
EuroScope : la chaîne sur l’Europe
June 5, 2025 at 04:39 PM
*L’OMBRE DES DRONES : VERS UNE FORTERESSE EUROPÉENNE OUVERTE AUX QUADRUPTÈRES*
Sur les images capturées le 1ᵉʳ juin, les bombardiers stratégiques russes brûlaient comme des torches funéraires ; cent dix-sept drones bricolés, surgis de camions anonymes, venaient d’inscrire le chapitre le plus spectaculaire de la guerre de l’ingéniosité contre la masse. À des milliers de kilomètres des lignes de front, la vulnérabilité crue des cibles dites « molles » éclatait, rappel sévère aux capitales européennes. Car demain, sous un ciel tranquille de Bavière, de Normandie ou des Pouilles, la même nuée bon marché pourrait s’en prendre aux avions-ravitailleurs, aux radars transhorizon ou aux dépôts de kérosène qui irriguent la puissance militaire de l’Union.
*UNE NOUVELLE DONNE STRATÉGIQUE*
Le drone de loisir détourné en projectile suicide a fait voler en éclats l’ancienne géométrie de la force. La distance n’est plus rempart ; la profondeur stratégique, fierté continentale, se contracte. Entre la Baltique et la Méditerranée, chaque base aérienne, chaque port de combat, chaque parabole de communication ressemble soudain aux flancs découverts d’un cuirassé du XIXᵉ siècle. L’Union européenne, forte de quatre cent cinquante millions d’âmes, découvre qu’un essaim d’engins à 2 000 euros pièce peut menacer des plateformes de plusieurs milliards.
*DES CIBLES TROP TENDRES, TROP VISIBLES*
À Ramstein, en Rhénanie-Palatinat, les C-17 alliés stationnent souvent à découvert, leurs réservoirs gonflés de kérosène, pareils à des outres prêtes à flamber. À Évreux, les A400M s’alignent sous des auvents qui les protègent de la bruine, non d’un petit explosif dirigé sur un point vital. Les radars de l’OTAN à Thule, les antennes du réseau Jindalee européen et les réservoirs de Severomorsk sont des cathédrales électroniques faites d’aluminium et de gallium ; un simple octocoptère piloté à vue pourrait y ouvrir des absides fumantes.
*LE COÛT DÉRISOIRE, L’ATTRIBUTION INCERTAINE*
Trois arguments rendent l’attaque par mini-drones irrésistible à l’adversaire. Le coût : quelques centaines d’euros pour un vecteur, contre l’investissement astronomique d’un missile hypersonique. L’opacité : un conteneur maritime, une camionnette d’entretien, et la responsabilité se dilue dans la brume des opérations clandestines. La masse : là où un missile frappe une cible, cent drones saturent la défense, la forcent à déléguer la sélection à une algorithme ou à céder sous l’excès.
*UN TEMPS DE RÉPONSE ÉTRIQUÉ*
Alors que Kyiv démontre la maturité tactique de l’essaim, le calendrier européen avance, lui, au pas du législateur. Les premières capacités C-UAS intégrées au niveau de l’Agence européenne de défense n’atteindront leur pleine effectivité qu’au tournant de 2028. Entre-temps, la plupart des bases sont nues ; quelques brouilleurs à courte portée, deux ou trois canons radiofréquence montés sur pick-up, rien qui résiste à la ruse ou à la saturation.
*ACCÉLÉRER LA RIPOSTE : ERGO, AGERE*
L’Europe doit accepter le risque technologique, préférer l’à-peu-près efficace à la perfection trop tardive. Des prototypes laser aux canons micro-ondes, le continent possède la matière grise et l’industrie ; il lui manque le feu vert politique. L’initiative DIANA de l’OTAN offre dix défis pour catalyser les technologies à double usage ; plusieurs visent explicitement la neutralisation de drones collaboratifs. Il faut transformer ces concours en déploiements, greffer des modules anti-essaims sur les frégates à quai, hérisser de capteurs les bases aériennes, mutualiser les données civiles et militaires afin que chaque aérodrome régional devienne sentinelle.
*VERS UNE COOPÉRATION DE THÉÂTRE*
L’Union possède déjà un embryon de bouclier : HELMA-P en France, les lasers Rheinmetall en Allemagne, les brouilleurs DIRCM italiens. Mais ces joyaux restent archipels. Il faut un réseau continental, un « Schengen de la défense aérienne proximale », où capteurs, algorithmes et effets de neutralisation circulent sans douanes numériques. L’Espagne, en présidence du Conseil, propose de consacrer 1 % du budget de la Facilité européenne pour la paix à la protection des infrastructures critiques ; la proposition doit devenir loi, puis réalité bétonnée.
*CONCLUSION – NE PAS LAISSER LA TORCHE TOMBER*
Le drone bon marché est le caillou biblique qui peut terrasser le Goliath industriel. Devant cette inversion brutale du rapport coût-efficacité, l’Europe ne peut ni tergiverser ni attendre le prochain spectacle d’avions en flammes pour s’émouvoir. L’heure n’est pas à bâtir des murailles infinies, mais à allumer partout des lanternes vigilantes : radars d’aéroport civil, patrouilles locales, lasers montés sur véhicules, grappes de brouilleurs déployables. Que les stratèges de Bruxelles et de chaque capitale gravent cette évidence : la défense n’est plus une ligne, mais une surface constellée de points faibles à illuminer de technologies agiles. L’Europe n’en sera que plus crédible, et ses adversaires, moins tentés d’appuyer sur la touche « décollage ».
https://kyivindependent.com/enemy-bombers-are-burning-en-masse-ukraines-sbu-drones-hit-more-than-40-russian-aircraft/
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