Alioune NDIAYE Écrivain
June 12, 2025 at 08:58 PM
*Les chroniques de la participation citoyenne* (121) *Quand la gestion des symboles devient un enjeu politique : Analyse de la polémique Guirassy–Sagna* La polémique née autour des dépenses de fonctionnement du ministère de l’Éducation nationale, révélée par Guy Marius Sagna et défendue par Moustapha Guirassy, dépasse la simple question d’achats d’équipements. Elle expose deux visions profondément différentes de la gouvernance publique dans un contexte de rupture politique attendue. Le débat pose des questions de fond sur la symbolique du pouvoir, la responsabilité budgétaire et la perception de l’éthique publique par les citoyens. 1. Une controverse révélatrice des attentes citoyennes Le peuple sénégalais, après des décennies de déceptions, est devenu extrêmement sensible à l'utilisation des deniers publics. L’élection récente d’un pouvoir dit de "rupture" a nourri une attente forte de sobriété et d’exemplarité. Dans ce contexte, chaque dépense, même légalement justifiée, devient un symbole politique fort. Guy Marius Sagna l’a bien compris : en dénonçant l'achat d'un tapis iranien ou de matériel de petit-déjeuner, il adresse un message clair aux citoyens : "Nous devons être des gestionnaires austères au service du peuple." 2. La défense technique de Guirassy : un argument administratif, mais pas politique De son côté, Moustapha Guirassy invoque la régularité administrative : budget validé, marché public respecté, nécessité d’assurer des conditions de travail dignes. Mais sur le plan politique et symbolique, son argumentaire semble insuffisant. Aujourd'hui, l’opinion publique n’attend pas seulement que les procédures soient respectées ; elle exige que chaque franc dépensé ait une valeur éthique, visible et justifiable aux yeux du citoyen ordinaire. En ce sens, Guirassy semble défendre l'ancien paradigme (l'État-fort qui dépense pour maintenir son apparat) face à un nouveau paradigme prôné par des figures comme Guy Marius Sagna (l'État humble, presque ascétique). 3. Derrière les équipements, un combat sur la définition du "nouveau Sénégal" Plus qu’une querelle sur un tapis ou un bureau, cette controverse interroge : Quel est le visage du "Sénégal nouveau" que les citoyens ont choisi en mars 2024 ? Quelle doit être la posture morale des nouveaux gouvernants ? En d’autres termes, la polémique est une bataille sur l'imaginaire politique : celui d'une élite réconciliée avec la simplicité, contre celui d'une continuité masquée par des discours de changement. 4. Les risques pour le pouvoir actuel À défaut d’une communication plus proactive et plus sensible aux attentes populaires, ce genre de polémiques peut devenir des points de cristallisation de la défiance. Même si juridiquement Guirassy a raison, politiquement, il donne du grain à moudre à ceux qui dénoncent une "rupture en trompe-l’œil". Le risque est donc double : Délégitimation progressive du nouveau pouvoir aux yeux de sa propre base populaire. Perte de contrôle du narratif par rapport à l’opposition ou aux voix critiques. Recentrer le débat sur les vraies priorités Si la rigueur budgétaire est un impératif moral dans le contexte sénégalais actuel, il est tout aussi vital de ne pas se laisser enfermer dans des polémiques secondaires. La véritable évaluation du changement attendu doit porter sur des chantiers de fond : réforme des programmes scolaires, amélioration des infrastructures éducatives, revalorisation du statut des enseignants. Moustapha Guirassy a donc un devoir : non seulement répondre, mais surtout montrer par des actes concrets que l'Éducation nationale est véritablement en train de devenir une priorité nationale. Alioune Ndiaye Expert en développement international Écrivain Militant de la Transformation Nationale Responsable Commission scientifique IBC Sénégal

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