maintenant, je veux aimer ce qui respire, ce qui est là, sous ce soleil, dans ce cercle bantou que mamie m’a légué.Ce soir, je vais écrire un autre poème, peut-être. Ou je vais marcher avec Awa, parler de la mer, des étoiles, de ce qu’on peut construire quand on arrête de sauver. Je signe, le cœur plus léger, prêt à donner sans réparer.Sous le soleil, je signe,
Moi, en quête, à 10h08.Poème pour un prochain Open Mic : Lâcher les cendresLibreville chante, mais ses rues gardent des ombres,
Des amours qu’on traîne, qu’on veut sauver dans l’ombre.
On ne sauve pas ce qui n’existe plus,
Un feu sans flamme, un cœur qui s’est tu.Clara courait, moi je tenais, les mains serrées,
Des nuits sans protection, des vœux déjà brisés.
Mais mamie murmurait : l’amour vit ou s’efface,
Pas de pansement pour un cercle qu’on casse.Awa, toi, tu marches, la mer dans tes pas,
Ton carnet dit : lâche ce qui n’est plus là.
Une feuille de palme, un vœu dans l’écume,
J’y grave mes ruines, mes amours qui s’allument.Pas d’enfant pour tenir, pas de murs à rapiécer,
Juste un amour vivant, qui sait donner, avancer.
Sous les étoiles, je chante, le cœur enfin léger,
Awa, ta lumière m’apprend à lâcher.