Alioune NDIAYE Écrivain
June 6, 2025 at 10:24 PM
Les chroniques de la participation citoyenne
( 140 )
Un orchestre sans harmonie : Les défis de gouvernance de Bassirou Diomaye Faye et Ousmane Sonko
Depuis leur accession au pouvoir, Bassirou Diomaye Faye et Ousmane Sonko incarnent une volonté de transformation radicale de l’État sénégalais. Leur projet politique, porté par la promesse de rupture, ambitionne une gouvernance plus juste, plus efficace et plus souveraine. Pourtant, à l’image de chefs d’orchestre peinant à trouver de véritables musiciens, ils se heurtent à des difficultés dans la mise en place d’une équipe capable de traduire cette vision en actes. Pourquoi cette cacophonie alors que l’aspiration populaire au changement était si forte ? Plusieurs facteurs expliquent ce désaccord entre la partition écrite et son exécution.
1. Une sélection de collaborateurs marquée par un mauvais casting
L’un des premiers défis réside dans la sélection des membres du gouvernement et des hauts fonctionnaires chargés d’exécuter les réformes. Si le régime actuel a voulu rompre avec les pratiques du passé en privilégiant des profils jugés compétents et intègres, certains choix ont néanmoins suscité des interrogations. L’équilibre entre loyauté politique et compétence technique n’est pas toujours facile à atteindre.
Certaines nominations s’apparentent à un mauvais casting, où des personnes sans expérience avérée se retrouvent à gérer des portefeuilles stratégiques. L’exercice du pouvoir requiert non seulement une vision, mais aussi une connaissance approfondie des rouages administratifs et politiques. Lorsque ces éléments font défaut, les hésitations et les erreurs se multiplient, freinant l’action gouvernementale.
Des "erreurs de cantine" dans le choix de certains ministres et directeurs ont ainsi terni la dynamique de départ, créant des blocages et des critiques au sein même de la majorité présidentielle. L’absence d’anticipation dans certains arbitrages et la difficulté à identifier des profils immédiatement opérationnels ont contribué à une mise en œuvre laborieuse des réformes promises.
2. Une administration réticente au changement
La partition du changement est difficile à jouer lorsqu’une partie de l’orchestre rechigne à suivre le tempo. L’administration sénégalaise, souvent décrite comme un "État profond" aux logiques bien ancrées, peut constituer un frein aux réformes. Certains fonctionnaires, habitués à des pratiques héritées de décennies de gestion parfois opaque, opposent une résistance passive aux nouvelles directives.
Ce phénomène est aggravé par des intérêts corporatistes et des habitudes bureaucratiques qui ralentissent l’exécution des décisions. Pour que la transformation promise par le duo Faye-Sonko prenne forme, il ne suffit pas de changer les chefs d’orchestre : encore faut-il que les musiciens adoptent de nouveaux réflexes et acceptent de jouer une autre mélodie.
3. Une orchestration politique sous tension
Un autre facteur de dissonance réside dans la cohabitation entre les différentes sensibilités politiques au sein du gouvernement et de la coalition présidentielle. PASTEF, bien qu’ayant remporté l’élection, ne gouverne pas seul. Il doit composer avec des alliés et des technocrates qui ne partagent pas toujours la même vision ni les mêmes méthodes.
Le couple exécutif lui-même fonctionne sur une dynamique inédite : Bassirou Diomaye Faye est président, mais Ousmane Sonko, Premier ministre et véritable figure de proue du projet, incarne une force politique centrale. Cette dualité peut parfois entraîner des hésitations stratégiques ou des arbitrages complexes, rendant la symphonie gouvernementale moins fluide.
4. Une opinion publique exigeante et impatiente
Enfin, le temps politique ne suit pas toujours le rythme des attentes populaires. Après des années de promesses de rupture, une partie des électeurs de PASTEF espérait un changement immédiat et visible. Or, la transformation d’un État ne se fait pas en quelques mois. Cette impatience génère une pression supplémentaire sur le gouvernement, qui doit à la fois poser des bases solides et montrer des résultats concrets pour maintenir la confiance de l’opinion.
Vers une réharmonisation ?
Face à ces défis, le duo Faye-Sonko doit ajuster sa direction d’orchestre. Cela passe par un renforcement des capacités de ses équipes, une meilleure intégration des résistances internes dans la stratégie de réforme et un dialogue politique plus fluide avec les forces vives du pays. Un remaniement ministériel plus stratégique pourrait permettre de corriger certaines erreurs de casting et de repositionner les bons profils aux bons postes.
L’harmonie gouvernementale ne se décrète pas : elle se construit dans l’écoute, la rigueur et l’adaptation aux réalités du terrain. Le concert du changement est encore en rodage, mais la partition reste entre leurs mains. Reste à savoir s’ils parviendront à trouver les bons musiciens et à accorder l’ensemble pour une véritable symphonie nationale.
Alioune Ndiaye Expert en développement international Écrivain Militant de la Transformation Nationale