
Le Méhari Post de Mohamed AG Ahmedou du MTRM
June 12, 2025 at 05:10 PM
Article 45 : la Constitution contre les imposteurs
Au Mali, certains semblent vouloir le pouvoir sans le peuple. Pourtant, la Constitution du 22 juillet 2023 ne laisse place à aucune ambiguïté. Son article 45 est clair, tranchant, et redoutablement démocratique : « Le Président de la République est élu pour un mandat de cinq (05) ans, au suffrage universel direct. Il n’est rééligible qu’une seule fois. En aucun cas, nul ne peut exercer plus de deux (02) mandats de Président de la République. »
C’est un article sobre mais explosif. Parce qu’il vient poser une vérité brutale : tout pouvoir exécutif malien qui n’est pas issu des urnes est illégal. Voilà la bombe que renferme ce texte, silencieusement ignoré par ceux qui prétendent gouverner au nom du peuple sans jamais avoir demandé son avis.
Nous vivons dans un pays où la transition, censée être une étape exceptionnelle, devient une structure permanente. Une autorité de transition s’installe, dirige, réprime, signe des contrats, modifie les lois, engage l’armée, négocie des alliances, sans aucun mandat populaire.
Or, rien dans l’article 45 n’ouvre la voie à une présidence d’exception, transitoire, auto-proclamée ou militaire. La Constitution ne prévoit pas de parenthèse autoritaire. Elle dit : « élu ». Point.
Il faut donc le dire sans détour : les autorités militaires actuelles sont en contradiction flagrante avec l’article 45. Elles gouvernent en dehors du cadre électoral, donc en dehors de la légalité constitutionnelle. Peu importe les slogans de « refondation », de « souveraineté » ou de « sécurité » : aucune idéologie ne justifie le viol d’un principe fondamental.
Les sbires du régime rêvent à haute voix d’un « Assimi Goïta 2030 », d’un scénario à la Poutine, où le militaire en treillis deviendrait l’homme providentiel en costume. Mais là encore, l’article 45 est sans pitié : il n’autorise aucun recyclage transitionnel. Ceux qui dirigent aujourd’hui ne peuvent être candidats demain sans entacher l’élection d’un soupçon de continuité illégitime.
Soyons clairs : la transition ne peut pas être une rampe de lancement personnel vers la présidence. Sinon, elle devient un détournement de la Constitution, un putsch prolongé sous les habits d’une légalité de façade.
On nous dit que les conditions ne sont pas réunies pour organiser des élections. Mais depuis quatre ans, toutes les conditions sont réunies pour s’arroger le pouvoir : recruter des fonctionnaires, signer des accords, faire la guerre, communiquer, censurer, emprisonner. Tout sauf soumettre leur action à un bulletin de vote.
Ce refus de l’élection n’est pas un accident, c’est un choix. Un choix de gouverner sans risquer la sanction démocratique. Un choix de parler au nom du peuple sans lui demander la permission. Et ce choix, qu’on le veuille ou non, est anticonstitutionnel.
Dans un Mali verrouillé par l’autoritarisme de transition, l’opposition politique est bâillonnée, les journalistes inquiétés, les activistes menacés. Pourtant, la meilleure arme de résistance est dans le texte lui-même. L’article 45 est une épée de droit contre le régime de fait.
Il permet de renverser le rapport de force symbolique : ce ne sont pas les opposants qui sont hors système, ce sont les tenants du pouvoir qui sont hors Constitution. Ce ne sont pas les civils qui dérangent l’ordre, ce sont les militaires qui dérangent le droit.
Il est ironique de voir ceux qui prétendent incarner la souveraineté nationale bafouer la souveraineté populaire. Car c’est bien de cela qu’il s’agit : le suffrage universel direct est l’expression suprême de la souveraineté du peuple. Supplanter cette voie par des désignations, des manipulations ou des manœuvres militaires, c’est confisquer le pays au nom du peuple… sans lui.
L’article 45 n’est pas un détail technique : c’est le cœur battant de la démocratie malienne. C’est une ligne rouge, un test, un ultimatum adressé à tous ceux qui prétendent diriger ce pays. Et il faut le dire sans frilosité : Un pouvoir non élu est un pouvoir illégal. Un Président de transition qui ne cède pas la place à une élection est un usurpateur. Un militaire qui rêve de rester au pouvoir au-delà de la transition est un dictateur en gestation.
Le peuple malien n’a pas versé son sang pour changer de maîtres, mais pour choisir ses dirigeants. Et il est temps que ceux qui parlent en son nom s’en souviennent.
