EuroScope : la chaîne sur l’Europe
EuroScope : la chaîne sur l’Europe
June 2, 2025 at 07:48 PM
*SANCTIONS EUROPÉENNES CONTRE LA RUSSIE : DU DIX-SEPTIÈME AU DIX-HUITIÈME PAQUET, CHRONIQUE D’UNE PRESSION TOTALE* Le 20 mai 2025, à Bruxelles, les vingt-sept ont réaffirmé d’une seule voix leur volonté de contenir l’effort de guerre russe : un dix-septième train de sanctions, forgé par la Commission et approuvé à l’unanimité, prolonge la ligne de fermeté inaugurée dès février 2022. Alors même que les premières chaleurs de l’été s’installent sur le continent, les chancelleries peaufinent déjà un dix-huitième paquet, décidé à sceller le sort des gazoducs Nord Stream 1 et 2 sabordés en 2022 mais encore porteurs d’espérances à Moscou. Cette cadence inédite marque la mue d’une Union européenne longtemps qualifiée de puissance normative : elle endosse désormais les habits d’un stratège énergétique, financier et technologique, déterminé à faire de la durée son arme la plus tranchante. *LE TOURNANT ÉNERGÉTIQUE DU 17ᵉ PAQUET* Le cœur du nouveau dispositif frappe la manne fossile : l’interdiction totale sous trois ans des importations résiduelles de gaz, de pétrole et d’uranium russes parachève le basculement énergétique entamé avec RePowerEU. La fermeture progressive des gazoducs terrestres Yamal et Fraternité, la conversion accélérée des terminaux méthaniers de Wilhelmshaven, d’Alexandroupoli et de Gdańsk, ainsi que la montée en puissance des interconnexions ibéro-françaises transforment la géographie du flux : la Norvège fournit la moitié du gaz acheminé par pipe, le GNL qatari et américain supplée la part russe, et l’hydrogène vert d’Afrique du Nord s’inscrit déjà en filigrane des contrats à long terme. Dans l’ombre, le combustible nucléaire change lui aussi de matrice : Westinghouse, Framatome et Cameco s’accordent avec Budapest, Bratislava et Helsinki pour substituer, d’ici 2027, des assemblages occidentaux aux barres russes des réacteurs VVER, levier double — sécuritaire et industriel — qu’exploitait Rosatom depuis trois décennies. *LA CHASSE À LA « FLOTTE FANTÔME »* À l’épicentre des flux illicites, quelque trois cents pétroliers, souvent antiques, sillonnent les détroits sous pavillon libérien, panaméen ou comorien après avoir désactivé leurs transpondeurs. Cent quatre-vingt-neuf navires supplémentaires rejoignent désormais la liste noire européenne, portant à trois cent quarante-deux le nombre de bâtiments interdits d’escale, d’assurance, d’affrètement et d’expertise technique par des entités de l’UE. Ce dispositif ne se limite pas aux ports : il frappe l’ensemble des services — classification, courtage, finances, certification — afin de tarir l’écosystème logistique qui permettait à Moscou de contourner le plafonnement à soixante dollars du baril. Les nouvelles clauses prévoient des sanctions extraterritoriales si un armateur tiers utilise un chantier naval européen pour réparer un navire proscrit ou recourt à un règlement en euros via un correspondant SEPA. La mesure resserre l’étau sur le segment le plus rentable du commerce russe : le brut des champs de Sibérie occidentale transbordé en haute mer puis revendu, après mélange, sous étiquette malaisienne ou singapourienne. *L’EXTENSION DES SANCTIONS INDIVIDUELLES* Soixante-quinze personnalités et sociétés rejoignent les quelque deux mille quatre cents acteurs déjà sanctionnés. Parmi elles figurent de jeunes ingénieurs du programme hypersonique Avangard, les directions financières de Surgutneftegas et de Novatek, mais aussi des logisticiens chypriotes, des négociants émiratis et des importateurs hong-kongais spécialisés dans la micro-électronique dual-use. L’Union franchit un seuil stratégique : elle frappe désormais les facilitateurs situés hors de Russie qui contribuent, sciemment ou non, à l’architecture de contournement moscovite. Par ailleurs, un régime inédit de sanctions hybrides cible les entreprises responsables d’attaques cybernétiques et d’opérations de désinformation, ouvrant la voie à un gel rapide des avoirs et à l’interdiction de toute relation commerciale dès qu’une intrusion majeure est attribuée. *LES NOUVEAUX FRONTS TECHNOLOGIQUES* La technologie, nerf discret du conflit, se voit cernée sur trois horizons : la haute précision, la connectivité et la production de drones. Les exportations vers la Russie de machines-outils à commande numérique, de circuits intégrés de plus de cinquante-six nanomètres et de fibres de carbone subissent un contrôle renforcé, avec exigence pour les exportateurs européens d’un certificat d’utilisateur final contresigné par un État tiers de confiance. Quant à l’espace numérique, Bruxelles institue un mécanisme de suspension automatique des licences 5G si les opérateurs russes exploitent des relais dans un rayon de trente kilomètres d’un point de relais européen, afin de contrecarrer l’espionnage cellulaire transfrontalier. Dans l’aviation, la fourniture de pièces détachées pour les Airbus et Boeing cannibalisés par les compagnies russes est criminalisée ; cette asphyxie technique accélère le démantèlement d’appareils et l’érosion de la flotte civile, tandis que le régulateur russe assouplit les normes de maintenance pour prolonger artificiellement la vie de cellules obsolètes. *RÉACTIONS MONDIALES ET AJUSTEMENTS DES MARCHÉS* À Moscou, la Banque centrale tente de juguler l’inflation importée en relevant son taux directeur à vingt pour cent, mesure qui étrangle le crédit domestique. Le rouble s’effrite, franchissant le seuil des cent cinq pour un euro, tandis que le ministère des finances puise dans le Fonds national de bien-être pour compenser la baisse d’un tiers des recettes pétrolières depuis l’embargo maritime. Pékin dénonce l’« unilatéralisme » européen mais profite de remises proches de trente dollars par baril pour consolider ses stocks stratégiques, révélant la dualité de son positionnement : soutien diplomatique à Moscou, opportunisme économique à la pompe. New Delhi, premier bénéficiaire des rabais russes, se dote d’une flotte parallèle de très grands transporteurs pour sécuriser ses approvisionnements, tout en dialoguant discrètement avec Bruxelles afin d’éviter une inclusion future dans les régimes secondaires. Washington, enfin, salue l’alignement européen mais presse les Vingt-Sept d’étendre leurs mesures aux métaux critiques et aux diamants, domaine où le mécanisme de certification restait jusqu’ici lacunaire. *VERS LE DIX-HUITIÈME PAQUET : LES ENJEUX NORD STREAM* Si le gaz ne traverse plus la Baltique depuis l’explosion du 26 septembre 2022, Nord Stream 1 et 2 demeurent une équation juridique et stratégique. Les pipelines, partiellement réparables, pourraient un jour redevenir attractifs pour un acheteur tiers en cas de changement politique dans l’UE. Le projet de dix-huitième paquet entend donc verrouiller toute remise en service : interdiction de transfert d’actifs, gel des parts sociales de Gazprom dans les coentreprises européennes, impossibilité de transfert technologique qui autoriserait une conversion à l’hydrogène. Cette sanctuarisation est couplée à une réflexion sur un plafonnement révisé du pétrole russe, abaissé à cinquante dollars, et à un régime financier qui frapperait désormais Rosselkhozbank, pivot des paiements agricoles, afin d’élargir la sphère de risque pour Moscou. La négociation s’annonce âpre : Budapest et Zagreb redoutent une riposte gazière contre leurs propres hubs de trading, tandis que Tallinn et Varsovie poussent à la fermeté pour fermer chaque interstice du dispositif. *DILEMMES D’APPLICATION ET UNITÉ EUROPÉENNE* L’efficience des sanctions se joue moins à Bruxelles qu’aux frontières : contrôle douanier sur le Danube, inspections inopinées dans les ports adriatiques, traçabilité des semi-conducteurs au départ de Hambourg. Les disparités de transposition restent criantes : certains États enregistrent des retards dans la mise à jour des listes, d’autres peinent à doter leurs administrations d’équipes spécialisées capables de démêler des montages financiers complexes. La Commission déploie donc, pour la première fois, des équipes mobiles de vérification douanière, chargées d’auditer les autorités nationales et de prodiguer une assistance technique. Cette démarche mutualise les expertises, accentue la pression politique sur les retardataires et témoigne d’une Union qui se veut à la fois stratège et contrôleur. *EFFETS STRUCTURELS SUR L’ÉCONOMIE RUSSE* Au-delà de la contraction immédiate des revenus énergétiques, le cycle sanctionnel dégrade les fondamentaux : déficit budgétaire creusé, disparition de l’investissement étranger direct, isolement technologique qui retarde la modernisation des gisements pétroliers matures et des plateformes arctiques. Les majors russes recourent à des pièces de rechange chinoises ou iraniennes mais constatent une baisse d’efficacité de vingt pour cent sur les têtes de puits. Dans l’aviation, la cannibalisation de pièces atteint un seuil où, dès 2026, plus de cinquante pour cent de la flotte moyen-courrier pourrait être clouée au sol. L’industrie automobile, amputée des capteurs Bosch et des puces NXP, se tourne vers des assembleurs chinois mais avec des coûts logistiques prohibitifs. La Russie, contrainte d’orienter son économie vers la défense, sacrifie consommation, innovation civile et perspectives de long terme. *SIGNAL POLITIQUE POUR L’UKRAINE ET POUR L’OPINION EUROPÉENNE* En interne, l’Union doit gérer la lassitude populaire : explosion du prix du kWh à l’hiver 2022, doublement des factures de gaz pour les ménages modestes, tensions sur l’industrie gourmande en énergie. Les mesures de compensation — plafonnement du prix de l’électricité, chèque énergie, investissements massifs dans l’éolien offshore — traduisent la dimension politique d’une politique de sanctions qui serait intenable sans adhésion citoyenne. Pour Kiev, chaque paquet réaffirme concrètement le soutien européen : il empêche la Russie de régénérer son arsenal, réduit la marge de manœuvre budgétaire du Kremlin et renforce la capacité de l’Ukraine à négocier dans la durée. Le message dépasse le cadre ukrainien : il fixe la norme d’une Union capable de défendre ses principes jusque dans ses ports, ses cabinets d’audit et ses ministères des finances. *CONCLUSION* En trois ans, l’Union européenne est passée de la dépendance énergétique à la posture de sanctionneur systémique. Le dix-septième paquet, loin d’un point final, inaugure une nouvelle phase : maîtrise de la logistique clandestine, attaque ciblée contre l’ingénierie militaire russe, et verrou du pipeline baltique. Ces gestes démontrent que la politique étrangère et la politique industrielle ne sont plus dissociées ; les sanctions, jadis outils symboliques, deviennent leviers de transformation structurelle. Pour tenir la distance, l’Europe devra maintenir l’unité, renforcer le contrôle aux frontières, soutenir ses citoyens face aux hausses de prix et poursuivre le dialogue avec les puissances tierces pour éviter un système de vases communicants profitant à Moscou. Ainsi seulement la pression, profonde et cumulative, pourra créer les conditions d’une paix durable, tout en redessinant un ordre énergétique qui libère l’Union des idoles fossiles et crédibilise sa promesse climatique. https://www.consilium.europa.eu/en/press/press-releases/2025/05/20/russia-s-war-of-aggression-against-ukraine-eu-agrees-17th-package-of-sanctions/ #russie #sanctions #unioneuropéenne #sécuritéénergétique #nordstream #euroscope https://buymeacoffee.com/euroscope
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