EuroScope : la chaîne sur l’Europe
EuroScope : la chaîne sur l’Europe
June 6, 2025 at 07:02 PM
*LE VINGT-HUITIÈME RÉGIME : ODYSSÉE JURIDIQUE POUR LIBÉRER L’INNOVATION EUROPÉENNE* Le vent des révolutions industrielles souffle de nouveau sur l’Europe ; mais, depuis la Baltique jusqu’à l’Atlantique, les jeunes pousses de la technologie trébuchent encore sur un entrelacs de vingt-sept codes, vingt-sept tribunaux, vingt-sept façons d’échouer. Sous la coupole de Strasbourg, la Commission des affaires juridiques du Parlement a donc entrouvert, le 5 juin 2025, la porte d’un « Vingt-huitième Régime » : une charpente légale facultative, unique, taillée pour les entreprises dont l’invention est la raison d’être. Ce projet n’est pas un amendement technique ; c’est une déclaration de confiance dans la capacité du continent à redevenir foyer d’audace et de modernité. *LA GENÈSE D’UNE AMBITION COMMUNE* Tout commence au printemps 2024 avec le rapport d’Enrico Letta, qui ranime l’idée d’offrir aux sociétés innovantes un corridor juridique continental pour contourner la mosaïque nationale et renouer avec l’esprit pionnier du Marché unique. Le rapport invite l’Union à rédiger un véritable Code européen des affaires – un « régime vingt-huitième » qui ne supprime rien, mais qui surplombe tout, pour ceux qui oseront s’y inscrire. Quatre mois plus tard, la présidente von der Leyen saisit la tribune de Davos. Dans la lumière des Alpes, elle résume l’équation : si l’Europe veut retenir ses 182 000 start-up innovantes, elle doit leur promettre un ensemble de règles uniques couvrant droit des sociétés, insolvabilité, travail et fiscalité. Le 29 janvier 2025, la Commission grave ce cap dans son « Compas de la compétitivité ». Entre un Acte sur l’innovation européenne et une Union de l’épargne, on y lit l’annonce d’un régime vingt-huitième à l’horizon 2026, considéré comme un « game changer » pour combler le fossé d’innovation qui sépare l’Union de ses rivales. *LES OBSTACLES QUI FREINENT L’ESSOR DES ENTREPRISES INNOVANTES* Le diagnostic est implacable : la fragmentation juridique renchérit chaque expansion transfrontalière ; l’accès au capital-risque reste famélique – à peine 5 % des fonds mondiaux sont levés dans l’Union ; et l’insolvabilité demeure un labyrinthe disparate où échouer coûte plus cher qu’ailleurs. Devant la commission JURI, les économistes du CEPS rappellent que, malgré une natalité de start-up supérieure à celle des États-Unis, l’Europe enfante trop peu de « licornes ». Les professeurs Ziller, Delavenne ou Möslein détaillent ensuite les goulets d’étranglement : constitution de société doublée, règles de participation ouvrière changeantes, fiscalité virevoltante. À chaque frontière, l’entreprise perd l’élan qu’elle avait patiemment conquis. (données issues de l’atelier du 5 juin 2025) *LE PROJET DU VINGT-HUITIÈME RÉGIME : ARCHITECTURE ET PORTEÉE* L’instrument sera volontaire : tout fondateur pourra conserver le droit national ou embrasser le nouveau régime, comme on choisit la voie rapide d’une autoroute. Son périmètre couvrira, d’un seul tenant, la création de la société, la responsabilité des dirigeants, la restructuration préventive, la protection des salariés et une fiscalité pensée pour la mobilité des capitaux et des talents. Les premiers drafts envisagent des seuils d’éligibilité liés aux dépenses de R&D ou à la détention de brevets ; l’objectif est de filtrer les « entreprises à forte teneur inventive » pour lesquelles le bénéfice d’un cadre uniforme serait maximal. Le calendrier esquissé par la Commission s’imbrique dans deux jalons : la stratégie Start-up & Scale-up attendue à l’été 2025 précisera les critères sectoriels ; l’Acte européen pour l’innovation, attendu fin 2025, définira les boussoles de gouvernance et de supervision. Si le Parlement et le Conseil suivent la cadence, le régime pourrait être opérationnel dès 2027, offrant aux entreprises un passeport juridique véritablement continental. *LE MIROIR DES EXPÉRIENCES PASSÉES* L’Union ne part pas d’une page blanche. Le succès des fonds UCITS montre que la combinaison d’un corpus unique et d’un passeport pan-européen peut générer un marché de mille milliards d’euros. À l’inverse, le PEPP, pourtant promesse d’une retraite individuelle portable, patauge faute d’harmonisation fiscale : un enseignement sévère pour les architectes du vingt-huitième régime. La Societas Europaea, lancée en 2004, témoigne aussi qu’une forme sociale continentale attire surtout les grands groupes si l’on néglige la simplicité d’enregistrement. Le futur texte devra donc garantir un coût d’entrée réduit, une fiscalité coordonnée et un arbitrage juridictionnel limpide pour éviter l’écueil des initiatives avortées. *LES DÉFIS POLITIQUES, SOCIAUX ET FISCAUX* Rien ne sera acquis. Un alignement minimal des bases fiscales reste indispensable ; sans incitations communes, le régime demeurerait un édifice théorique. Les règles de participation des salariés au capital, symbole identitaire pour nombre d’États, promettent aussi des débats enflammés. Enfin, la supervision devra éviter le « gold-plating » national ; l’expérience des services financiers plaide pour un guichet unique européen, hébergé peut-être sous l’égide d’EUR-LinC, embryon d’une future autorité des sociétés. L’enjeu n’est pas seulement juridique : c’est l’attractivité industrielle d’un continent qui, sans réforme, pourrait voir ses licornes prendre l’Atlantique pour un simple ruisseau. *PERSPECTIVES : 2026 ET AU-DELÀ* Si le texte voit le jour, il s’articulera avec le projet d’Union de l’épargne et des investissements, afin de diriger l’épargne européenne vers les champions technologiques de demain. Combiné à l’Acte sur l’intelligence artificielle et au futur Quantum Act, le vingt-huitième régime pourrait devenir la clef de voûte d’une Europe qui choisit de protéger ses valeurs non pas par des barrières, mais par la puissance de son marché. Les entreprises qui s’y engageront auront la latitude de passer de l’idée au produit, de la start-up à la « scale-up », sans changer de peau juridique à chaque douane. *CONCLUSION* Victor Hugo affirmait que « le futur est la porte, le passé en est la clef ». Le vingt-huitième régime, héritier des leçons du passé, pourrait bien devenir cette porte ouverte sur une Europe réconciliée avec l’audace. Encore faut-il que les États, jaloux de leurs prérogatives, acceptent de céder un pan de souveraineté pour en gagner un autre : celui de la prospérité partagée. Si le pari est relevé, le Vieux Continent pourra, une fois encore, écrire la grammaire du progrès. https://www.europarl.europa.eu/committees/en/the-28th-regime-a-new-legal-framework-fo/product-details/20250603WKS06401 #innovation #marchéunique #28erégime #startupeurope #euroscope https://buymeacoffee.com/euroscope

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