
Le Méhari Post de Mohamed AG Ahmedou du MTRM
June 12, 2025 at 05:07 PM
La transition censée être brève, restauratrice et porteuse d'espoir s’est transformée en une machine à broyer toute contestation, y compris celle qui vient de personnalités jadis influentes. Feu Soumeylou Boubèye Maïga, Ras Bath, Issa Kaou N'Djim, Oumar Mariko, Imam Mahmoud Dicko,...ont été à des moments clés des porte-voix du peuple, critiques des dérives du pouvoir, et tous ont payé le prix de leur indépendance ou de leur franc-parler.
1. Feu Soumeylou Boubèye Maïga : mort d’un homme d’État dans les geôles de la transition
Ancien Premier ministre, accusé dans l’affaire de l’avion présidentiel, il est mort en détention préventive, dans des conditions obscures, sans jugement définitif. Sa disparition n’est pas seulement une tragédie judiciaire mais une tache indélébile sur la légitimité morale de la junte. Son décès est le symbole d’une justice à deux vitesses, manipulée par un exécutif militaire qui instrumentalise les procédures judiciaires pour éliminer les adversaires politiques.
2. Ras Bath : de la parole libre à la prison politique
Youssouf Mohamed Bathily, dit Ras Bath, a longtemps incarné une voix contestataire, parfois outrancière, mais toujours au cœur du débat public malien. Son arrestation dans le contexte du dossier Boubèye est un signal clair : la parole libre est désormais un crime, surtout si elle ose questionner la version officielle ou les méthodes opaques de la junte.
3. Oumar Mariko : l’icône gauchiste mise au ban
Fondateur de SADI, ancien député, Oumar Mariko a été pourchassé, emprisonné, puis contraint à l’exil. Son engagement de gauche, son opposition au militarisme politique, ses dénonciations virulentes du néocolonialisme et du nationalisme de façade l’ont rendu indésirable. Il est la preuve que le régime actuel ne tolère ni la contestation idéologique ni les voix alternatives dans le camp progressiste.
4. Issa Kaou N'Djim : l'allié devenu gêneur
Ancien soutien d’Assimi Goïta, Kaou N'Djim a appris à ses dépens que l'amitié politique avec la junte est éphémère dès lors qu’on ose critiquer publiquement ses choix. Réduit au silence, écarté du CNT, puis marginalisé, son cas montre que la fidélité à la junte est à sens unique : elle exige l'obéissance absolue, sans débat, sans nuance.
5. Imam Mahmoud Dicko : la neutralisation d’un leader religieux influent
L’Imam Dicko, figure centrale de la chute d’IBK, a été progressivement mis à l’écart, diabolisé, marginalisé, et surveillé. La junte a tout fait pour affaiblir son aura, tant au niveau national qu’international. Ce traitement réservé à une autorité morale en dit long sur la paranoïa du pouvoir face à toute forme de leadership charismatique hors contrôle militaire.
Pour ne citer que ces quelques noms sinon la liste est très longue.
Tous ces leaders d'opinion ont un point commun : ils ont refusé de se soumettre au discours officiel, ils ont dénoncé la tentation autoritaire et l’éternisation d’une transition sans horizon clair. La junte les a donc réduits au silence, avec l’assentiment tacite ou actif d’une partie de l’opinion publique anesthésiée par la rhétorique souverainiste, la propagande anti-française ou l’illusion d’un redressement national.
Ceux qui osent encore parler sont jetés en prison, envoyés en exil ou réduits au silence par la peur, dans une ambiance politique de plus en plus délétère.
Oui. En disqualifiant systématiquement toute opposition, en transformant le judiciaire en bras armé du pouvoir, en instaurant une censure de fait dans les médias, la junte s’installe durablement. Elle ne dirige plus au nom d’une mission temporaire, mais agit comme un pouvoir de substitution qui s’estime légitime sans mandat électoral clair, sans débat pluraliste, sans contre-pouvoirs institutionnels.
Ce qui se joue aujourd’hui au Mali n’est pas seulement une bataille entre civils et militaires. C’est un assaut contre la mémoire collective du combat démocratique. Quand ceux qui ont porté la contestation contre un régime de Transition éternel se retrouvent persécutés par ceux qui prétendaient rétablir l’ordre et la dignité, alors c’est toute l’histoire de la résistance malienne qui est trahie.
La question est simple : qui restera pour parler, quand tous les porteurs de voix auront été muselés ?
