
EuroScope : la chaîne sur l’Europe
June 4, 2025 at 03:17 PM
*NOUVELLE STRATÉGIE POUR LE MARCHÉ UNIQUE : L’ACTE EUROPÉEN DE LA LIVRAISON COMME MIROIR DE L’INTÉGRATION ÉCONOMIQUE*
Le marché unique européen, cette cathédrale de rationalité économique et d’intégration politique, se dresse aujourd’hui face aux vents croisés d’un monde incertain. Le 21 mai 2025, la Commission européenne a présenté une nouvelle stratégie pour en raviver les fondations, le simplifier, en renforcer la cohérence, et en faire un levier de puissance et de résilience dans une géopolitique mouvante. Ce document stratégique s’inscrit dans une lignée ambitieuse, où les rapports Letta et Draghi dessinent les contours d’une souveraineté économique européenne réaffirmée. Mais au cœur de cette vaste entreprise, c’est une initiative bien plus discrète qui pourrait, à terme, faire basculer la réalité quotidienne de 450 millions d’Européens : le futur EU Delivery Act.
*VERS UN ACTE DE LIVRAISON EUROPÉEN : RÉÉCRIRE LA POSTE POUR LE XXIe SIÈCLE*
Dans le maillage encore trop fragmenté du marché des services européens, les services postaux et de livraison incarnent à la fois un talon d’Achille et une promesse de renouveau. La Commission européenne l’a bien compris : le cadre législatif actuel, centré sur la directive 97/67/CE et le règlement 2018/644, n’est plus à la hauteur des défis contemporains. Le trafic du courrier chute inexorablement, tandis que le commerce électronique transforme le colis en nouveau cœur battant de la logistique continentale.
L’EU Delivery Act annoncé pour le quatrième trimestre 2026 ne se contente pas d’une simple mise à jour réglementaire. Il propose une réécriture intégrale du rôle de la livraison dans l’économie européenne. Il ne s’agit plus de défendre un service universel hérité d’un monde pré-numérique, mais d’enraciner l’égalité d’accès, la transparence tarifaire et la sécurité du consommateur dans un écosystème dominé par des acteurs globaux et des plateformes déterritorialisées. La livraison devient un droit fonctionnel de l’appartenance à l’Union.
*UN SECTEUR EN MUTATION : ENTRE DÉCROISSANCE POSTALE ET ESSOR LOGISTIQUE*
L’économie postale européenne vit une mue silencieuse mais irréversible. La lettre décline, frappée par la numérisation des relations administratives et commerciales. En revanche, le colis prospère. Porté par la montée fulgurante du e-commerce, il structure de nouveaux flux, stimule l’innovation logistique et concentre l’attention des régulateurs. Pourtant, cette croissance s’est faite au prix de fortes disparités nationales, d’une concurrence parfois faussée, et d’une asymétrie croissante entre plateformes mondialisées et prestataires historiques.
Le futur EU Delivery Act entend combler ces lacunes. Il portera une régulation unifiée des prestations de livraison, harmonisera les obligations de transparence tarifaire et mettra en œuvre un encadrement plus rigoureux des obligations de service public adaptées à l’ère numérique. Il devrait aussi offrir un socle juridique à des services transfrontaliers véritablement intégrés, fondés sur l’interopérabilité des systèmes d’information et une meilleure coordination douanière.
*UNE VISION SYSTÉMIQUE POUR LES SERVICES : L’APPROCHE SECTORIELLE COMME LEVIER DE RÉINTÉGRATION*
La réforme postale s’inscrit dans une stratégie plus large. Pour sortir d’un marché unique des services enlisé dans ses propres inerties, la Commission promeut désormais une approche sectorielle ciblée. À côté des chantiers de la construction, du commerce de détail ou de la finance, la logistique de la livraison occupe une place stratégique. Elle articule les chaînes de valeur industrielles, rend possible l’essor du numérique, et conditionne l’équité d’accès des consommateurs européens aux produits qu’ils achètent en ligne.
Ce choix sectoriel marque une rupture. Il ne s’agit plus d’imposer une approche uniforme, mais de construire, secteur par secteur, des cadres réglementaires adaptés, évolutifs et propices à l’innovation. Dans ce contexte, la réforme de la livraison prend une dimension emblématique : elle matérialise cette volonté de reconquête pragmatique de l’intégration économique.
*UNE RÉPONSE À LA FRAGMENTATION : PROTÉGER LE CONSOMMATEUR, STIMULER LA CONCURRENCE*
À l’instar d’autres segments du marché unique, le secteur de la livraison souffre d’une fragmentation persistante. Différences de régulation, variations tarifaires opaques, obstacles techniques et barrières linguistiques empêchent encore une libre circulation fluide et équitable des services. Le nouvel acte législatif entend corriger ces déséquilibres, en redonnant au consommateur un pouvoir d’action, en garantissant un cadre équitable aux entreprises, et en établissant des normes communes pour les opérateurs.
La Commission envisage notamment d’imposer une transparence renforcée sur les prix pratiqués, une traçabilité des conditions de livraison, et des standards minimaux de qualité applicables à tous les prestataires. Elle cherche à éviter les dérives du dumping social ou de la précarisation logistique, sans pour autant freiner l’innovation ou le développement de nouveaux modèles économiques. Il s’agira d’un exercice d’équilibre complexe, mais nécessaire.
*UNE ARCHITECTURE RÉGLEMENTAIRE RENOUVELÉE : SIMPLIFICATION, NUMÉRISATION ET DÉVELOPPEMENT DURABLE*
Le projet de Delivery Act ne peut être dissocié du vaste chantier de simplification et de numérisation engagé par la Commission dans l’ensemble du marché unique. Les procédures documentaires devront être remplacées par des interfaces numériques interopérables. L’accès aux données de livraison, la certification des prestataires, les droits du consommateur ou les garanties environnementales seront intégrés dans un écosystème digitalisé, sécurisé et transparent.
L’objectif est triple : réduire les coûts administratifs, accélérer les échanges et renforcer la durabilité environnementale. Dans un secteur émetteur de CO₂, tributaire des carburants fossiles et des conditions de travail précaires, la transition vers des pratiques responsables sera incontournable. Le Delivery Act devrait ainsi intégrer des incitations à la livraison verte, à la mutualisation urbaine et à l’usage de flottes décarbonées.
*UNE INTÉGRATION LOGISTIQUE POUR UNE SOUVERAINETÉ ÉCONOMIQUE*
À l’heure où l’Union européenne s’interroge sur sa capacité à bâtir une souveraineté économique crédible, l’organisation des flux logistiques, des hubs de distribution aux plateformes de livraison du dernier kilomètre, devient une infrastructure stratégique. Derrière le colis livré en zone rurale, c’est tout un maillage de connectivité, de souveraineté numérique et de cohésion territoriale qui se dessine.
La réforme du secteur postal dépasse donc largement l’enjeu technique : elle touche à la capacité de l’Union à garantir un accès égal aux biens, à soutenir ses propres acteurs industriels face aux géants mondiaux, et à faire du marché unique non seulement un espace de circulation, mais un espace de solidarité.
*CONCLUSION : UN ACTE DE LIVRAISON POUR UNE AMBITION COMMUNE*
À travers l’annonce de l’EU Delivery Act, c’est une certaine idée de l’Europe qui ressurgit — celle d’une Union attentive aux mutations de son économie, soucieuse de protéger ses citoyens, et ambitieuse dans sa volonté de créer un véritable espace intégré de services. Ce futur acte n’est pas une réforme anodine : il porte la promesse d’un marché unique qui fonctionne enfin pour tous, au quotidien, jusqu’au seuil des foyers les plus isolés.
L’Europe de la livraison sera peut-être demain le laboratoire de l’Europe des services. En régulant mieux, elle pourra livrer plus justement. En livrant plus justement, elle prouvera que le marché unique n’est pas seulement un idéal institutionnel, mais une promesse concrète de progrès partagé.
https://single-market-economy.ec.europa.eu/document/download/d92c78d0-7d47-4a16-b53f-1cead54bcb49_en?filename=Communication%20-%20Single%20Market%20Strategy.pdf
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