Le Méhari Post de Mohamed AG Ahmedou du MTRM
Le Méhari Post de Mohamed AG Ahmedou du MTRM
June 13, 2025 at 10:22 AM
Tant que nos dirigeants trahiront le peuple, aucune armée ne sauvera le Mali... Même si Vladimir Poutine débarquait en uniforme de généralissime au Mali, à la tête de la plus puissante armée du monde, il ne vaincrait pas le terrorisme. Car le terrorisme qui ronge notre pays ne se combat pas seulement avec des tanks, mais avec la justice, l’écoute et la présence réelle de l’État auprès de ses citoyens. Or, ce sont précisément ces fondations-là qui se sont effondrées. Nous sommes passés en une décennie du discours « la France est notre alliée » à « la France est notre ennemie », pour désormais embrasser l’illusion inverse : « la Russie nous sauvera ». Cette valse des parrains ne témoigne pas d’un regain de souveraineté, mais au contraire d’un déracinement stratégique absolu, une incapacité à construire notre propre voie de sécurité nationale. Ce n’est ni la France, ni la Russie, ni même les Émirats arabes unis qui nous sauveront. Car le cœur du problème n’est pas militaire, mais politique et moral. Ce que nous appelons "terrorisme" est bien souvent l’expression violente d’un vide de représentation, d’un rejet de l’autorité, d’un sentiment d’abandon. Une bombe larguée depuis un hélicoptère ne reconstruit pas un pacte social brisé. Elle ne fait que le pulvériser un peu plus. Ceux qui, aujourd’hui, fustigent l’ingérence française oublient une réalité plus cruelle encore : l’ingérence ne fonctionne que là où il y a consentement local. Si Paris parvient à imposer ses vues à Bamako, c’est parce que nos dirigeants y trouvent leur compte. Les « partenaires stratégiques » ne font que jouer avec des élites qui ont depuis longtemps déserté le camp du peuple. On accuse la France de duplicité, de double jeu, de cynisme. C’est vrai. Mais ces accusations n’ont de poids que si nous regardons en face la complicité active de nos propres responsables. Ce ne sont pas les agents de la DGSE qui signent les contrats de complaisance. Ce sont des Maliens. Ce ne sont pas les Généraux français qui détournent les budgets de l’armée malienne. Ce sont nos propres officiers. Il faut oser dire cette vérité : nos dirigeants sont les premiers artisans de notre mise sous tutelle géopolitique. La quasi-totalité des communautés maliennes qui ont sombré dans l’extrémisme violent ont un point commun : elles ont été abandonnées par l’État ou ne se reconnaissaient plus dans ceux qui le représentaient. Administrateurs arrogants, militaires corrompus, justice partiale, services publics inexistants… Pourquoi un paysan de Talataye, de Hombori ou de Mondoro devrait-il défendre une république qui ne le connaît pas, ne l’écoute pas et ne le protège jamais ? Ce qu’on appelle aujourd’hui "zones rouges" sont souvent des territoires qui ont été rendus invisibles depuis longtemps. Et le terrorisme est venu leur offrir une alternative, aussi brutale soit-elle. Une structure. Une forme de justice. Une prise en compte de leurs doléances, même tordues par une idéologie meurtrière. Vouloir écraser ces communautés par la seule force militaire, c’est confondre symptôme et cause. Le feu ne s’éteint pas à coups de napalm. Dans un pays où plus du tiers du budget national est englouti dans le fonctionnement de l’État, sans amélioration visible pour les citoyens, quelle crédibilité peut-on encore espérer ? L’armée reçoit des milliards, les hauts fonctionnaires roulent en 4x4 dernier cri, les palais présidentiels se rénovent... pendant que les hôpitaux manquent de compresses et les enseignants de craie. La vérité est insoutenable : l’État malien est devenu une entreprise de prédation, une machine à redistribuer les ressources au sommet tout en sacrifiant la base. Dans ce contexte, aucun partenariat militaire (russe, turc ou chinois) ne pourra porter ses fruits. Car les ressources seront toujours siphonnées, les populations toujours trahies, les soldats toujours abandonnés sur le terrain. Comment voulez-vous que l’armée malienne gagne la guerre quand elle doit déjà se battre contre sa propre hiérarchie pour obtenir du carburant ? Tant que nous ne reconnaîtrons pas que cette guerre est d’abord interne, nous resterons prisonniers du déni. Ce n’est pas l’Occident qui a désintégré l’autorité de l’État malien. Ce sont les pratiques de gouvernance de nos élites, leur mépris de la justice, leur incapacité à incarner une autorité légitime. Ce n’est pas Macron, ni Poutine, ni la CEDEAO qui ont créé les milices d’auto-défense, les frustrations ethniques, les divisions locales. C’est nous. Par nos lâchetés, nos compromissions, nos tabous. Et nous continuerons à perdre tant que nous refuserons de poser les questions qui fâchent : Qui a armé qui ? Qui a couvert quoi ? Qui a refusé de voir l’effondrement arriver ? Certains, par cynisme ou par arrogance, méprisent le modèle rwandais. Pourtant, le Rwanda de Kagame a fait ce que peu d'États africains osent faire : mettre de l’ordre, de la discipline et de la redevabilité dans les institutions. Paul Kagame a été autoritaire, certes, mais il a tenu ses engagements envers son peuple. Il a créé une administration rigoureuse, imposé le respect de la fonction publique, sanctionné les voleurs, et mis l’intérêt national au-dessus des intérêts claniques. C’est cette clarté politique qui a forcé la France, 25 ans après le génocide, à reconnaître ses fautes. Non pas par bonté, mais parce qu’elle n’avait plus d’emprise sur un Rwanda reconstruit sur la base d’un État fonctionnel. Le Mali n’a pas besoin d’un sauveur militaire. Il a besoin d’un sursaut moral. Assimi Goïta a fait adopter une nouvelle Constitution en grande pompe, au nom de la refondation. Mais qu’a-t-il fait de ce texte ? Où est l’État refondé ? Où est la gouvernance rénovée ? Où sont les promesses de justice sociale, d’équité, de transparence ? Un chef d’État ne peut pas exiger le respect s’il ne commence pas par respecter la parole qu’il a donnée. Les Maliens ont accepté de lui faire confiance après les coups d’État. Mais cette confiance ne vaut rien si elle n’est pas suivie d’un contrat politique clair, visible, mesurable. Aujourd’hui, on voit une militarisation du pouvoir, une glorification de la propagande, mais pas une once de réforme sérieuse dans les rouages de l’administration ou de la justice. Le peuple n’est pas idiot : il voit. Il attend. Et il saura juger. Les Maliens ne demandent pas la lune. Ils demandent un État qui tient ses promesses, une armée qui protège sans humilier, des écoles où leurs enfants apprennent à lire, des dispensaires où on ne meurt pas pour une piqûre. Ils n’attendent ni la Russie, ni la France, ni les États-Unis. Ils attendent que ceux qui parlent en leur nom cessent de les trahir. Car la vérité est simple : tant que les dirigeants maliens ne respecteront pas leur engagement vis-à-vis de leurs concitoyens, aucune puissance étrangère ne respectera le Mali. Et tant que nous continuerons à chercher des sauveurs extérieurs sans exiger des comptes à nos propres élites, le terrorisme n’aura même pas besoin de gagner. Il suffira qu’on continue à perdre. Par, Sambou Sissoko
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