Le Méhari Post de Mohamed AG Ahmedou du MTRM
Le Méhari Post de Mohamed AG Ahmedou du MTRM
June 12, 2025 at 05:08 PM
La Constitution selon le fusil : cinq ans de plus ou la prison du silence Le Conseil des ministres du mercredi 11 juin 2025 restera dans l’histoire comme le jour où le pouvoir malien a cessé de faire semblant. Le jour où la Transition a officiellement été enterrée sous une épaisse chape de mensonge légal. Le jour où les masques sont tombés. Le jour où le Président de fait s’est offert, grâce à un tour de passe-passe législatif, un mandat de cinq ans, sans élections, sans débat, sans légitimité. C’est un coup d’État constitutionnel, à ciel ouvert. Et il faut le dire sans détour : ce n’est pas une révision de la Charte. C’est un braquage. Un braquage politique maquillé en texte de loi. Un viol du contrat moral entre le peuple et ses dirigeants. Officiellement, la Transition devait s’achever le 26 mars 2024. Depuis cette date, les autorités ont erré dans une sorte de zone grise institutionnelle, entre formalisme et improvisation. On promettait des élections, on jurait sur la Charte, on évoquait des réformes… Mais tout cela n’était que mise en scène. La vérité, c’est que le régime militaire n’a jamais eu l’intention de quitter le pouvoir. Ce qui était supposé être une parenthèse démocratique s’est transformé en système de domination durable, sous couvert de patriotisme de façade et de réformes à rallonge. Nous vivons dans ce que nous appelons une "Transillusion" (Merci Dr Amine Konate ) : un régime militaire déguisé en processus de refondation. La décision de ce 11 juin en est la preuve ultime. L’Exécutif ne s’encombre même plus de l’apparence. Il officialise ce que tout le monde savait déjà : la Transition est un leurre, une diversion. En réalité, nous sommes revenus à l’ordre kaki des années 1970, avec sa verticalité autoritaire, son mépris du droit et sa soif de pouvoir. Ce qui choque, au-delà de la manœuvre politique, c’est le mépris total pour la logique juridique. On veut faire croire qu’une simple loi peut modifier la Charte de la Transition. On voudrait nous faire avaler qu’un texte expiré, périmé, peut servir de fondement à un mandat présidentiel de cinq ans. Où est la Cour constitutionnelle ? Où est le débat national ? Où est la souveraineté du peuple ? En réalité, nous assistons à une mise en scène tragique, où le droit devient un outil au service d’un clan, d’un homme, d’un agenda caché. Une Charte n’est pas un vieux chiffon qu’on ressort à volonté pour s’en faire un manteau d’impunité. C’est une promesse solennelle. Et ceux qui l’ont violée à plusieurs reprises viennent aujourd’hui la « réviser » pour mieux s’y agripper. Ce n’est pas une refondation, c’est une régression. Il faut poser la question qui fâche : avait-on dès le départ un plan sur dix ans ? Fallait-il instrumentaliser la guerre contre le terrorisme, les tensions avec l’extérieur, les conflits internes, pour instaurer un pouvoir militaire durable ? Les crises successives ont-elles servi de justification à une stratégie d’éternisation ? Depuis cinq ans, les Maliens vivent dans l’instabilité, la peur, la précarité, pendant qu’au sommet de l’État, des hommes sans mandat électif construisent une autorité sans contre-pouvoir. Aujourd’hui, ils franchissent une étape décisive : ils institutionnalisent leur présence, sans se soumettre à l’épreuve des urnes. C’est un déni de démocratie. Un déni de souveraineté populaire. Une insulte à tous ceux qui, depuis 1991, ont lutté pour l’alternance, la pluralité, et le respect des règles. Le comble du cynisme réside dans le contenu même du communiqué du Conseil des ministres, qui nous parle de « réformes politiques et institutionnelles prioritaires » à mener avant d’envisager des élections. Encore ? Encore des réformes ? Encore des priorités floues, indéfinies, jamais évaluées, jamais débattues ? Cela fait cinq ans qu’on nous parle de refondation. Où sont les résultats ? La vision politique du régime est un brouillard. Rien n’est clairement défini. Rien n’est mesurable. Tout est renvoyé à demain. Et chaque échéance manquée devient un prétexte pour repousser la suivante. C’est une fuite en avant, un pilotage sans cap, une stratégie du flou pour retarder l’inéluctable : le retour à un pouvoir légitime. Pendant ce temps, les Maliens attendent. Ils attendent la sécurité. Ils attendent l’emploi. Ils attendent l’État. Mais ce qu’on leur sert, c’est un récit héroïque sans héroïsme, une posture souverainiste sans souveraineté réelle, et désormais un mandat présidentiel volé à la faveur d’un silence imposé. Quels politiciens civils ont trahi à ce point ? Aucun. Même dans les pires régimes corrompus de la IIIe République, il y avait au moins l’illusion d’une opposition, d’un débat, d’un cycle électoral. Ici, il n’y a rien. Juste une armée de communicants, une bureaucratie tétanisée, et une société bâillonnée. Nous sommes face à une confiscation brutale du pouvoir. Une trahison de la promesse faite au peuple malien. Une insulte à l’intelligence collective. Un accaparement froid et cynique, sans vision, sans projet, sans âme. Mais l’histoire a de la mémoire. Et elle n’oublie pas les renégats. Elle n’oublie pas ceux qui, sous couvert de sauver la patrie, ont trahi la démocratie, muselé la critique, dévoyé le droit. Il est encore temps de reculer. Il est encore temps de se ressaisir. Car si ceux qui gouvernent aujourd’hui continuent de défier le peuple, alors le peuple, tôt ou tard, leur retirera ce qu’ils ont cru pouvoir garder par la force. On ne gouverne pas un peuple par décret. On ne confisque pas un pays au nom du patriotisme. Le Mali vaut mieux qu’un mandat volé.
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