
EuroScope : la chaîne sur l’Europe
May 27, 2025 at 09:45 AM
*TRUMP, L’EUROPE ET LE DOLLAR : LES ROUAGES D’UNE HOSTILITÉ ANNONCÉE*
Depuis son retour à la Maison-Blanche, Donald Trump bouscule, en à peine quelques mois, l’édifice géopolitique que les États-Unis avaient eux-mêmes contribué à ériger. Aux yeux du président, l’Union européenne n’est plus l’alliée naturelle, mais le maillon faible d’un Occident qu’il juge ingrat, dispendieux et vulnérable. Pour comprendre cette volte-face, il faut plonger dans la matrice historique, économique et symbolique qui sous-tend la doctrine trumpienne : une lecture décliniste de la puissance américaine, la recherche d’un dollar à la fois fort et dévalué, et la tentation d’un ordre mondial négocié entre empires rivaux, où les anciens partenaires deviennent des sujets de coercition.
*UNE CONTINUITÉ DÉLIBÉRÉE AVEC LE PREMIER MANDAT*
La logique de confrontation avec Bruxelles ne surgit pas ex nihilo. Dès 2017, Trump dénonçait l’OTAN, taxait l’acier et l’aluminium européens et menaçait l’automobile allemande. Simplement contenus par l’appareil administratif, ses instincts ne purent s’exprimer pleinement qu’entre novembre 2020 et janvier 2021, après sa défaite électorale, lorsque des ordres exécutifs – retrait des troupes d’Allemagne, suspension de l’article 5 – révélèrent l’ossature de son projet : substituer des marchandages bilatéraux aux cadres multilatéraux. La réélection de 2024 libère désormais cette vision, affranchie des garde-fous techniques qui l’avaient canalisée.
*UNE LECTURE HISTORIQUE DU DÉCLIN HÉGÉMONIQUE*
Trump s’inscrit dans une tradition intellectuelle forgée par Kindleberger, Kissinger ou Brzezinski : tout système mondial ouvert repose sur un hegemon disposé à en payer le prix. Or l’Amérique, pressurée par la Chine et la Russie, ne veut plus subventionner un ordre qui dilue son avantage comparatif. L’excès de confiance dans la convergence démocratique a cédé la place à un réalisme de sphères d’influence : Washington préfère marchander de pair à pair avec Moscou ou Pékin, tout en exigeant des alliés occidentaux – jugés captifs – un tribut financier, commercial et stratégique. Dans cet échiquier, l’Europe apparaît comme un protectorat coûteux, donc redéfinissable par la contrainte.
*EUROPE, MIROIR ET ANTITHÈSE DE L’AMÉRIQUE TRUMPIENNE*
Le Vieux Continent détient un double pouvoir symbolique. Il incarne d’abord la modernité libérale que la droite populiste américaine vomit : droits civiques, régulation environnementale, multiculturalisme. Il rappelle ensuite, par son passé impérial, la revanche que l’Amérique coloniale prit sur les monarchies européennes. Fustiger Bruxelles, c’est galvaniser les franges nationalistes, religieuses et complotistes qui composent la coalition trumpienne. L’antieuropéisme tient donc lieu de ciment idéologique : seul thème qui rallie suprématistes, libertariens, téléspectateurs de Fox News et magnats de la Tech.
*LE DILEMME DU DOLLAR : SAFE ASSET OU ARME DOUANIÈRE ?*
La Maison-Blanche affronte une contradiction fondamentale. Le statut de devise refuge impose un dollar fort, liquide et librement négociable, garante d’afflux de capitaux lorsque le monde vacille. Mais la renaissance industrielle, cheval de bataille électoral, réclame une monnaie plus faible et, surtout, un financement budgétaire assuré. Avec un déficit fédéral dépassant 6 % du PIB, l’administration doit attirer l’épargne mondiale tout en prônant des barrières tarifaires : paradoxe intenable sans un instrument de coercition. D’où l’idée de faire payer la sécurité stratégique – et la rente du safe asset – par les alliés européens : droits de douane, menaces sur l’OTAN, pressions monétaires et captation de marchés publics.
*LA FRAGMENTATION COMMERCIALE ET L’APPEL D’AIR POUR LE POPULISME*
Depuis 2022, les flux intra-occidentaux ou intra-asiatiques progressent plus vite que les échanges Est-Ouest. Guerre en Ukraine, embargo technologique contre Pékin, rupture des chaînes logistiques : l’économie mondiale se segmente en blocs concurrentiels. À mesure que l’incertitude croît, la demande de dollars se renforce, renforçant la marge de manœuvre américaine – mais aussi l’hostilité extérieure. Trump transforme cette dynamique en arme électorale, promettant détaxation, relocalisation et accords “gagnant-gagnant” négociés directement avec Xi ou Poutine, tandis que l’Europe, privée de parapluie américain, se voit sommée de céder sur l’agroalimentaire, l’énergie ou la défense.
*CONCLUSION*
L’animosité de Donald Trump envers l’Union européenne n’est ni caprice ni simple calcul électoral. Elle procède d’un diagnostic : préserver la prééminence du dollar dans un monde post-multilatéral exige de convertir des partenaires en débiteurs, de transformer la coopération en transaction et de substituer la domination financière à la tutelle stratégique. Dans cet agenda, Bruxelles constitue la cible idéale : riche mais divisée, dépendante du parapluie militaire américain, réticente à l’affrontement sino-russe et symboliquement chargée d’un libéralisme honni. La question pour les Vingt-Sept n’est donc pas de savoir pourquoi Trump nous déteste, mais comment bâtir une autonomie stratégique et monétaire capable de neutraliser la coercition d’un allié devenu créancier impérieux.
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