Le Méhari Post de Mohamed AG Ahmedou du MTRM
Le Méhari Post de Mohamed AG Ahmedou du MTRM
June 12, 2025 at 06:58 PM
"Union sacrée" au Mali : la grande imposture des égos Ils sont tous là, debout sur les ruines fumantes de la République, la main sur le cœur, le ton grave et solennel : politiciens de tous bords, Généraux en treillis repassés, leaders d'opinion subventionnés. Et tous entonnent le même refrain : "Il nous faut une union sacrée, un rassemblement national, une synergie des forces patriotiques." Mais dès qu’on gratte un peu le vernis, le slogan s'effondre. Car au Mali, personne ne veut réellement l’union sacrée : chacun veut simplement régner sur les décombres. Il faut le dire sans détour : le discours de l’unité est devenu l’ultime imposture politique. Ce n’est pas le Mali que ces gens veulent sauver. C’est leur poste, leur parti, leur image sur les chaînes étrangères, leur influence auprès de la junte ou du prochain bailleur de fonds. Le mot "Mali" n’est plus qu’un accessoire rhétorique, une parure de guerre dans la lutte pour le pouvoir. L’appel au rassemblement n’est pas une main tendue, c’est une injonction à se ranger derrière soi. "Rassemblons-nous", oui, mais derrière moi, pas derrière le pays. Chaque acteur politique, chaque regroupement, chaque officine d'experts autoproclamés pense incarner, seul, l’alternative. Les militaires veulent qu’on s’unisse derrière leur transition éternelle, les partis d'opposition exigent une union autour de leur retour salvateur, les "intellectuels organiques" appellent à l’union autour de leur vision de la souveraineté… mais qui appelle à s’unir autour de la souffrance du peuple ? Qui construit l’union à partir de la base ? Personne. L’union sacrée, dans sa version malienne, n’est pas une construction patriotique, c’est un chantage à la loyauté. Refusez de vous rallier à l’homme fort du moment et vous serez traité de traître à la Nation. Interrogez la légitimité de la transition et vous serez soupçonné d’être manipulé par l’étranger. Demandez des comptes à un parti politique et on vous accusera de faire le jeu de la junte. Dans cette logique, la seule forme d’unité tolérée est celle du silence, de la soumission, de la prosternation. Mais le fond du problème est ailleurs. Ce consensus bidon qu’on nous vend n’est rien d’autre qu’une négation de la démocratie. Une démocratie vivante accepte les désaccords, les débats, les oppositions frontales, les coalitions fragiles, les voix dissonantes. L’union sacrée malienne, elle, cherche à liquider toute forme de pluralisme au nom d’une urgence nationale perpétuelle. Ce n’est plus un projet d’avenir, c’est une camisole politique. Or, le Mali a besoin de débats ouverts, pas de messes politiques. De critiques constructives, pas de simulacres d’unité. De véritables plateformes citoyennes, pas de réunions de clans. Quand le bateau coule, on ne demande pas à tout le monde de chanter l’hymne national en chœur ; on se retrousse les manches, on évalue les responsabilités, et on agit ensemble, mais dans le respect des divergences. Ce qu'on voit au Mali, c’est exactement l’inverse : une multiplication de cénacles fermés, chacun prétendant incarner la "nation", pendant que le pays, lui, sombre. Cette escroquerie de l’union sacrée n’est pas seulement ridicule. Elle est dangereuse. Elle permet à des régimes défaillants de s’auto-légitimer. Elle marginalise les voix critiques. Elle infantilise le peuple. Elle rend impossible toute vraie réforme, car elle présuppose que ceux qui ont échoué hier sont encore ceux qui doivent "sauver" le Mali aujourd’hui. À force d'invoquer l'unité sans jamais en poser les bases réelles ( justice, vérité, inclusion, mémoire ) on aboutit à une fausse paix, à une dictature molle, à une paralysie collective. Le Mali n’a pas besoin d’une union sacrée autour des personnes, mais d’une union sincère autour des problèmes. Pas autour d’un président, d’un parti ou d’un Général, mais autour d’un projet clair : sortir du chaos en reconstruisant les institutions sur des bases neuves. Cela implique des ruptures, des confrontations, des audits, des vérités qui dérangent. C’est le prix à payer si nous voulons que l’unité cesse d’être une mascarade pour devenir un véritable acte politique. Tant que les Maliens seront invités à s’unir derrière des chefs plutôt qu’à penser ensemble leur avenir, l’union sacrée restera une arme de diversion massive. Et ceux qui la brandissent aujourd’hui seront demain les fossoyeurs de notre destin commun. Sambou Sissoko
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