EuroScope : la chaîne sur l’Europe
EuroScope : la chaîne sur l’Europe
May 23, 2025 at 10:57 AM
*UNE APPROCHE STRATÉGIQUE DE L’UE POUR LA MER NOIRE : VERS QUEL CAP GÉOPOLITIQUE ?* En juin 2024, le Conseil européen a enjoint la Commission et le Haut Représentant de forger une vision politique pour la mer Noire, théâtre d’un basculement géostratégique depuis l’invasion russe de l’Ukraine. Annoncée pour le 28 mai 2025, la communication conjointe proposera non pas une « stratégie » exhaustive, mais une « approche stratégique » de portée plus modeste. À l’heure où les équilibres navals s’érodent, où l’économie bleue cherche un souffle et où trois pays candidats (Ukraine, Moldavie, Géorgie) frappent à la porte de l’Union, l’ambition européenne doit conjuguer sécurité, connectivité et résilience tout en composant avec l’incontournable OTAN et la turbulence turque. *UNE RÉGION SOUS TENSION PERMANENTE* Point de jonction entre Europe, Caucase et Moyen-Orient, la mer Noire concentre voies énergétiques, câbles, céréales et corridors numériques. Depuis 2008, Moscou y orchestre une politique du fait accompli : pâtis armés en Abkhazie, Ossétie du Sud, Transnistrie, annexion de la Crimée, blocus maritime partiel, frappes sur les ports ukrainiens. Dans le même temps, Ankara, drapée dans la Convention de Montreux, affirme sa prééminence navale et durcit sa diplomatie des drones. Au-delà des canons, les attaques hybrides – cyber, désinformation, instrumentalisation migratoire – visent l’assise démocratique des riverains et de l’UE. *DE LA « SYNERGIE MER NOIRE » À L’APPROCHE STRATÉGIQUE* Lancée en 2007, la Synergie offrait un catalogue de politiques européennes – environnement, pêche, transport, énergie – sans calendrier ni financement dédié. Ses bilans successifs saluent quelques succès : recherche maritime, croissance bleue, réseaux de la société civile. Ils épinglent aussi des lacunes flagrantes : infrastructures, commerce durable, emploi. • La future communication entend re-déployer ces chantiers autour de trois faisceaux : SÉCURITÉ (liberté de navigation, protection des infrastructures, lutte contre les menaces hybrides), CONNECTIVITÉ (corridors énergétiques et numériques, extension du réseau transeuropéen de transport, Danube-Mer Noire) et PRÉPARATION (planification de crise, réponse aux catastrophes, dépollution militaire). • Elle ne comportera toutefois ni plan d’action chiffré, ni ressources supplémentaires, se reposant sur la mosaïque existante : instrument de voisinage, mécanisme d’interconnexion en Europe, fonds de cohésion, Facilité pour la reprise et la résilience. *LES ÉCUEILS D’UNE AMBITION RESTREINTE* Sans feuille de route opérationnelle, l’initiative risque de demeurer un manifeste sans boussole. Les capitales riveraines, Bulgarie et Roumanie en tête, espéraient un pilotage politique au niveau du Conseil, un suivi annuel et des moyens budgétaires fléchés vers la sécurité maritime et les liaisons énergétiques. Or le principe des « trois NON » – pas d’argent neuf, pas de structure nouvelle, pas de législation supplémentaire – bride l’effet de levier européen. Dans le même temps, l’élargissement avance : la Moldavie et l’Ukraine ont ouvert les négociations, la Géorgie s’en éloigne. Ignorer cette dynamique reviendrait à dissocier vision et réalité. *COOPÉRATIONS ET CONCURRENCES* L’UE doit articuler son approche avec : • L’OTAN, garante de la dissuasion conventionnelle ; • L’initiative des Trois-Mers, axe Nord-Sud d’interconnexion ; • L’organisation de coopération économique de la mer Noire (BSEC) et son assemblée, où la Russie conserve un siège ; • Le Danube, artère logistique essentielle pour l’Ukraine et pont naturel vers l’Adriatique. Parallèlement, la relation houleuse avec la Turquie – candidate en dormition, alliée de l’Alliance, rivale énergétique – exige un dialogue calibré : ni complaisance, ni confrontation stérile, mais une gestion pragmatique des interdépendances. *CONCLUSION* La mer Noire n’est plus un lac périphérique ; elle est la ligne de faille où se joue la sécurité continentale, l’accès aux marchés mondiaux et l’avenir de trois États candidats. En choisissant l’option minimale d’une « approche » sans plan-programme, l’Union prend le risque de sous-investir un théâtre décisif. Pour faire contre-poids aux ambitions russes et aux velléités d’autres puissances, elle devra, tôt ou tard, dépasser le registre déclaratoire : définir des objectifs vérifiables, engager des moyens communs, instaurer un mécanisme de suivi annuel et lier résolument sa politique maritime à l’agenda d’élargissement. Faute de quoi, l’horizon stratégique européen resterait brumeux, au moment même où les flots noirs réclament une boussole claire et des actes concrets. https://www.eeas.europa.eu/eeas/black-sea-synergy_en#92009 #mernoire #sécuritémaritime #approchestratégique #ue #euroscope
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