
EuroScope : la chaîne sur l’Europe
June 3, 2025 at 08:53 PM
*TAXATION DE L’ÉNERGIE : VERS UN BAROMÈTRE ENVIRONNEMENTAL TRIENNAL ET DES EXONÉRATIONS CIBLÉES*
Sous l’égide de la future Présidence polonaise du Conseil de l’Union, le dossier sensible de la révision de la directive sur la taxation de l’énergie reprend vie. Varsovie esquisse une mécanique à la fois pragmatique et politique : créer, tous les trois ans, un examen scientifique de la performance environnementale des produits énergétiques, mais conserver, pour l’heure, les dérogations chères aux industries les plus énergivores. Entre adaptation verte et défense de la compétitivité, l’Europe tente un numéro d’équilibriste.
*UNE RÉVISION IMMOBILE DEPUIS 2021*
La proposition présentée par la Commission en juillet 2021 – pilier fiscal du paquet « Fit for 55 » – voulait réordonner la hiérarchie des taxes selon le contenu énergétique et le bilan carbone, afin d’inciter au basculement vers les renouvelables et les carburants à très basse teneur en CO₂. Quatre ans plus tard, aucun accord unanime n’a vu le jour : la taxation minimale harmonisée reste indexée sur le volume, et non sur l’impact climatique, tandis que chaque État continue de négocier ses exemptions, réductions et taux nationaux.
*L’INNOVATION POLONAISE : UN AUDIT ENVIRONNEMENTAL TRIENNAL*
Consciente des blocages, la Présidence polonaise propose un « baromètre environnemental » : la Commission établirait, tous les trois ans, un rapport exhaustif sur l’empreinte réelle des carburants et de l’électricité, en se fondant sur des données de cycle de vie. Si la catégorie fiscale d’un produit s’avérait déconnectée de son impact mesuré, Bruxelles soumettrait un amendement ciblé au Conseil. La procédure resterait régie par l’unanimité, mais l’actualisation régulière permettrait, sur le papier, de suivre l’innovation technologique et les progrès scientifiques – un compromis entre flexibilité et souveraineté fiscale des États.
*LE MANTIEN DES EXONÉRATIONS POUR LES INDUSTRIES À HAUTE INTENSITÉ*
Varsovie entend aussi préserver l’exception appliquée à l’électricité et aux combustibles utilisés dans les procédés minéralogiques – ciment, chaux, verrerie, céramique – afin de tamponner leurs coûts de production. Pour la Présidence, le déclin de la compétitivité européenne et l’absence, à court terme, de solutions alternatives exigent un statu quo. Or, cette clémence fiscale pourrait ralentir la décarbonation profonde de secteurs responsables de près d’un cinquième des émissions industrielles de l’Union, et se heurter à la montée en puissance du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF), censé inviter ces mêmes industries à verdir leurs processus.
*LES HUILES USAGÉES SORTIES DU CHAMP DE LA DIRECTIVE*
Autre geste à l’endroit des délégations sceptiques : la suppression de la disposition intégrant les huiles usagées fossiles dans l’assiette d’imposition. Tout combustible issu de déchets brûlé pour le chauffage échapperait donc à la fiscalité harmonisée. La mesure flattera les partisans de la valorisation énergétique, mais risque de contredire la hiérarchie européenne des déchets, fondée sur la priorité au recyclage et à la réduction à la source. Elle pourrait, en outre, diminuer la pression économique en faveur de solutions de chauffage renouvelables ou à basse émission.
*ENJEUX ET PERSPECTIVES*
Si le baromètre triennal accroît la réactivité réglementaire, l’exigence d’unanimité demeure le talon d’Achille : chaque correctif dépendra d’un consensus politique souvent ardu entre États au mix énergétique disparate. La proposition polonaise polarise déjà les camps : d’un côté, les États favorables à une fiscalité verte stricte, de l’autre ceux qui redoutent un choc de compétitivité. L’articulation avec l’ETS révisé, le MACF et le règlement carburants durables pour l’aviation (ReFuelEU) sera décisive : sans cohérence d’ensemble, la taxe verte pourrait se muer en patchwork d’exemptions et de révisions ad hoc.
*CONCLUSION*
En installant un audit environnemental périodique mais en sanctuarisant des exemptions clés, la Présidence polonaise tente de concilier l’urgence climatique et la préservation d’une base industrielle fragilisée. Reste que le chemin vers une fiscalité énergétique alignée sur les objectifs de neutralité carbone dépendra moins du calendrier des rapports que de la capacité des Vingt-Sept à hisser, de concert, le principe pollueur-payeur au rang de boussole commune. Le débat qui s’ouvre décidera, pour une décennie, de l’équilibre entre incitation verte et realpolitik industrielle au sein de l’Union.
https://taxation-customs.ec.europa.eu/energy-taxation-directive-etd_en
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