
EuroScope : la chaîne sur l’Europe
May 23, 2025 at 10:42 AM
*RENOUVELLEMENT GÉNÉRATIONNEL : LA JEUNESSE AU CHEVET D’UNE AGRICULTURE EUROPÉENNE EN QUÊTE D’AVENIR*
Du seuil des fermes de Mazovie aux terrasses ensoleillées d’Alentejo, une même ombre s’étire : celle du temps qui passe sans relève assurée. Plus de la moitié des exploitants européens ont dépassé cinquante-cinq ans ; à peine un sur dix n’a pas encore quarante ans. Or, sans bras neufs, sans esprits audacieux, la terre se fige et les campagnes se taisent. Attirer, installer, retenir les jeunes ne relève plus du simple enjeu démographique : c’est la condition même de la sécurité alimentaire, de la transition écologique et du dynamisme rural. Pourtant, malgré quatre décennies d’efforts de la politique agricole commune, le fossé reste béant entre les ambitions proclamées et la réalité des cours de fermes où l’on guette l’héritier.
*LE VISAGE DE LA JEUNESSE AGRICOLE EN EUROPE*
À regarder les chiffres d’Eurostat, l’agriculture européenne ressemble à un grand-père affairé : trente-trois pour cent des chefs d’exploitation ont plus de soixante-cinq ans, quand ceux de moins de vingt-cinq ans forment un bataillon famélique. La carte révèle des contrastes cruels : sur l’île de Chypre ou dans l’arrière-pays portugais, la jeunesse agricole frôle la disparition ; en Autriche et en Pologne, elle demeure vivace, portée par des politiques de succession précoces et une appétence pour les circuits courts. Dans l’ensemble, les jeunes femmes restent minoritaires, bien qu’elles jouent souvent le rôle d’innovatrices, notamment dans l’agritourisme et les filières en vente directe.
*OBSTACLES SUR LE CHEMIN DES ASPIRANTS AGRICULTEURS*
Entrer en agriculture, c’est d’abord trouver un sol où enraciner son projet. Or la terre, objet de spéculations et de convoitises extra-agricoles, s’arrache à des prix qui dépassent les plafonds d’aides ; dans certaines régions néerlandaises, cent mille euros n’achètent guère qu’un demi-hectare. Puis vient le mur du crédit : faute d’historique bancaire et de garantie foncière, plus d’une demande de prêt sur deux émanant d’un jeune agriculteur est refusée. À cela s’ajoute un besoin aigu de savoirs mêlés : compétences technico-agronomiques, maîtrise du numérique, notions de marketing et de finance, sensibilité aux enjeux climatiques. Les formations existent, mais restent fragmentées, coûteuses ou éloignées. Enfin, le quotidien rural pèse : transports rares, connectivité défaillante, services de garde presque inexistants.
*LE DISPOSITIF COMMUNAUTAIRE : PROMESSES ET LACUNES*
La nouvelle PAC impose aux États membres de consacrer trois pour cent de leurs paiements directs aux moins de quarante ans : aide au revenu complémentaire, dotation à l’installation pouvant atteindre cent mille euros, majoration des taux de subvention aux investissements. Sur le papier, six virgule huit milliards d’euros européens, et deux milliards nationaux, irrigueront quelque trois cent quatre-vingt mille projets. Pourtant, la Cour des comptes européenne l’a rappelé : la générosité est mal ciblée, versée trop tard, inefficace face à la cherté foncière. Quant au programme LEADER, il améliore routes, cantines scolaires, maisons médicales ; il n’enraye pas à lui seul l’exode des plus diplômés.
*LA PERSPECTIVE D’UNE STRATÉGIE COMMUNAUTAIRE DE RENOUVELLEMENT*
Le Parlement a déjà réclamé une stratégie européenne dédiée, arguant qu’aucun empilement de dispositifs ne remplace un cap clair. La Commission promet de la dévoiler en 2025 : observatoire foncier, passerelles intergénérationnelles, clauses de préemption pour les jeunes, synergies avec la politique de cohésion, prêts bonifiés de la Banque européenne d’investissement — trois milliards annoncés, dont une enveloppe réservée à la jeunesse et aux projets verts. Reste à lever un tabou : faut-il un véritable « droit à la retraite » agricole, assorti d’un accompagnement-relais, pour libérer la terre et le bâti ? Faut-il, comme en Autriche, reconnaître formellement le rôle du successeur une décennie avant la cession, afin de sécuriser ses investissements ?
*VERS UN CONTRAT GÉNÉRATIONNEL RURAL*
Le défi dépasse la seule comptabilité des âges. Il s’agit d’un pacte sociétal où la ville accepte de payer le juste prix de l’aliment durable ; où l’Europe assume de protéger son sol de la financiarisation ; où les territoires ruraux retrouvent écoles, fibre optique et transports publics. Les jeunes qui reviennent au village portent souvent un bagage universitaire, une conscience écologique exacerbée et l’envie d’entreprendre autrement. Les priver de terre, de capital ou de filet de sécurité, c’est hypothéquer la souveraineté alimentaire de demain.
*CONCLUSION*
Sans jeunes semeurs, point de moisson. L’Union l’a compris, sans encore trouver la clef. Il faudra conjuguer réforme foncière, ingénierie financière, accès au savoir et revitalisation des campagnes, sous peine de voir certaines régions se transformer en musées agraires. Réussir le renouvellement générationnel, c’est offrir à l’agriculture européenne non pas une simple relève, mais une renaissance, où l’intelligence numérique côtoie la sagesse des sols vivants, et où chaque ferme, fût-elle modeste, devient un laboratoire d’avenir.
https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0743016721001972
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