EuroScope : la chaîne sur l’Europe
EuroScope : la chaîne sur l’Europe
May 29, 2025 at 02:00 PM
*LA CLAUSE DE DÉROGATION DU PACTE DE STABILITÉ À L’ÉPREUVE DE LA CRISE DU LOGEMENT EN EUROPE* Depuis les faubourgs gentrifiés d’Amsterdam jusqu’aux ruelles populaires d’Athènes, un même malaise s’élève : se loger est devenu un privilège. En moins d’une décennie, la flambée des loyers et la raréfaction de l’offre ont transformé le toit en produit spéculatif, déstabilisant le contrat social dont l’Union européenne s’enorgueillit depuis soixante-quinze ans. Quinze grandes métropoles – de Barcelone à Zagreb, de Lisbonne à Rome – ont donc saisi la plume, le 15 mai 2025, pour adresser à Bruxelles un plan d’action audacieux : activer la clause dérogatoire nationale du Pacte de stabilité et de croissance afin de financer, hors procédure de déficit excessif, un New Deal du logement. L’enjeu : 80 milliards d’euros sur dix ans pour bâtir 200 000 logements neufs, rénover un million d’unités existantes et, surtout, restaurer la promesse européenne d’une ville ouverte, inclusive et durable. *LE LOGEMENT, NOUVEL ÉCLAIRCIE OU NOUVEAU FRONT SOCIAL* Depuis la crise financière de 2008, la courbe des prix immobiliers s’est cabrée comme un étalon rétif : +55 % entre 2015 et 2024 selon Eurostat, tandis que les salaires piétinaient. Désormais, un citadin sur dix consacre plus de 40 % de ses revenus à son loyer ; chez les jeunes actifs, l’autonomie résidentielle ressemble à une chimère. Le logement n’est plus un simple marché, il devient la ligne de fracture de la cohésion européenne : fragmentation territoriale, exode quotidien vers les périphéries, émissions de CO₂ accrues par des déplacements contraints, précarisation des classes moyennes et fièvre populiste. *LE PACTE DE STABILITÉ : DU CARCAN BUDGÉTAIRE AU LEVIER ANTI-CRISE* Révisé en 2024, le Pacte de stabilité permet déjà de soustraire certaines dépenses militaires aux critères de déficit. Les maires proposent d’étendre cette souplesse aux investissements locatifs sociaux, arguant que l’urgence résidentielle menace tout autant la sécurité collective que l’instabilité géopolitique. Activer la clause dérogatoire offrirait un corridor financier aux États pour relancer la construction publique sans craindre la foudre des marchés. L’arbitrage sera politique : jusqu’où l’Union acceptera-t-elle de redessiner son orthodoxie budgétaire pour préserver le bien-être de ses citoyens ? *LE PLAN DES MÉTROPOLES : UNE STRATÉGIE EN TROIS PILIERS* Les édiles plaident d’abord pour un indicateur commun apte à qualifier les « zones urbaines en tension » : croissance des loyers supérieure à l’inflation, taux d’inoccupation bas, sursollicitation des listes d’attente pour un logement social, prolifération des meublés touristiques. Ensuite, ils exigent une réforme du régime des aides d’État afin que les municipalités puissent subventionner massivement la pierre sans tomber sous le coup du droit de la concurrence. Enfin, ils réclament un guichet d’investissement européen de 300 milliards d’euros – dont un tiers en subventions – destiné à verdir le parc bâti, soutenir les rénovations thermiques et geler les « passoires énergétiques » dans un cercle vertueux où l’économie d’énergie finance l’équité sociale. *DES CHIFFRES QUI CLAQUENT COMME DES DRAPEAUX* À court terme : 80 milliards mobilisables sur dix ans, soit 8 milliards par an, équivalant à un demi-point de PIB européen. À moyen terme : combler un déficit d’investissement estimé par la Banque européenne d’investissement à 270 milliards annuels. Le multiplicateur keynésien est séduisant : chaque milliard injecté dans le logement social génère, selon l’OCDE, 19 000 emplois directs et indirects, réduit la facture énergétique des ménages de 15 % et accroît la productivité urbaine par la proximité domicile-travail. *RÉFORMER LES AIDES D’ÉTAT : VERS UN « SERVICE D’INTÉRÊT ÉCONOMIQUE GÉNÉRAL » DU FOYER* Aujourd’hui, seuls quelques pays – France, Pays-Bas, Autriche – disposent d’opérateurs à but non lucratif capables de lever de la dette longue à coût réduit. Les maires demandent une harmonisation européenne : reconnaître le logement abordable comme un Service d’intérêt économique général et autoriser les collectivités à octroyer des garanties financières sans procédure lourde à Bruxelles. Ce changement serait l’équivalent, pour le logement, de la révolution qu’a représentée la Politique agricole commune pour la nourriture. *MESURER LA TENSION POUR MIEUX AGIR* Instaurer un baromètre paneuropéen de la pression locative permettra de déclencher automatiquement des aides ciblées : bonus fiscal aux bailleurs pratiquant des loyers modérés, moratoire sur les plateformes de courte durée, droit de préemption renforcé au profit des offices publics. La donnée devient alors le combustible de la décision : elle éclaire les flux migratoires intra-européens, détecte l’évaporation du parc locatif et révèle les poches de spéculation. *BRUXELLES À L’HEURE DES CHOIX* La nouvelle commissaire au Logement et à l’Énergie, le Danois Dan Jørgensen, s’est déclaré prêt à « explorer toutes les marges de flexibilité » pour soutenir la cohésion urbaine. Mais plusieurs États frugaux s’inquiètent d’un précédent budgétaire qui ouvrirait la porte à d’autres exemptions sectorielles. Les débats autour du cadre financier pluriannuel 2028-2034 seront donc décisifs : inscrire le logement comme cinquième pilier de l’État-providence, au même rang que l’éducation ou la santé, ou maintenir la politique résidentielle dans la périphérie des compétences communautaires. *PERSPECTIVES : AU-DELÀ DU BÉTON, LE LIANT SOCIAL* Rénover une façade, c’est ralentir le changement climatique ; mais rénover un bail, c’est retisser la confiance. Le plan des quinze métropoles rappelle que l’Europe n’est pas seulement un marché intérieur : c’est un espace de dignité partagée. En requalifiant le logement en service public stratégique, l’Union peut apaiser les colères, fluidifier la mobilité des travailleurs, attirer les talents dans des cités accessibles, tout en abaissant ses émissions. À l’inverse, laisser la crise s’enkyster reviendrait à scier la poutre maîtresse de la maison européenne. *CONCLUSION* Il fut un temps où le mot « asile » signifiait d’abord « foyer ». En convoquant la clause dérogatoire du Pacte de stabilité, les capitales régionales rappellent à Bruxelles que l’économie doit demeurer au service de l’hospitalité. Acceptons, pour un temps, de desserrer le carcan comptable : les budgets publics y perdront des points de déficit, mais l’Europe y gagnera des briques de concorde. Car un continent qui n’offre plus de toit à sa jeunesse se condamne à l’exil intérieur ; un continent qui investit dans la chaleur d’un logis rallume la flamme de l’appartenance. https://aeur.eu/f/guy #euroscope #crisedulogement #pactedestabilité #logementabordable #politiquesurbaines https://buymeacoffee.com/euroscope

Comments