EuroScope : la chaîne sur l’Europe
EuroScope : la chaîne sur l’Europe
June 7, 2025 at 08:50 AM
*EMISSIONS : L’EUROPE FACE AU MIROIR DE SON SOUFFLE CARBONE* Il est des matins où l’on mesure le chemin parcouru à la buée qui se dissipe sur les vitres du continent : trente-cinq années ont creusé la vallée entre 1990 et 2025, et la brume des gaz à effet de serre s’estompe d’un peu plus de la moitié. Le 28 mai dernier, la Commission européenne a dressé l’inventaire final des Plans nationaux Énergie-Climat. Le verdict, à première vue, incline à l’optimisme : à pleine vitesse et sans embardée politique, l’Union réduirait ses émissions nettes de 54 % d’ici 2030. Mais, tel l’écho d’une cathédrale inachevée, la mise en garde résonne aussitôt : cet horizon radieux n’existe qu’à la condition expresse de réaliser intégralement les politiques déjà gravées dans le marbre bruxellois et celles promises, parfois du bout des lèvres, par les États membres. *LE COMPTE À REBOURS DE LA DÉCARBONATION* L’Union s’était juré, dans le pacte vert, de devenir le premier grand espace continental climatiquement neutre en 2050. Le jalon de 2030 sert de pierre d’angle à cet édifice. Le système d’échange de quotas (ETS) révisé, l’extension au bâtiment et au transport routier (ETS2), l’effort-sharing regulation, la révision des normes CO₂ pour automobiles, ou encore l’obligation – désormais serrée – d’intégrer 42,5 % d’énergies renouvelables dans la consommation brute sont les piliers de cette architecture. La Commission, en évaluant les vingt-quatre PNEC déposés, constate que la moitié des États respecte déjà sa trajectoire sous l’effort-sharing, tandis que les autres tablent sur les flexibilités disponibles. La solidarité climatique, ici, se mesure à la tonne. *LES OMBRES DES SUBVENTIONS FOSSILES* Pourtant, la dalle porte encore les empreintes du charbon et du pétrole. Plusieurs capitales ne dressent pas la liste exhaustive des avantages fiscaux accordés aux énergies fossiles ; d’autres refusent d’y apposer une date d’extinction. La Commission prépare une feuille de route, adossée au Semestre européen, pour guider la main qui refermera ce robinet financier. Sans cet assèchement, l’investissement – déjà estimé à plus de 570 milliards d’euros annuels pour tenir la cadence climatique – risque de se disperser dans les méandres d’un passé qui tarde à disparaître. *LES PUITS DE CARBONE, POUMON FRAGILE DU CONTINENT* La forêt, les sols agricoles et les zones humides devraient, selon le règlement UTCATF, emmagasiner 42 millions de tonnes supplémentaires de CO₂ équivalent en 2030. Or les données convergent vers une contraction de la capacité naturelle d’absorption, oscillant entre trois et dix-huit millions de tonnes de perte. Les épicéas victimes des scolytes, les incendies méridionaux et l’artificialisation rampante brident le souffle vert. Plusieurs États plaident déjà pour une rémunération des pratiques agro-écologiques et sylvicoles qui renforcent l’humus et reboisent les ripisylves, mais le temps presse : chaque hectare drainé aujourd’hui est un tonneau percé pour demain. *UNE ÉNERGIE PLUS SOBRE, MAIS PAS ASSEZ* Les PNEC révisés promettent un progrès certain vers l’objectif commun d’efficacité énergétique. Pourtant, même en additionnant les programmes de rénovations, le déploiement des pompes à chaleur et les plans de mobilité, il manque encore plus de trente millions de tonnes équivalent pétrole pour atteindre la cible des 11,7 %. La transition verte ne saurait être une cavalcade effrénée de kilowattheures ; elle exige d’abord la volupté de la sobriété, écrirait peut-être Victor Hugo, ciselant la notion même de « besoin ». *L’INFRASTRUCTURE AU CŒUR DE L’AUTONOMIE* Sur la scène géopolitique, le gaz russe n’est plus qu’un filet d’eau dans la citerne européenne ; la diversification des sources a permis de réduire de 70 % l’importation en trois ans. Mais l’histoire n’est pas close : adapter terminaux, stockages et gazoducs à la descente programmée de la demande reste un défi logistique et financier. Dans le même temps, la synchronisation des réseaux baltes au réseau continental, achevée en février 2025, illustre l’élan vers une électricité réellement européenne. Reste à tisser les interconnexions manquantes entre péninsules et cœurs industriels, faute de quoi l’abondance renouvelable d’un territoire mourra dans la congestion d’un autre. *L’INDUSTRIE AU CRÉNEAU DE LA COMPÉTITIVITÉ* Le Marché unique se veut l’atelier des technologies propres. L’Acte industriel Zéro-Net entend ériger, à l’échelle des vingt-sept, une filière d’hydrogène vert, de batteries et de capture du carbone capable de rivaliser avec les géants américain ou chinois. Les PNEC rappellent que plus de la moitié des États ont déjà programmé des incitations fiscales, des subventions à l’innovation ou des accélérations de permis. Pourtant, peu se risquent à fixer des quotas de production ou des objectifs de parts de marché pour leurs usines. L’Europe, riche de brevets, devra aussi être riche de chaînes d’assemblage si elle veut transformer le laboratoire en trésor d’exportation. *LA JUSTICE SOCIALE COMME BOUCLIER* Une transition qui creuse les inégalités serait le tombeau du pacte écologique. Or, si la plupart des plans évoquent l’efficacité énergétique des logements sociaux, rares sont ceux qui identifient les ménages vulnérables à l’euro près, condition pourtant sine qua non pour mobiliser le Fonds social pour le climat dès 2026. De même, la fermeture des mines de lignite ou des centrales au mazout exige des territoires un répertoire concerté de reconversions industrielles et de formation professionnelle. Là où l’emploi exhausteur de CO₂ s’efface, l’emploi dépollueur doit germer. *GOUVERNANCE ET TRANSPARENCE* Le grand œuvre climatique n’a de sens que porté par le débat public. Plusieurs gouvernements ont élargi la consultation à la société civile entière ; d’autres, pressés par le calendrier, ont réduit l’échange à des questionnaires ou à des résumés digestes. Sans participation effective, la loi reste lettre morte et la défiance couve. Plus que jamais, le citoyen doit écouter battre le pouls de sa transition pour y reconnaître le sien. *CONCLUSION* L’Union européenne, telle une caravelle confrontée aux vents contraires du doute et de l’inertie, a hissé haut la grande voile de la neutralité climatique. Le cap de – 54 % en 2030 apparaît à portée de gouvernail, mais l’écueil n’est pas franchi. Il faudra, pour ne pas chavirer, démanteler les subventions fossiles comme on démolit les bastions d’une citadelle abolie, renforcer les forêts pour qu’elles redeviennent cathédrales de carbone, libérer l’ingéniosité industrielle et faire de la justice sociale la boussole de chaque décision. Alors seulement l’Europe pourra, en 2050, contempler sans rougir l’horizon qu’elle s’était promis : un ciel plus clair, une économie affranchie des chaînes fossiles et une cohésion retrouvée entre ses peuples et leur terre. https://aeur.eu/f/h40 #neutralitécarbone #transitionjuste #greendeal #necp #energierenouvelable #climat #euroscope https://buymeacoffee.com/euroscope

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