Alioune NDIAYE Écrivain
June 5, 2025 at 06:36 PM
Une candidature à l’ONU doit susciter le débat, non l’anathème Par Alioune Ndiaye, Expert en développement international La récente tribune de M. Mouhammad Cissé, intitulée « Candidature de Macky Sall à la tête de l’ONU : un sacrilège pour la conscience universelle », appelle une réponse. Non pas pour défendre ou rejeter la potentielle candidature de l’ancien président sénégalais, mais pour rétablir un cadre d’analyse plus équilibré, respectueux du pluralisme d’idées et des principes de débat démocratique. 1. Une mémoire politique à contextualiser Il est incontestable que le bilan de Macky Sall, comme tout dirigeant, appelle à être jugé par l’histoire, la justice et la mémoire collective. Les périodes de tension politique, les pertes humaines lors des manifestations et les controverses sur la gouvernance économique du pays doivent être examinées avec rigueur. Mais il est tout aussi nécessaire d’inscrire ces faits dans un contexte institutionnel, régional et mondial complexe. Réduire Macky Sall à un « bourreau de son peuple » revient à nier tout un pan de son action diplomatique, son rôle dans l’intégration africaine, sa présidence de l’Union africaine, et ses engagements sur la scène climatique et multilatérale. 2. L’ONU n’est pas un tribunal moral L’Organisation des Nations Unies est un espace politique, façonné par les équilibres géostratégiques et les compromis diplomatiques. Être Secrétaire général ne suppose pas une sainteté personnelle, mais une capacité de négociation, de médiation et de représentation des intérêts collectifs des États membres. António Guterres, Ban Ki-moon ou encore Kofi Annan ont tous exercé dans un contexte de critiques, mais leur légitimité s’est construite par leurs actions diplomatiques, pas par un passé parfait. 3. Le devoir de nuance dans le débat public Qualifier une candidature de « sacrilège » relève d’une rhétorique violente, presque religieuse, qui ferme la porte à toute réflexion contradictoire. Or, dans une démocratie, les opinions doivent s’exprimer dans la nuance, le respect et la rationalité. Le devoir de mémoire ne saurait devenir un instrument de vengeance ou d’ostracisme permanent. Interroger la pertinence d’une telle candidature est légitime. L’anéantir d’avance par le procès d’intention l’est moins. Le peuple sénégalais a déjà sanctionné ou légitimé Macky Sall dans les urnes à plusieurs reprises. La justice, si elle est saisie, peut faire son travail. La communauté internationale, elle, décidera en toute souveraineté si un tel profil mérite sa confiance. 4. Ce que nous devons à l’ONU, c’est l’exigence, pas le mépris Plutôt que de diaboliser une candidature, engageons-nous à élever le débat sur ce que nous attendons réellement du futur Secrétaire général : un réformateur audacieux ? Un médiateur neutre ? Un avocat du Sud global ? Un diplomate expérimenté ? Si Macky Sall est candidat, jugeons-le sur un programme, une vision multilatérale, une capacité à rassembler, et non sur des accusations non encore établies par une instance compétente. L’Afrique mérite d’être présente dans ces débats, mais elle mérite aussi des citoyens capables de juger avec discernement. 🖋 Alioune Ndiaye Expert en développement international, auteur de l’essai à paraître : « Les clés du pouvoir mondial : diplomatie, justice et représentations »

Comments