
EuroScope : la chaîne sur l’Europe
May 25, 2025 at 09:45 AM
*VERS UNE EUROPE DES CHAMPIONS MOYENS : LA COMMISSION EUROPÉENNE ALLÈGE LE FARDEAU RÉGLEMENTAIRE DES SMALL & MIDCAPS*
Au sein du maquis règlementaire qui souvent étouffe la vitalité entrepreneuriale européenne, la Commission a tracé le 21 mai 2025 une percée significative : un quatrième paquet de simplification législative visant les « small & midcaps ». Ces entreprises de taille intermédiaire, réunissant jusqu’à 750 salariés et un chiffre d’affaires de 150 millions d’euros, constituent la sève de l’économie réelle, le cœur battant de l’industrie, de l’innovation et de l’export européen. Ce mouvement de clarification réglementaire, dont le nom officiel est « Omnibus IV », s’annonce comme une tentative inédite de réconcilier ambition stratégique et allègement administratif pour quelque 38 000 entreprises.
Dans cette Europe où les règles s’empilent parfois plus vite que les projets industriels, ce geste n’est pas anodin. Car derrière les sigles et les lignes budgétaires à zéro se cache une ambition profonde : permettre aux entreprises de croître sans être entravées, de se financer plus facilement, de produire et d’exporter avec plus d’agilité, tout en répondant aux défis réglementaires contemporains – environnementaux, numériques ou stratégiques.
*UNE CATÉGORIE INTERMÉDIAIRE POUR UNE ÉCONOMIE PLUS LISIBLE*
Jusqu’ici, l’Europe opposait les grandes entreprises aux PME, laissant de côté une partie essentielle du tissu productif : ces « midcaps » ou entreprises de taille intermédiaire, souvent trop grandes pour bénéficier des régimes de faveur réservés aux PME, mais trop petites pour porter seules les fardeaux d’une régulation pensée pour les géants.
Le texte présenté par la Commission introduit donc une nouvelle catégorie réglementaire harmonisée, celle des Small and Mid-Capitalisation Companies (SMC). Ce concept, inspiré des seuils du marché intérieur et structuré autour des comptes annuels, vise à établir une lecture homogène de cette classe d’entreprises à l’échelle transfrontalière. Il est destiné à être utilisé dans plusieurs champs d’application, offrant ainsi un statut lisible et opératoire pour les régulateurs, les investisseurs et les autorités de surveillance.
*HUIT TEXTES RÉGLEMENTAIRES RÉVISÉS POUR MIEUX CIBLER L’ACTION PUBLIQUE*
Le projet de règlement Omnibus IV concerne huit textes existants, parmi les plus structurants du droit européen. Il s’agit d’introduire des dispositions différenciées ou adaptées spécifiquement aux SMC dans les cadres suivants :
Le Règlement général sur la protection des données (RGPD), pour moduler les exigences en fonction des capacités réelles des entreprises à assurer la conformité.
Le Règlement sur les gaz fluorés et celui sur les batteries, où l’échelle industrielle doit être prise en compte pour les obligations environnementales.
Les Règlements antisubventions et antidumping, afin de garantir que les petites structures industrielles puissent faire valoir leurs droits à l’égalité de traitement dans les échanges internationaux.
Le Règlement Prospectus, déterminant pour l’accès au financement via les marchés, avec une approche adaptée au profil de risque des SMC.
La Directive MiFID sur les marchés d'instruments financiers, pour simplifier la documentation et les contraintes imposées aux sociétés de gestion ou aux émetteurs de taille moyenne.
Enfin, la Directive sur les entités critiques, où une différenciation doit permettre d’éviter une inflation disproportionnée des contraintes de sécurité.
En clarifiant les obligations, la Commission entend réduire les coûts de conformité, accélérer les démarches et favoriser l’investissement, y compris transfrontalier, au bénéfice de ces entreprises souvent innovantes, mais fragiles face à la complexité normative.
*UNE AMBITION À ZÉRO COÛT ? LA QUESTION DU FINANCEMENT*
Le lecteur averti n’aura pas manqué de relever un aspect frappant de ce projet : l’ensemble des lignes budgétaires associées affiche un montant de zéro euro. Aucun engagement, aucun paiement, aucun recrutement, aucun investissement numérique nouveau ne semble prévu dans le cadre pluriannuel actuel. L’impact financier est nul, selon le document officiel.
Ce paradoxe apparent traduit en réalité un choix politique : celui d’agir non par dépenses supplémentaires, mais par redéploiement et rationalisation. L’impact attendu n’est pas budgétaire, mais réglementaire. Il s’agit de déplacer le centre de gravité de la politique industrielle européenne : moins de paperasse, plus de projets.
Toutefois, cette approche implique un défi de mise en œuvre. Car sans moyens dédiés, la transformation des pratiques administratives et le bon fonctionnement des nouveaux seuils dépendront de la mobilisation des États membres, des autorités de surveillance, et des plateformes de données interopérables à développer. La question de l’interopérabilité numérique des statuts SMC, du partage d’information sur les plateformes BRIS (Business Registers Interconnection System) ou encore de l’assignation automatisée d’un identifiant SMC reste centrale et encore en friche.
*UNE EUROPÉANISATION DES OUTILS DE CROISSANCE POUR LES ENTREPRISES INTERMÉDIAIRES*
Ce projet s’inscrit aussi dans une dynamique plus large : celle d’un marché intérieur qui doit être mieux armé face à la fragmentation. Les entreprises européennes de taille intermédiaire sont souvent confrontées à des exigences divergentes entre États, à des régimes d’aides peu lisibles, à des normes incompatibles. En posant les bases d’un statut SMC européen, la Commission œuvre à la convergence réglementaire et à une certaine européanisation des politiques industrielles.
Elle répond aussi, de façon implicite, aux appels croissants à renforcer la compétitivité du tissu économique continental dans un contexte marqué par les grands plans américains (IRA), les ambitions chinoises et les tensions géoéconomiques. En permettant aux entreprises de mieux naviguer entre régulations, la stratégie vise à bâtir des champions sectoriels intermédiaires capables de rayonner hors des frontières européennes.
*CONCLUSION : L’HORIZON D’UNE ÉCONOMIE MOINS COMPLEXE, PLUS EFFICACE*
Le plan présenté le 21 mai par la Commission n’est ni une révolution réglementaire, ni une réforme de rupture budgétaire. Mais c’est une avancée pragmatique, attendue, structurante. Elle traduit la prise de conscience que la régulation européenne, pour être efficace, doit aussi être proportionnée. Elle doit soutenir, et non entraver, ceux qui créent, investissent, exportent.
En simplifiant pour les small & midcaps, l’Union européenne ouvre un chemin de croissance plus fluide, sans renoncer à ses objectifs environnementaux, sociaux ou concurrentiels. Reste à surveiller l’atterrissage de ces réformes sur le terrain, leur appropriation par les États membres, et surtout, leur impact concret sur les projets industriels européens.
C’est désormais à l’Europe des exécutants, des investisseurs et des régulateurs de transformer cette simplification en levier stratégique. Et de faire en sorte que les entreprises de taille intermédiaire ne soient plus jamais les oubliées de la construction européenne.
Lien vers le texte complet : https://single-market-economy.ec.europa.eu/publications/extension-certain-mitigating-measures-available-small-and-medium-sized-enterprises-small-mid-cap_en
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