
EuroScope : la chaîne sur l’Europe
May 24, 2025 at 08:39 AM
*LE RAPPORT ANNUEL 2024 DE L’EBA : UNE BOUCLE DE RÉSILIENCE QUI REDESSINE LA CARTOGRAPHIE BANCAIRE EUROPÉENNE*
Le 21 mai 2025, l’Autorité bancaire européenne a levé le rideau sur la première partie de son rapport annuel 2024. Sous la surface aride des statistiques, le document révèle le dessein d’une Europe bancaire qui, face aux rafales géopolitiques, aux transitions climatiques et à la révolution numérique, forge un arsenal de résilience sans précédent. Avec plus de 93 % des tâches de son programme de travail exécutées, l’EBA trace, pièce après pièce, la fresque d’un système financier prêt à conjuguer solidité prudentielle, durabilité et innovation.
*RÉFORMES DE BÂLE III : DES FONDEMENTS PLUS PROFONDS*
L’année 2024 a vu l’EBA terminer la première vague de mandats liés au paquet bancaire CRR III/CRD VI : recalibrage du risque de crédit, nouveau standard de risque opérationnel, affûtage du FRTB pour le risque de marché et premier affinement du filet NSFR. Derrière l’aride technicité des RTS et ITS, se joue la capacité des banques européennes à encaisser des chocs de liquidité, de marché ou de contrepartie sans grever leur intermédiation. L’EBA révèle qu’après le durcissement de la courbe des taux, le ratio CET1 moyen a tenu autour de 16 %, tandis que la marge nette d’intérêt a gonflé de 14 % – un coussin idéal pour absorber la future mise en œuvre du « output floor ».
*SINGLE RULEBOOK : VERS UNE TAPISSERIE SANS SACS DE NŒUDS*
La mosaïque règlementaire s’unifie : 38 lignes directrices et normes techniques ont été publiées ou mises en consultation sur l’année, couvrant gouvernance, rémunération, empilement des coussins MREL/TLAC, et achèvement de la cartographie des risques ESG. L’autorité a, pour la première fois, passé au crible les plans de transition climatique des banques, fixant des jalons quantifiables de décarbonation et exigeant des scénarios vérifiables – tournant historique qui fera du dialogue superviseur–banque un terrain de vérité industrielle. En parallèle, la révision ciblée de la SREP guidée par la proportionnalité allège la charge administrative de 1 200 petites banques tout en renforçant le contrôle des pratiques de marché des conglomérats.
*RAPPORT DE RISQUE : DU DIAGNOSTIC AU STÉTHOSCOPE NUMÉRIQUE*
Dans ses dossiers de printemps et d’automne, l’EBA dresse le profil d’un secteur dont la rentabilité pré-provision atteint 10,1 %, mais où la pression sur les valeurs immobilières commerciales et la normalisation des défauts d’entreprises laissent planer une ombre : l’encours de créances classées « stage 2 » a augmenté de 9 %, signe de stress larvé. Pourtant, le ratio NPL net fléchit encore sous 1,9 %, grâce aux ventes accélérées de portefeuilles et aux plateformes nationales de défaisance. L’EBA avertit néanmoins : la fragmentation des cadres d’insolvabilité continue de gonfler les délais d’exécution de garantie (de trois à huit ans selon les États), d’où son appel à une convergence judiciaire pour éviter une vague de pertes « open market ».
*STRESS TESTS : DU CARBONE À LA CAPSULE DE SURVIE MACROFINANCIÈRE*
Après l’exercice 2023 centré sur la hausse des taux, l’EBA a préparé le stress test 2025 en hybridant module classique à trois ans et premier module climatique intégré : les banques simuleront, pour la branche crédit et marchés, le cumul d’un choc tarifaire mondial, d’un effondrement de 35 % des prix de l’immobilier tertiaire et d’un scenario « Run-on-Brown » où les émetteurs carbones perdent l’accès au financement. La simulation Fit-for-55 menée en 2024 montre que, si ce double choc se matérialisait, le Produit Intérieur Brut européen reculerait de 0,7 % d’ici 2028 et le ratio CET1 sectoriel se tasserait de 110 points de base – un impact contenu mais qui dépendra de la rapidité de la taxonomie verte à réorienter l’épargne.
*DORA & MICA : L’ARCHITECTURE CYBER-NUMÉRIQUE PREND FORME*
2024 fut l’année-pilote de la résilience numérique. Avec DORA, l’EBA et ses consœurs ESMA/EIOPA ont bâti la première direction conjointe chargée du contrôle des prestataires critiques de cloud, équipant l’UE d’un « radar » transfrontière capable de déceler dérives de service et incidents systémiques en moins de 24 heures. Les exercices de coordination cyber EU-SCICF, testés sur 120 établissements, ont validé la circulation de journaux d’incident harmonisés. Sur le front crypto, MiCAR place l’EBA en superviseur direct des émetteurs de jetons significatifs ; 23 dossiers d’autorisation d’ART et d’EMT sont déjà en pré-analyse, annonçant une phase où l’examen des réserves de liquidité en monnaie centrale deviendra la pierre de touche de la confiance dans les stablecoins européens.
*DATA STRATEGY : EUCLID MUE EN CONSTELLATION INTELLIGENTE*
Sous le capot, EUCLID absorbe désormais 9 500 datapoints par trimestre pour 123 banques ; l’intégration progressive de la plateforme aux normes DPM 2.0 et l’alignement avec le futur ESAP posent les bases d’un « marché unique de la donnée prudentielle ». 2024 aura vu la mise en production du premier « Pillar 3 data-hub » pilote : six groupes bancaires transmettent déjà leurs rapports climat, liquidité et MREL en format machinable, prémices d’une transparence temps réel promise pour 2027.
*AML/CTF : LE VIRAGE VERS L’AUTORITÉ ANTI-BLANCHIMENT EUROPÉENNE*
En attendant l’entrée en fonction d’AMLA, l’EBA a bouclé le dernier cycle d’évaluations de 40 superviseurs nationaux ; EuReCA, son registre européen des failles AML, dépasse 2 500 signalisations, permettant de repérer les scénarios émergents (dettes tokenisées non conformes, faux IBAN virtuels). Les nouvelles lignes directrices sur la « travel rule » et la gestion des sanctions offrent un gabarit de contrôles internes qui deviendra dès 2026 le standard imposé par AMLA.
*PROTECTION DU CONSOMMATEUR : VERS UNE ÉTHIQUE DES ALGORITHMES*
La montée des plateformes IA génératives a poussé l’EBA à élargir la grille d’analyse comportementale : après avoir radiographié les pratiques de scoring des prêteurs non bancaires, l’autorité dévoile ses premières lignes rouges sur l’intelligence artificielle, invitant les banques à tester leurs modèles pour biais systémiques et à instaurer un « comité d’éthique » rendant compte aux conseils d’administration. Dans le même temps, la surveillance des commissions de transfert instantané, inaugurée par l’IPR, promet une baisse des frais de virement de 27 % dès 2026.
*STAKEHOLDER ENGAGEMENT : UNE CONCERTATION SANS ÉCLATS MAIS SANS RÉPIT*
Plus de 1 300 rencontres bilatérales et 300 événements publics ont nourri la boucle de rétroaction entre l’EBA, la société civile, les universitaires et les établissements. L’édition 2024 de la Consumer Protection Day, consacrée à l’accès équitable à la finance numérique, a souligné la responsabilité des fintechs dans l’inclusion et la sécurité de données.
*CONCLUSION*
Le rapport annuel 2024 de l’EBA n’est ni une simple compilation d’indicateurs ni une litanie de sigles ; il est le récit d’une Europe bancaire qui, plutôt que de plier sous les vents contraires, a renforcé chaque rivet de sa coque : exigences de fonds propres affinées, muraille numérique consolidée, monitoring climatique anticipé, gouvernance vert-éthique. L’année 2025 verra la mise en orbite du « stress test hybride », le premier contrôle de l’arsenal cyber-cloud, l’alignement juridique de PSD3/PSR et la passation définitive du flambeau AML à l’AMLA. Mais déjà, la trajectoire est tracée : faire de la finance européenne une force tranquille, armée pour protéger l’épargne, irriguer l’économie réelle et guider la transition verte, tout en garantissant que la technologie – de l’IA aux registres distribués – demeure l’alliée, non la faille, de la stabilité.
https://www.eba.europa.eu/sites/default/files/2025-05/c0d3817e-da24-42fc-b991-b7d446b2e941/2024%20Annual%20Report_Part%201.pdf
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