EuroScope : la chaîne sur l’Europe
EuroScope : la chaîne sur l’Europe
June 6, 2025 at 03:40 PM
*RÉAFFIRMER LA SOUVERAINETÉ EUROPÉENNE : L’ÉCHO PARISIEN DE LA MISSION ECON DU PARLEMENT* Avril 2025 vit Paris bruire d’un dialogue intense entre la technicité de la régulation financière et le souffle des ambitions géopolitiques. Pendant trois jours, la délégation de la commission des Affaires économiques et monétaires du Parlement européen (ECON) a sondé, à la source, les aspirations, les inquiétudes et les convergences d’un écosystème qui, de la Banque de France à l’OCDE, incarne la conscience économique du Vieux Continent. Le rapport publié le 4 juin dresse un portrait nuancé : l’Union peut devenir havre de stabilité et catalyseur d’investissements, à condition de maîtriser le tempo de ses réformes, de sonner le rappel de l’épargne domestique et d’élever le numérique souverain en rempart contre l’extraterritorialité monétaire. *OMBRES AMÉRICAINES SUR LE VIEUX CONTINENT* L’élection de Donald Trump a relancé la dialectique protectionniste : d’un côté, l’Amérique érige des barrières tarifaires comme autant de haies dissuasives ; de l’autre, elle déréglemente pour libérer sa finance, creusant un fossé concurrentiel avec l’Europe. Les interlocuteurs parisiens ont décelé dans cette posture une double menace. D’abord, celle d’une réallocation brutale des flux commerciaux : refoulées par le marché américain, les exportations asiatiques pourraient se rabattre sur l’Union, fragilisant la production locale. Ensuite, le risque d’un arbitrage réglementaire : en assouplissant l’application de Bâle III, Washington offre un boulevard compétitif à ses banques d’investissement tandis que les établissements européens portent un carcan prudentiel plus lourd. Face à ce paysage mouvant, le rapport préconise un jeu en deux temps : négocier, certes, mais préparer des contre-feux ciblés, de nature à dissuader les dérapages sans nourrir l’escalade. La discussion va plus loin en évoquant l’arme monétaire : renforcer l’internationalisation de l’euro, élargir le réseau de lignes de swap de la BCE, entendre la « deuxième mission » de la Banque centrale – préserver la stabilité du change – comme mandat de puissance économique. *LE RÉVEIL DU NUMÉRIQUE SOUVERAIN* L’essor fulgurant des stablecoins adossés au dollar rebat les cartes. À l’ère des blockchains, la monnaie virtuelle devient l’émissaire discret d’une influence hégémonique : partout où circule l’USDC, s’infiltre la juridiction américaine. Paris a fait résonner l’alarme : si l’Europe tarde à proposer une alternative publique crédible, elle pourrait voir son autonomie monétaire siphonnée par des émetteurs privés ou extra-européens. L’euro numérique, jadis perçu comme simple modernisation des paiements, s’auréole désormais d’enjeux de souveraineté : garantir un ancrage public face à la prolifération de jetons privés, protéger la confidentialité des citoyens sans sacrifier la traçabilité nécessaire à la lutte contre la criminalité financière, offrir un instrument de règlement paneuropéen qui gomme la fragmentation des systèmes nationaux. La mission ECON plaide pour une phase pilote accélérée, assortie d’un dispositif de gouvernance robuste, afin que la monnaie scripturale du siècle nouveau soit estampillée « BCE ». *L’ALCHIMIE DÉLICATE DE LA RÉGULATION BANCAIRE* Dans les salons de l’EBA et de la Banque de France, la conversation a pris des accents de balancier. D’un côté, la nécessité, impérieuse depuis la crise des subprimes, de boucler la mise en œuvre de Bâle III afin de prévenir l’aléa moral. De l’autre, la crainte que l’Europe, seule à jouer le jeu jusqu’au bout, se tire une balle de compétitivité. Le compromis esquissé à Paris – phaser l’application du FRTB pour les activités de marché – illustre cette recherche d’équilibre entre stabilité et dynamique. Mais la délégation a soulevé un angle mort : l’absence persistante d’un système européen de garantie des dépôts. Tant que chaque État reste le dernier recours des épargnants, une faillite bancaire transfrontalière risque de ranimer les réflexes nationaux et de faire voler en éclat la confiance mutuelle. Paris appelle donc à relancer le chantier de l’EDIS, gage final d’une union bancaire achevée. *VERS UNE UNION DE L’ÉPARGNE ET DE L’INVESTISSEMENT* Le partage du capital reste le talon d’Achille européen : 35 000 milliards d’euros sommeillent sur des comptes faiblement rémunérés, tandis que les start-up et la transition verte peinent à boucler leurs tours de table. La Stratégie pour l’Union de l’Épargne et de l’Investissement, publiée en mars, veut corriger ce paradoxe en créant un continuum entre poches domestiques et projets productifs. Plusieurs pistes se dégagent : harmoniser la supervision des groupes financiers pour éviter la fragmentation ; relancer la titrisation de qualité afin d’alléger les bilans bancaires ; simplifier l’accès au marché pour les PME grâce à la dématérialisation intégrale des prospectus. Surtout, inscrire la littératie financière au rang de priorité éducative pour que chaque citoyen devienne acteur conscient de la transition économique. *LA PROMESSE DU LABEL « FINANCE EUROPE »* Au fil des entretiens, le label « Finance Europe » est apparu comme l’incarnation concrète de cette stratégie. En imposant une exposition d’au moins 70 % aux entreprises du continent, une durée de détention minimale et l’absence de garantie en capital, il invite l’épargnant à revêtir le rôle d’actionnaire de la souveraineté. Les autorités nationales auront toutefois la clef de voûte fiscale : sans incitation attractive et harmonisée, l’épargne restera arrimée aux anciens produits sécurisés. Le débat parisien a donc insisté sur l’urgence de calibrer des avantages cohérents, sous peine de transformer un instrument potentiellement révolutionnaire en label orphelin. *LE DÉFI DE LA SIMPLIFICATION RÉGLEMENTAIRE* Simplifier ne signifie pas effacer ; il s’agit d’élaguer le lierre, non de tronçonner l’architecture. Le quatrième paquet « omnibus » promet 400 millions d’euros d’allégements annuels, mais la délégation a rappelé qu’un excès de granularité peut nourrir l’arbitraire autant que la surcharge. La double matérialité, pierre angulaire de la finance durable européenne, illustre ce tir à deux cordes : certains plaident pour éclaircir la grille de reporting, d’autres redoutent qu’une dilution informationnelle ne vide le concept de sa force transformatrice. *COMPÉTITION, INDUSTRIE ET POLITIQUE : L’ÉQUILIBRE À TROUVER* Les échanges avec l’Autorité de la concurrence et l’OCDE ont révélé une tension grandissante entre politiques industrielles offensives et préservation d’un marché loyal. Comment soutenir un Airbus vert sans fausser la concurrence ? Faut-il autoriser des « champions européens » capables de rivaliser avec les géants américains et chinois, quitte à assouplir la doctrine antitrust ? Paris expose l’idée d’un « critère de résilience » : permettre temporairement des concentrations stratégiques lorsque les enjeux de souveraineté l’imposent, à condition d’un contrôle ex post strict sur les abus de position. *FISCALITÉ INTERNATIONALE ET RÈGLES NATIONALES* Le dialogue avec l’OCDE a souligné l’avancée – mais aussi la fragilité – des piliers I et II de la réforme mondiale de la fiscalité. L’Europe, meneuse des négociations, doit désormais harmoniser la transposition pour éviter les chevauchements administratifs. Sur le front intérieur, la France a détaillé son plan d’assainissement budgétaire sous les nouveaux règlements de 2024 : davantage de flexibilité, certes, mais aussi une discipline soutenue par des trajectoires pluriannuelles assorties de réformes structurelles. L’enjeu, scande le rapport : conserver la crédibilité de la règle tout en finançant les transitions nécessaires. *CYBER-RÉSILIENCE, INTELLIGENCE ARTIFICIELLE ET MICA* La transformation numérique impose de nouveaux gardes-fous. Les régulateurs s’inquiètent de la multiplication des cyberattaques visant les chaînes d’intermédiation. DORA fixe un socle, mais la maturité opérationnelle varie fortement selon les acteurs. La mission préconise la mise en place de stress-tests cyber obligatoires, calqués sur les exercices de liquidité bancaire, pour évaluer la capacité réelle de reprise après incident. Quant à l’IA act, il devra clarifier, sans ambiguïté, les responsabilités des fournisseurs d’algorithmes de notation de crédit et de détection de fraude, sous peine de laisser un vide juridique propice aux contentieux. *CONCLUSION* Le clair-obscur qui s’est dessiné durant ces rencontres parisiennes révèle autant les progrès accomplis que la route encore à parcourir. L’Union dispose d’atouts rares : un marché de 450 millions de consommateurs, un tissu industriel diversifié, une monnaie unique déjà largement internationalisée, des régulateurs qui parlent d’une voix quasi unisson. Mais elle doit accélérer la synchronisation de ses politiques, rompre le cloisonnement de son épargne et se doter d’outils numériques à la hauteur des enjeux de souveraineté. En refermant leur rapport, les députés d’ECON invitent Bruxelles, Francfort et les capitales à un contrat de confiance renouvelé : accélérer où la compétitivité l’exige, protéger où la stabilité l’impose, éclaircir partout où la norme obscurcit l’horizon entrepreneurial. Ainsi se dessinera un continent capable, enfin, de conjuguer grandeur économique et profondeur démocratique – un continent qui ne se contente plus d’être un port sûr, mais s’affirme comme un navire amiral dans la tempête géopolitique du XXIᵉ siècle. https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/ECON-CR-773121_EN.pdf #euroscope #souverainetééconomique #digitaleuro #financeeurope #uniondesmarchésdecapitaux #baseliii #compétitivité #simplification

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