EuroScope : la chaîne sur l’Europe
EuroScope : la chaîne sur l’Europe
June 4, 2025 at 10:11 AM
*LE DESTIN DE LA RESPONSABILITÉ NUMÉRIQUE : L’IA FACE AU PARLEMENT EUROPÉEN* Le 20 mai 2025, tel un coup de tonnerre dans la sérénité apparente des couloirs bruxellois, la commission du Marché intérieur et de la protection des consommateurs (IMCO) a repoussé d’un revers catégorique la directive sur la responsabilité civile de l’intelligence artificielle. Trente-deux voix ont suffi pour faire vaciller un édifice normatif que la Commission européenne croyait déjà sur ses rails, accusant le texte de « prématurité » et d’« inutilité ». Ce refus résonne au-delà du seul hémicycle : il reflète l’angoisse d’un continent partagé entre la volonté de protéger ses citoyens et la crainte d’étouffer l’étincelle d’innovation qui conditionne sa place dans le concert mondial. *LES RAISONS D’UN REFUS : PRÉMATURITÉ, MORALE ÉCONOMIQUE ET DROIT EXISTANT* Aux yeux des eurodéputés IMCO, l’Europe vient tout juste d’accoucher de deux piliers majeurs : l’AI Act, charte exhaustive du risque algorithmique, et la nouvelle directive sur la responsabilité des produits, déjà étendue aux logiciels et systèmes d’IA. Ces textes, encore tièdes d’encre, n’entreront pleinement en application qu’en 2026-2027 ; comment jauger leur portée si l’on superpose aussitôt une troisième couche ? Les partisans du rejet pointent un paysage encore mouvant : lignes directrices techniques à publier, actes délégués en gestation, jurisprudences nationales en veille. Convoquant le rapport Draghi sur la compétitivité et les chiffres moroses du « Digital Decade », ils redoutent qu’une nouvelle contrainte alourdisse les coûts de conformité, renchérisse les primes d’assurance et détourne les capitaux vers des rivages moins tatillons. *LA CARTOGRAPHIE DES FORCES POLITIQUES* Au centre de la mêlée, le Polonais Kosma Złotowski, rapporteur ombrageux, a fédéré autour de lui conservateurs du CRE, voix souverainistes de Patriotes pour l’Europe et libéraux rétifs de Renew. Face à ce front hétéroclite, le juriste allemand Axel Voss brandit le drapeau du pragmatisme : sans directive spécifique, argue-t-il, les victimes d’un préjudice algorithmique se heurteront à l’opacité intrinsèque des modèles d’IA et à la fragmentation des droits nationaux. Entre ces deux visionnaires s’ébauche un duel où s’affrontent protection consommateur et compétitivité industrielle, chacun craignant que l’autre ne sacrifie l’avenir sur l’autel de l’excès ou de la carence. *UN VIDE JURIDIQUE ? UNE SURRÉGLEMENTATION ?* Les juristes européens savent que les systèmes d’IA brouillent la chaîne de causalité : qui blâmer lorsque la décision est issue d’un apprentissage statistique ? Pourtant, IMCO soutient qu’aucun vide béant n’existe : doctrines nationales de responsabilité délictuelle, AI Act et PLD suffiraient pour l’instant à cerner la faute ou le défaut. Mais la question n’est plus seulement technique ; elle est philosophique. L’Europe doit-elle codifier à l’excès pour prévenir chaque dérive, au risque de ligoter les chercheurs, ou faire confiance à l’évolution jurisprudentielle ? En filigrane, c’est la conception même du progrès, entre audace et prudence, qui se joue. *IMPACT SUR L’INNOVATION ET SUR L’ÉCOSYSTÈME DES PME* Derrière la prose législative se dressent des milliers de start-ups aux trésoreries frêles. Chaque nouvel article de directive commande audits, mise à niveau documentaire, formation des équipes, renforcement des couvertures financières. Cette barrière pourrait écarter les acteurs émergents, laissant le terrain aux géants mondiaux rois du for juridique. Paradoxalement, les mêmes règles destinées à protéger le consommateur pourraient restreindre son choix, réduire la concurrence et ralentir l’adoption de l’IA en Europe, déjà timorée comparée aux ambitions fixées pour 2030. *PERSPECTIVES : PROCHAINS TOURS DE ROUE LÉGISLATIFS* Le dossier est désormais entre les mains de la commission JURI, gardienne des arcanes juridiques. Son rapporteur, partisan du statu quo ante, devra affronter la pression d’IMCO et le possible retrait formel de la proposition par la Commission, annoncé en février. Le Parlement, lui, ne tranchera pas avant 2026, temps nécessaire pour que l’AI Act révèle ses effets réels et que la Product Liability Directive descende du papier vers le prétoire. Dans cet intervalle, Bruxelles pourrait transformer le texte initial en recommandation non contraignante ou lancer une étude d’impact révisée, nourrie de données empiriques plutôt que de scénarios théoriques. *CONCLUSION* L’Europe, toujours soucieuse de doser raison et passion, se trouve à un carrefour. D’un côté, le désir ardent de garantir à chaque citoyen que l’algorithme qui décide d’un crédit, d’une route autonome ou d’un diagnostic ne lui portera pas préjudice sans réparation. De l’autre, la crainte qu’un excès normatif ne tarisse la source d’innovations dont dépend sa souveraineté technologique. Le rejet d’IMCO n’est donc pas une fin, mais une halte nécessaire dans la marche vers un équilibre plus subtil : laisser à la réglementation existante le temps de fleurir, mesurer ses fruits, puis, seulement alors, bâtir la pierre supplémentaire. Entre précipitation et immobilisme, le Parlement devra tracer une voie qui protège sans étouffer, encourage sans abandonner. Car la puissance d’une civilisation se jauge à sa capacité de gouverner la nouveauté ; et sur ce fil tendu, l’Europe s’avance, funambule lucide, pour qu’à l’horizon 2030 l’intelligence artificielle soit à la fois moteur d’opulence et servante du bien commun. https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/IMCO-PA-768056_EN.pdf #ia #responsabilité #législationeuropéenne #innovation #euroscope https://buymeacoffee.com/euroscope

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