
EuroScope : la chaîne sur l’Europe
June 5, 2025 at 05:13 PM
*LES AILES SANS PILOTES DE L’EUROPE : ENTRE ROBOTS-GUEPES ET MUNITION VOLANTE*
L’ombre d’une confrontation de haute intensité plane désormais sur le continent. Tandis que l’US Air Force projette mille drones de combat collaboratif – ces « robo-gnats », chasseurs réduits à l’essentiel – les capitales européennes scrutent leurs propres choix. Comment soutenir, entre Vilnius et Séville, un essaim d’aéronefs qui réclament pistes, kérosène, mécaniques complexes et techniciens déjà rares ? La question n’est plus théorique : c’est le cœur du prochain saut capacitaire qui décidera de la suprématie aérienne face à une puissance rivale capable de saturer l’espace électromagnétique d’essaims jetables.
*LES PROMESSES ET LES COÛTS DES CHASSEURS ROBOTIQUES*
Le programme américain CCA offre une boussole. Les prototypes YFQ-42A et YFQ-44A, prêts à rugir cet été, sont conçus pour s’intégrer au radar d’un F-35 ou d’un Rafale, puis, à la vitesse du verre pilé, décocher leurs missiles au plus près de l’ennemi. Ils apportent masse, confusion et un supplément de tirs air-air. Mais ils restent de vrais avions : fuselages de Gnat, moteurs assoiffés, électronique de guerre précieuse. Leur entretien suppose un réseau de bases protégées à des milliers de kilomètres de l’Hexagone, dans un Pacifique où l’Europe n’a ni Guam ni Okinawa.
*LES EUROPÉENS FACE AU SYNDROME DE LA PISTE UNIQUE*
Transposez l’équation à Aviano, Łask ou Cazaux : la survivabilité devient dramatique. Les pistes y sont comptées, vulnérables à des frappes de précision ou à des drones à bas coût. Remplir les parkings de mini-chasseurs reviendrait à offrir au premier missile balistique ou à la première salve de Shahed l’équivalent d’un stand de tir à la foire. La logistique enfle : carburant, pièces communes, opérateurs formés, systèmes de chiffrement… Chaque solution de protection grignote les marges budgétaires du SCAF franco-germano-espagnol ou du programme Tempest britannique-italien-suédois.
*L’ATTRITION ÉCONOMIQUE : LA TENTATION DE LA « MUNITION AVION »*
À l’autre bout du spectre, le Storm Shroud britannique rappelle l’élégance rustique du « moins-c’est-plus ». Un drone Tekever, lancé d’une catapulte, glisse sous les radars pour semer un nuage de leurrage Brite Cloud auprès d’un site SAM. S’il tombe, qu’importe : la boîte ne vaut guère plus qu’un pod ECM traditionnel. Ainsi renaît l’idée que la masse aérienne, demain, pourrait résider moins dans des escadrilles de robots-chasseurs que dans des volées de machines jetables, capables de brouiller, corrompre ou frapper puis de s’évanouir dans le néant comptable.
*LE GLISSEMENT DES DOCTRINES : D’UNE AÉRONAUTIQUE À UNE ARTILLERIE AÉRIENNE*
Les wargames nord-américains comme les études du Mitchell Institute convergent : plus le scénario s’intensifie, plus les états-majors réclament d’effets « expendables ». Dans l’hypothèse indopacifique, le ratio entre systèmes récupérables et perdus atteint parfois dix pour un. L’Europe, elle, pourrait affronter une menace sur ses flancs Est où la profondeur stratégique est réduite ; l’attrition y serait rapide. Miser sur une « artillerie aérienne » – petites cellules, petits turboréacteurs, IA embarquée rudimentaire, navigation optique inviolable – réduirait le fardeau de maintenance et la dépendance aux stocks vulnérables de carburants d’aviation.
*UNE INDUSTRIE CONTINENTALE À LA CROISÉE DES CHEMINS*
Airbus et Dassault planchent déjà sur des remote carriers pour le SCAF : mini-aéronefs relâchés par le chasseur habité, porteurs de brouillage, de senseurs, voire de charges létales. Leonardo investit dans les micro-turbines supersoniques, Saab dans les architectures modulaires, Rheinmetall et MBDA dans les propulsions fusée-air. Le Fonds européen de défense finance DIANA et l’EDA pour mutualiser standards, batteries, actionneurs, bus avioniques. Mais l’enjeu n’est pas seulement technologique : il est comptable. Chaque euro injecté dans le robo-gnat est soustrait à la DCA, au réseau de senseurs, aux satellites ISR qui rendent possible le tir collaboratif.
*VERS UNE MATRICE DÉCISIONNELLE EUROPÉENNE*
Au risque de schizophrénie budgétaire, l’Union doit articuler trois cercles :
– les drones haut de gamme survivants, capables d’épauler les avions habités dans le duel air-air ;
– les essaims jetables à vocation de leurrage, de brouillage ou de frappe ponctuelle ;
– la défense sol-air multicouche, indispensable pour que les deux premiers survivent plus de trente minutes.
Le Conseil de l’UE en format Défense pourrait imposer un ratio cible, un calendrier et une mutualisation des pièces critiques. Faute de quoi, chaque pays réinventera seul la roue, diluant la masse critique et retardant l’entrée en service.
*CONCLUSION – GARDER LE CIEL SANS S’Y PERDRE*
L’Europe devra trancher entre l’esthétique rassurante du « mini-chasseur » et l’efficience brutale de la munition volante. L’une offre la manœuvre, la réutilisation et l’aura iconique d’une escadrille sans pilotes ; l’autre promet la saturation, l’imprévisibilité et le silence logistique. Il n’existe nulle réponse unique : seulement la nécessité d’allouer lucidement le capital, de protéger les points d’appui et de reconnaître que, dans le ciel de demain, chaque drone abattu pourra valoir la survie d’un pilote humain.
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