EuroScope : la chaîne sur l’Europe
EuroScope : la chaîne sur l’Europe
June 1, 2025 at 01:00 PM
*FONDS POUR L’INNOVATION : L’UNION EUROPÉENNE ASSIÉGÉE PAR LES PORTEURS DE PROJETS NET ZÉRO* Il est des marées invisibles qui, par leur seule puissance, annoncent le changement d’époque. Le 14 mai 2025, la Commission européenne a révélé que trois-cent-soixante-treize idées d’envergure avaient franchi la ligne de dépôt des deux appels 2024 du Fonds pour l’Innovation. Jamais, depuis la création de ce mécanisme alimenté par les recettes des quotas carbone, l’appétit entrepreneurial pour les technologies propres n’avait culminé à un tel sommet. Avec seulement 3,4 milliards d’euros disponibles – somme déjà considérable en elle-même – Bruxelles se retrouve devant un excès de désir de plus de vingt milliards. Un signe, peut-être, que la transition n’est plus un slogan mais une ruée vers l’or vert. *UN AFFLUX HISTORIQUE DE CANDIDATURES* Sur les 359 propositions déposées pour le volet « technologies zéro émission nette », les porteurs réclament 21,7 milliards d’euros, soit plus de neuf fois le budget. La palette couvre tout le spectre de la décarbonation industrielle : procédés sidérurgiques à hydrogène, production d’ammoniac vert, valorisation de chaleur fatale, matériaux de construction bas carbone, électrolyseurs de nouvelle génération, captage et stockage du carbone, réseau de bornes de recharge haute puissance, ou encore batteries stationnaires au sodium. En coulisse, l’agence exécutive CINEA dresse déjà la carte d’Europe : près d’une centaine de projets se concentrent dans le triangle Rhénan, l’Italie du Nord et la façade ibérique, tandis que la Scandinavie, riche en électricité décarbonée, revendique de vastes électrolyseurs et aciéries pilotes. *LE FONDS POUR L’INNOVATION : LEVIER FINANCIER ET OUTIL CLIMATIQUE* Financé par quelque 450 millions de quotas du Système d’échange de droits d’émission (ETS) mis aux enchères entre 2020 et 2030, le Fonds dispose d’un flux pluriannuel dont le volume varie avec le prix du carbone : chaque hausse de dix euros sur la tonne de CO₂ ajoute plus de quatre milliards d’euros de ressources potentielles. Son principe cardinal est le soutien à la première mise sur le marché, en complément d’autres instruments européens (LIFE, Horizon Europe, InvestEU). Les subventions couvrent jusqu’à 60 % du surcoût d’investissement et peuvent être versées par étapes en fonction de jalons vérifiés. Les dossiers sont jugés selon cinq critères : réduction absolue des émissions sur dix ans, caractère innovant, maturité technique et financière, potentiel de déploiement à grande échelle, efficience du coût par tonne évitée. *LE NET-ZERO TECHNOLOGIES CALL : NEUF FOIS SUR-SOUSCRIT* L’excès de demandes dépasse largement les précédentes vagues : en 2021, le ratio candidatures/budget n’était « que » de quatre pour un. Cette année, l’effet d’entraînement de la loi européenne sur l’industrie zéro émission nette – le Net-Zero Industry Act − stimule les consortiums qui veulent consolider leur compétitivité face au crédit d’impôt américain de l’Inflation Reduction Act. La filière de l’hydrogène, par exemple, présente des projets totalisant plus de cinq gigawatts d’électrolyse, tandis que la chimie verte propose des bioraffineries capables de transformer des déchets agricoles en carburants aéronautiques durables. *UN PREMIER APPEL DÉDIÉ AUX CELLULES DE BATTERIES EUROPÉENNES* L’autre appel, doté d’un milliard d’euros, cible pour la première fois la seule fabrication de cellules de batteries pour véhicules électriques. Quatorze propositions, réparties sur huit États membres, demandent déjà 1,6 milliard. À l’heure où l’Europe dépend encore de l’Asie pour 70 % de ses cellules, l’enjeu va au-delà de la simple décarbonation du transport : il s’agit de sécuriser le maillon industriel qui nourrira la filière automobile pendant trois décennies et d’endiguer les pertes d’emplois dans les fonderies traditionnelles. Quelques candidatures se distinguent : un projet de solid-state en Bavière, une ligne de lithium-fer-phosphate en Espagne, un démonstrateur sodium-ion en France et un hub d’assemblage modulaire en Pologne, prêt à se coupler avec des gigafactories de recyclage. *L’ÉVALUATION : UN PARCOURS À HAUT RISQUE* Les experts indépendants mandatés par la Commission disposent de quatre mois pour cribler la cohérence financière, la faisabilité et la gouvernance de chaque proposition. Viendra ensuite la phase de due diligence : vérification des autorisations d’urbanisme, de l’accès aux réseaux, du modèle d’affaires et du calendrier d’approvisionnement. Les lauréats devraient être notifiés à l’automne 2025, puis entrer en négociation de convention de subvention jusqu’au printemps 2026. Or la volatilité du marché du carbone, la flambée des taux d’intérêt et la concurrence pour les terres rares pourraient bouleverser les plans d’investissement. La Commission encourage donc les porteurs à couvrir au moins 30 % de leur CAPEX par capitaux propres et à verrouiller dès maintenant leurs chaînes de sous-traitance. *VERS UNE CARTOGRAPHIE CONCERTÉE DES AIDES EUROPÉENNES* Les appels 2024 ne se déroulent pas en vase clos. Ils croisent l’enchère hydrogène de 1,2 milliard d’euros lancée le même jour, la révision du cadre temporaire des aides d’État pour la transition, le fléchage de 3 % du budget InvestEU vers la production de technologies critiques et les accords industriels verts (Clean Transition Dialogues) que la Commission négocie avec l’acier, le ciment et la chimie. L’objectif est clair : éviter la dispersion des subventions, concentrer les volumes d’électrons et d’innovation, et offrir aux investisseurs la visibilité nécessaire sur quinze ans. *CONCLUSION* Jamais l’Europe n’avait reçu une telle rafale d’offres pour bâtir la société décarbonée. Les 373 dossiers déposés ne sont pas seulement des demandes de financement ; ils témoignent d’une soif de transformation industrielle, d’un besoin de souveraineté face aux chocs géopolitiques et d’un engagement collectif à écrire une nouvelle page de l’histoire énergétique. Il reste au Fonds pour l’Innovation à séparer l’or du sable, à choisir les projets les plus prometteurs sans brider l’élan créatif. Si le tri est juste et rapide, l’automne 2025 pourrait sonner l’aube d’une décennie où fours électriques, gigafactories et pipelines d’hydrogène redessineront la carte européenne comme naguère les grandes cathédrales redessinèrent le ciel des villes médiévales. https://ec.europa.eu/info/funding-tenders/opportunities/portal/screen/programmes/innovfund #euroscope #innovationfund #technologiespropres #netzero #batteries #ets https://buymeacoffee.com/euroscope

Comments