
EuroScope : la chaîne sur l’Europe
June 7, 2025 at 07:03 AM
*UNE CONSTELLATION DE DONNÉES POUR UNE EUROPE AUGMENTÉE*
À l’orée d’un nouvel âge numérique, la Commission européenne tend l’oreille vers les acteurs du continent : jusqu’au 18 juillet, elle recueille leurs idées pour bâtir, au second semestre 2025, la Stratégie de « l’Union des données ». Dans le sillage de la Data Strategy de 2020, il s’agit d’esquisser un marché intérieur où les données circulent librement, en toute sécurité, et irriguent l’intelligence artificielle comme un fleuve alimente ses plaines. Les multiples rapports parus depuis – Draghi, Letta, Borrell – convergent : l’Europe manque de masses critiques d’informations, de règles harmonisées et de corridors transfrontaliers qui permettraient aux PME de rivaliser avec les titans extra-européens du numérique.
*LES ENJEUX ACTUELS*
Cinq années après la première stratégie, des îlots de progrès émergent : les espaces européens de données sectoriels, la Data Governance Act qui encadre les intermédiaires, le Data Act qui consacre des droits d’accès aux données industrielles, ou encore l’Espace européen des données de santé. Pourtant, l’essor fulgurant des modèles génératifs révèle les lacunes : la plupart des corpus d’entraînement restent anglo-saxons, les ensembles multilingues demeurent clairsemés, et le morcellement réglementaire ralentit les projets d’IA. De plus, la dépendance aux infrastructures de cloud et aux API étrangères fragilise la souveraineté numérique, tandis que les tensions géopolitiques rappellent que la donnée est désormais matière première stratégique. Ainsi, la nouvelle stratégie se fixe un triple cap : stimuler l’investissement dans les technologies et les jeux de données nécessaires à l’IA, simplifier et unifier le labyrinthe législatif, et organiser une politique extérieure des flux pour sécuriser les échanges tout en attirant des datasets vers l’Union.
*OBJECTIF I : STIMULER L’OFFRE DE DONNÉES ET LES INVESTISSEMENTS*
La Commission envisage de transformer les espaces de données existants en véritables constellations interopérables. Chaque secteur – énergie, finance, mobilité, agriculture ou culture – serait non seulement doté de standards techniques communs (formats, API, modèles d’accès), mais aussi soutenu par un guichet unique européen permettant aux start-up d’accéder « à la demande » à des ressources certifiées. L’exécutif songe à cofinancer la constitution de corpus spécialisés dans les langues sous-représentées, afin que les modèles multilingues reflètent la diversité du Vieux Continent. En parallèle, une ligne de crédit via InvestEU pourrait encourager la mise en place de « data foundries », centres de raffinage où les données brutes deviennent matériaux d’entraînement pour l’IA.
*OBJECTIF II : SIMPLIFIER LE DROIT, RÉDUIRE LES CHARGES*
Depuis la GDPR, chaque nouveau texte – Data Act, IA Act, NIS 2, DORA – ajoute une strate de conformité. La stratégie propose d’instaurer une « boussole réglementaire » : un outil numérique capable de traduire, pour chaque entreprise, les obligations auxquelles elle est soumise et de générer des rapports automatisés réutilisables entre législations nationales et européennes. Le principe de « collect once, use many » viserait à limiter la prolifération des notifications redondantes. De plus, la Commission examinera les clauses d’ouverture qui permettent aux États membres de durcir ou d’assouplir la protection des données personnelles, source majeure de fragmentation. L’idée est d’aboutir, à terme, à une matrice de règles homogènes pour tout le marché intérieur, sans renier les droits fondamentaux.
*OBJECTIF III : DÉPLOYER UNE STRATÉGIE INTERNATIONALE DES FLUX*
Sur le front extérieur, Bruxelles veut parler d’une seule voix. Il s’agira d’exporter un modèle fondé sur la confiance – privacy, cybersécurité, transparence algorithmique – tout en multipliant les passerelles juridiques (adéquation, clauses types, interconnexions cloud-to-cloud) qui facilitent l’importation de données non européennes. L’Union compte également se doter de garde-fous pour bloquer – ou conditionner – la sortie de certaines catégories de données sensibles, si les intérêts de sécurité ou la concurrence l’exigent. Cette diplomatie de la donnée passera par le Conseil du commerce et des technologies UE-États-Unis, l’OCDE, mais aussi des accords bilatéraux avec des partenaires africains ou latino-américains, sources potentielles de jeux de données diversifiés et éthiquement collectés.
*L’ARTICULATION AVEC LE PLAN CONTINENT IA*
Présenté en avril, le plan d’action pour le continent IA place la Data Union parmi ses piliers. Sans hydrogène informationnel, pas de moteur algorithmique : la stratégie prévoit donc de coupler les investissements en centres de calcul haute performance (HPC) et en puces européennes à un afflux continu de données industrielles. Les utilisateurs d’IA bénéficieront d’outils d’anonymisation certifiés, tandis que des labels de qualité (équité, représentativité, traçabilité) guideront l’entraînement des modèles.
*CONSULTATION : UNE VOIE OUVERTE JUSQU’AU 18 JUILLET*
La consultation publique s’adresse aux citoyens, aux chercheurs, aux PME, aux intermédiaires de données, aux administrations, aux ONG. Chacun peut répondre, dans les vingt-quatre langues de l’Union, et téléverser des documents d’analyse. Les petites entreprises seront courtisées via l’Enterprise Europe Network, et l’expertise scientifique mobilisée par des appels dans les revues et pré-publications. L’enjeu est de récolter des exemples concrets de barrières, de dédoublements administratifs et de frictions internationales – matière vive pour forger des solutions proportionnées.
*MONITORING ET PROCHAINES ÉTAPES*
Un rapport de synthèse sera publié à l’automne 2025, tandis que le Data Innovation Board – déjà chargé d’orchestrer les espaces de données – instaurera un tableau de bord des indicateurs : volumes partagés, nombre de réutilisations, délais de mise à disposition, recours aux services d’intermédiation. Chaque nouvelle initiative annoncée par la Stratégie fera l’objet, le cas échéant, d’une évaluation d’impact spécifique. Ainsi, la Commission entend concilier vitesse politique et rigueur réglementaire.
*CONCLUSION*
L’Europe s’apprête, avec sa future Union des données, à relier les archipels informationnels pour constituer une mer commune, profonde et sûre. L’ambition est claire : faire de la donnée un bien productif, autant qu’un bien public, au service d’une intelligence artificielle éthique, compétitive et respectueuse des libertés. À condition que les voix consultées se fassent entendre, le continent pourra passer d’une économie de silos à un écosystème d’échanges, où la collaboration transsectorielle et transfrontalière deviendra la norme plutôt que l’exception.
https://ec.europa.eu/info/law/better-regulation/have-your-say/initiatives/14541-European-Data-Union-Strategy_en
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