
Haïdara Mohamed Ibrahim
May 18, 2025 at 11:19 PM
« Là où l’on voulait m’éteindre, je suis devenu flamme »
Il y a des souvenirs qui ne vieillissent pas. Ils s’accrochent à la mémoire comme une brûlure lente, discrète, mais tenace. Mon tout premier poste dans la région de Zinder, dans une commune reculée du département de Magaria, n’était pas un début. C’était une épreuve. Une épreuve que j’ai traversée debout… mais non sans cicatrices.
Je me souviens de ce jour, comme on se souvient d’un enterrement : le cœur serré, le regard en quête d’espoir, et cette voix sèche de mon tout premier directeur qui trancha net mes illusions :
« Toi, tu n’as pas d’avenir dans l’éducation. »
Ce n’était pas une critique. C’était une sentence.
Dès lors, il a mis tout en œuvre pour que ma présence dans cette école soit un calvaire. Pas de soutien, pas d’écoute, rien d’autre qu’une pression froide, constante, quotidienne. Il me plaçait dans des situations intenables, m'exposait, me marginalisait, comme s’il avait pour mission de m’user jusqu’à l’abandon.
Mais ce n’était pas tout.
Le président du COGES, censé être un partenaire, un protecteur de l’école, s’est lui aussi joint au chœur des hostilités. Il me regardait avec mépris, parlait de moi avec légèreté, osait même me traiter de fou. Oui… fou.
J’étais seul. Incompris. Loin de tout repère. Loin de ma famille. Loin du confort.
Mais c’est justement dans cette solitude que quelque chose a germé.
Je ne pouvais pas fuir. Je ne voulais pas fuir. Alors j’ai résisté.
J’ai tenu. Un jour. Puis un autre. Et encore un autre.
La nuit, je pleurais parfois. Le jour, j’enseignais comme si ma vie en dépendait.
Car c’est dans cette douleur que j’ai découvert une vérité : ce que les autres détruisent par méchanceté peut être reconstruit par volonté.
Aujourd’hui encore, je suis un simple enseignant contractuel. Mais je suis un homme debout.
Pas grâce à eux.
Mais à cause d’eux.
Leurs humiliations m’ont forgé une armure. Leur rejet a réveillé ma foi en moi-même.
Et, contre toute attente, je leur dis merci.
Merci à ce directeur qui, sans le savoir, m’a appris la patience, la discipline, la maîtrise de soi.
Merci à ce président du COGES qui m’a donné le goût du dépassement, en croyant m’écraser.
Ils m’ont fait mal, oui.
Mais ils m’ont aussi préparé à la vie.
Je leur pardonne.
Parce que le pardon, c’est la victoire des âmes fortes.
Parce que la haine est un poids trop lourd pour celui qui veut avancer.
Parce qu’en fin de compte, c’est moi qui ai grandi. C’est moi qui ai appris. C’est moi qui suis resté.
Et eux, que retiendront-ils de moi ? Rien, peut-être.
Mais moi, je me souviendrai toujours de ce jeune professeur que tout le monde croyait perdu…
Et qui a fini par se trouver.
Haidara Mohamed Ibrahim
Enseignant contractuel
CEG DIAMBALA

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