Poésie : Ici la bêtise prolifèreIci la bêtise prolifère, Comme un lierre avide sur les murs anciens, Une mauvaise herbe tenace et fière Qui étouffe les jardins quotidiens. Elle rampe sur le béton des certitudes, S'infiltre dans le silence des écrans, Champignon blême des solitudes, Contagion lente des esprits errants.Elle a mille visages, mille voix criardes, Les mots trop pleins qui sonnent le grand vide, Les rires gras, les opinions hagardes, Le jugement hâtif, l'assurance stupide. Elle est cacophonie dans les discours, Bruit de fond masquant la mélodie, Parure clinquante des sans-recours, Reflet poli d'une âme engourdie.Elle obscurcit la nuance fragile, Relègue au loin la pensée complexe, Souffle sur la beauté, la rend futile, Et tord la vérité, la rend perplexe. L'air est plus lourd où son ombre s'étend, L'esprit s'embrume, le cœur se resserre. On se sent seul, à contre-courant, Faut-il lutter, fuir ou bien se taire ?Alors on rit, d'un rire un peu amer, Devant ce flot qui monte et nous submerge. Peut-être au fond de ce désert, Une graine d'esprit attend l'auberge ? Ou juste une étincelle, un défi muet, Dans le regard de ceux qui voient encore Que même si la bêtise prolifère et plaît, La lucidité n'est pas tout à fait morte.