
EuroScope : la chaîne sur l’Europe
June 5, 2025 at 10:47 PM
*NOUVELLE RONDE DE MIROIRS EUROPÉENS : QUAND LES DIRECTIVES SUR LES MARCHÉS PUBLICS DÉVOILENT LEUR VISAGE*
En publiant le premier bilan de sa consultation sur l’évaluation des directives de 2014, la Commission européenne lève un coin du voile sur l’état d’âme d’un continent qui achète pour 2 000 milliards d’euros de biens et de services chaque année. Les chiffres bruts résonnent comme des cloches : sept cent trente-trois contributions, une mosaïque d’autorités publiques, d’entreprises, de fédérations, d’ONG, de chercheurs. Mais au-delà des pourcentages, c’est le récit d’une Europe qui doute de ses propres règles tout en saluant les progrès accomplis, qui transparaît.
*SIMPLIFICATION EN DEMI-TEINTE, DIGITALISATION EN LUEUR*
La moitié des répondants confesse que les directives n’ont pas tenu leur promesse de souplesse. Les procédures demeurent longues, la législation foisonnante, les seuils complexes. Pourtant, un rayon de clarté perce : la dématérialisation des appels d’offres. Quarante-deux pour cent des acteurs applaudissent la baisse de la paperasse. Le guichet unique TED est devenu la place publique du contrat, la vitrine de la transparence. Dans cette agora numérique, l’Europe paraît plus lisible, plus égale.
*TRANSPARENCE ACCRUE, CORRUPTION EN RECUL RELATIF*
Soixante-deux pour cent saluent le cadre de publication imposé par Bruxelles : nul n’ignore plus les avis de marché, les décisions d’attribution, les montants. La lumière du jour, toutefois, ne suffit pas à dissiper toutes les ombres : seuls trente-huit pour cent estiment que la corruption recule vraiment. Les vieilles habitudes administratives, la frilosité à publier les documents d’exécution, les marges nationales laissées aux exceptions continuent de nourrir la défiance.
*CONCURRENCE SOUS PERFUSION, PRIX COMME JUGEMENT FINAL*
L’accès transfrontalier progresse à pas mesurés : cinquante-trois pour cent voient dans les directives un bouclier d’égalité, mais quarante-six pour cent regrettent que la rivalité entre entreprises ne se soit pas intensifiée. Le diagnostic est brutal : la moitié des marchés se joue encore au prix le plus bas. Ainsi l’innovation, la qualité environnementale ou sociale restent souvent sacrifiées sur l’autel de la dépense immédiate. Le « mieux-disant » économique reste un idéal plus qu’une pratique.
*LES ACHATS STRATÉGIQUES, MIROIR DES AMBITIONS VERTES ET SOCIALES*
Les autorités adjudicatrices se disent majoritairement convaincues que les directives soutiennent les clauses écologiques, l’inclusion et l’innovation. Les entreprises, elles, se montrent nettement plus sceptiques. L’écart de perception révèle un hiatus : les acheteurs publics pensent avoir fourni les outils, les opérateurs n’y voient pas encore un marché réel. Les obligations de réserver des marchés aux structures sociales, de pondérer le cycle de vie, d’exiger des labels verts existent, mais la culture de l’achat durable reste inégale.
*RÉSILIENCE ET AUTONOMIE STRATÉGIQUE : LE TALON D’ACHILLE*
La crise sanitaire, l’invasion russe, la pénurie de semi-conducteurs ont rappelé la fragilité des chaînes d’approvisionnement. Or la moitié des répondants estime que les directives, nées dans un monde plus paisible, ne sont pas calibrées pour protéger l’autonomie stratégique, ni pour agir dans l’urgence. Les délais rigides, la publicité obligatoire, l’absence de « préférence européenne » laissent l’Union désarmée lorsque la géopolitique frappe à la porte des achats publics.
*COMPÉTITION RÉDUITE, ATTRIBUTIONS SOLO ET PROCÉDURES SANS RIVAUX*
Un tiers des participants juge que la concurrence est trop faible, notamment parce que le recours aux procédures négociées sans mise en concurrence ou l’attribution directe demeurent fréquents. Dans certaines familles d’achats spécialisés, les réponses à un appel d’offres se réduisent à une seule offre. Manque de fournisseurs, exigences administratives excessives, segmentation des marchés : la Commission devra démêler ces nœuds si elle veut réellement stimuler l’entrée de nouveaux acteurs, notamment les PME.
*LE PARADOXE DES SEUILS SOUS-EUROPÉENS ET DE LA COMPARAISON AU PRIVÉ*
Dès que l’on descend sous les seuils européens, les acheteurs déclarent trouver des procédures plus rapides, plus maniables, parfois plus compétitives. La comparaison avec les pratiques du secteur privé accentue le contraste : les règles publiques offrent plus de transparence mais pêchent souvent en simplicité et en agilité. Ainsi la tentation de fractionner les marchés ou de rester sous les seuils grandit, au détriment de l’effet d’échelle et de l’ouverture européenne.
*CONCLUSION – LE MIROIR À PARER LES ANGES*
Huit ans après leur adoption, les directives de 2014 apparaissent comme une cathédrale inachevée : des vitraux de transparence et de digitalisation éclatants, mais des contreforts de concurrence et de stratégie encore fragiles. L’Europe des marchés publics doit désormais réconcilier ses ambitions écologiques, sociales et technologiques avec l’exigence de rapidité, de résilience et de souveraineté. Au-delà des chiffres de consultation, c’est un pacte démocratique qu’il s’agit de retisser : un achat public qui éclaire sans alourdir, qui protège sans enfermer, qui innove sans exclure. Tel est le chantier, titanesque mais nécessaire, pour qu’à travers chaque marché, l’Union parle d’une voix forte, juste et durable.
https://ec.europa.eu/info/law/better-regulation/have-your-say/initiatives/14427-Public-procurement-directives-evaluation/public-consultation_en
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